Cette fois, les discussions débutent réellement. Le conclave sur les retraites réunissant les partenaires sociaux commencera ce jeudi 27 février, à Paris. Syndicats et patronat sont attendus dans l’après-midi pour entamer les échanges sur le dossier, dans des locaux appartenant aux services du Premier ministre. Cette concertation est le résultat d’une initiative de François Bayrou, qui avait fait la promesse de « remettre en chantier » la contestée réforme des retraites de 2023 au moment de sa déclaration de politique générale.
« Nous pouvons rechercher une voie de réforme nouvelle, sans aucun totem et sans aucun tabou, pas même l’âge de départ de la retraite », avait-il ainsi déclaré à la tribune de l’Assemblée nationale, le 14 janvier dernier. Cette démarche était l’une des concessions faites aux députés socialistes pour lui éviter une motion de censure, qui menaçait alors son gouvernement, et obtenir l’adoption du budget de l’État et de la Sécurité sociale, alors en suspens.
Combien de temps vont durer les débats et qui va y participer aux débats ?
Quelques jours après ses propos, le Premier ministre avait réuni le 17 janvier dix organisations syndicales et patronales pour fixer le « cadre » et la « méthode » de leurs futures discussions. Le dialogue sur les retraites dureront au total trois mois. Matignon entend utiliser les conclusions des compromis trouvés entre les différentes parties dans un projet de loi qui devrait être présenté au Parlement avant l’été. Dans le détail, sept syndicats (la CGT, la CFDT, Force ouvrière, la CFE-CGC, la CFTC, l’Unsa et la FNSEA) et trois organisations patronales (le Medef, la CPME et l’U2P) sont cette fois conviés à participer à cette table ronde.
Pour mener les débats, un haut fonctionnaire a été choisi. Il s’agit de l’ancien directeur général de l’Agirc-Arrco Jean-Jacques Marette. Ce spécialiste connaît bien les problématiques liées aux retraites et avait été désigné en 2020 pour conduire les échanges de la Conférence d’équilibre et de financement des retraites – finalement annulée à cause de la pandémie de Covid-19. Ce dernier a adressé un courrier aux différents négociateurs pour les prévenir que le conclave débutera par un retour sur le rapport de la Cour des comptes, qui a transmis mi-février une mission flash sur l’état du système de financement des retraites à Matignon.
Que contient le rapport de la Cour des comptes ?
Ce document doit servir de base à la conversation entre partenaires sociaux. Selon le président de l’institution, l’ex-ministre de l’Économie Pierre Moscovici, les conclusions de cette étude sont « préoccupantes ». Le rapport table sur un déficit du système de financement des retraites de 6,6 milliards d’euros à la fin de 2025, de 15 milliards en 2035 puis de 30 milliards en 2045. Des chiffres éloignés de ceux évoqués plus tôt par François Bayrou, qui avait dans un premier temps avancé une donnée de 45 à 55 milliards d’euros de déficit.
Un travail salué par la plupart des syndicats participants. « Le Premier ministre a répété que la Cour des comptes rendrait un rapport pour partir sur des chiffres qui ne seront pas discutables. Nous y sommes et c’est plutôt une bonne nouvelle », a par exemple commenté Cyril Chabanier, le président de la CFTC. « La Cour des Comptes nous rassure sur le fait que nous n’avons pas basculé en France dans un régime de post-vérité », a par ailleurs ajouté la numéro 1 de la CGT, Sophie Binet.
Dans une lettre envoyée aux syndicats et au patronat à la veille du lancement des débats, François Bayrou leur a demandé de trouver des pistes pour « rétablir l’équilibre financier de notre système de retraites à un horizon proche ». Le maire de Pau fixe « l’horizon 2030 » comme objectif pour matérialiser ce projet. Dans le même courrier, il s’engage à tenir informés régulièrement les parlementaires des avancées des négociations sociales.
Quelles sont les attentes des syndicats et du patronat ?
Plusieurs responsables ont d’ores et déjà fait part de leurs faibles attentes quant à cette série de réunions. À commencer par le président du Medef, Patrick Martin, qui se dit « hélas pessimiste » sur l’issue des discussions. « En outre, si celles-ci sont finalement couronnées de succès, une seconde inconnue de taille surgira. Car en cas d’accord entre partenaires sociaux, celui-ci aurait vocation à être transcrit dans un texte soumis à la représentation nationale. Dans cette hypothèse, nous entrerions en terra incognita », a ajouté le dirigeant patronal, dans un long entretien accordé au Monde. Côté syndical, Force ouvrière avait déjà posé avant le début de la conférence sociale l’abrogation de la réforme portée par Elisabeth Borne comme condition de toute négociation. La concertation à peine débutée, le syndicat a d’ailleurs claqué la porte des échanges.
Scepticisme, aussi, dans les rangs des oppositions politiques. Le député LFI Hadrien Clouet a critiqué les conditions d’organisation de ce conclave, qui ne pourront selon lui pas garantir des négociations « honnêtes », a-t-il dit dans un entretien à Libération. « Je ne crois pas que ce conclave de trois mois change l’alpha et l’omega de la réforme des retraites. Je pense que François Bayrou cherche à gagner du temps », déplorait aussi le vice-président du Rassemblement national Sébastien Chenu sur Public Sénat le 11 février. Si le conclave ne permettait pas d’aboutir à des conclusions, la réforme de 2023 pourrait continuer à être appliquée telle quelle. Elle prévoit le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans d’ici à 2030.