« On ne peut pas se contenter de bribes » : le PS montre les muscles avant un week-end décisif sur le budget 2026
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« On ne peut pas se contenter de bribes » : le PS montre les muscles avant un week-end décisif sur le budget 2026

Les socialistes ont fait monter la pression ce 24 octobre, au premier jour des débats budgétaires en séance à l’Assemblée nationale. Sans gains sur la « justice fiscale », la gauche menace le gouvernement de censure. Ce week-end d’examen sur la partie 1 du projet de loi de finances pourrait être décisif.
Guillaume Jacquot

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Le Parti socialiste continue de pousser ses pions sur l’échiquier budgétaire. Alors que commencent aujourd’hui les discussions en séance publique à l’Assemblée nationale sur la première partie du projet de loi de finances, ses députés font monter la pression pour obtenir un volet fiscal du texte plus acceptable à leurs yeux. Jeudi soir, dans les colonnes du Parisien, le président du groupe, Boris Vallaud, a dénoncé l’absence de compromis « significatif » de la part du bloc central lors des débats en commission des finances de cette semaine. Il a rappelé qu’une motion de censure pouvait tomber à tout moment. Le député des Landes regrette en particulier le rejet de la proposition de taxe Zucman, ou encore d’un rétablissement d’un ISF sur les milliardaires.

Pour lui, la recherche de « plusieurs milliards de recettes supplémentaires au bénéfice des plus modestes, de nos services publics, de l’économie réelle dans nos territoires » ne serait « pas négociable ». Et de mettre en garde : « Si le bloc central n’est pas capable de justice fiscale, je ne suis pas sûr qu’il sera possible de discuter de la suite. Le débat budgétaire s’arrêtera très vite. »

Un ultimatum perçu comme un « chantage » dans le bloc central

Olivier Faure, le premier secrétaire du Parti socialiste, a même lancé un ultimatum dans la matinée sur BFMTV. « Si, dans les toutes prochaines heures, en gros jusqu’à lundi prochain, il n’y avait pas d’évolution sensible sur le texte, c’en serait terminé. » Juste avant le début de la discussion générale, le député de Seine-et-Marne a même disserté sur le scénario d’une nouvelle dissolution, sur LCI. « Si ces compromis n’interviennent pas, il n’y aura pas de budget tout court et nous irons devant les électeurs. »

Les rappels à l’ordre des députés socialistes, dont les effectifs sont essentiels pour éviter au gouvernement une censure, ont été mal vécu ce matin au sein du bloc central. « Les ultimatums et les caricatures sont inutiles. Et le chantage par voie de presse n’est pas une voie pour la discussion », a rapidement réagi Marc Fesneau, le patron des députés du MoDem. « Les menaces et les coups de pression n’on pas leur place dans le compromis, dans le débat parlementaire, que nous appelons de nos vœux », a également répondu sur BFMTV Prisca Thevenot (Ensemble pour la République), proche de Gabriel Attal.

« En matière de justice fiscale, le compte n’y est pas », relève le sénateur Thierry Cozic

Sébastien Lecornu avait déjà assuré à son gouvernement un répit, en promettant de mettre au débat de l’Assemblée nationale la suspension pour les deux prochaines années de la réforme des retraites, ce qui lui avait valu de résister à une motion de censure mi-octobre. « Il n’a jamais été question pour nous que ce soit un solde de tout compte », a toutefois rappelé Boris Vallaud hier. Et surtout, le PS est furieux contre la compensation du coût cette mesure, celle d’une moindre revalorisation des pensions de retraite. « À ce stade, il y a eu un engagement essentiel, mais si cette suspension est payée par les retraités, ce n’est pas possible », s’oppose Patrick Kanner, le président du groupe PS au Sénat.

Tout au long du week-end, les socialistes vont donc juger sur pièces, au fil des amendements. « On ne peut pas se contenter de bribes. En matière de justice fiscale, le compte n’y est pas », observe le sénateur Thierry Cozic, l’un des référents du parti à la chambre haute sur les questions budgétaires. Le sénateur de la Sarthe considère qu’aucune des dispositions, adoptées individuellement pendant les débats en commission des finances, avant le rejet global de cette partie, ne cible les milliardaires. À l’exception toutefois d’un impôt universel, ciblant les hauts revenus domiciliés dans les paradis fiscaux, qui devra être redéposé en séance.

« Si on nous dit qu’on n’aura pas la taxe Zucman, on regardera les propositions alternatives du gouvernement, quand on ira négocier : sur les hauts revenus, la hauteur de l’impôt exceptionnel sur les grandes sociétés et la taxe anti-holdings, qui ne peut pas se limiter à un rendement de 1,5 milliard. On veut aussi parler de la flat taxe », prévient Patrick Kanner. « Tout cela, mis bout à bout peut aboutir à quelque chose qui préserve les petits. » Le PS n’approuve pas non plus le gel du barème de l’impôt sur le revenu, qui alourdira la pression fiscale sur les classes moyennes et populaires. « C’est un budget de souffrance, qui touche plus les classes moyennes que les gens qui ont les moyens de répondre à un effort collectif », tacle Thierry Cozic.

Le Premier ministre parle de « bases de compromis ou d’accroches pour la suite des discussions » dans le projet de loi

Sur le volet fiscal du projet de loi de finances, les socialistes fixent comme cible « 10 à 15 milliards d’euros » de prélèvements supplémentaires, que l’on imagine assis sur les ménages les plus aisés. Le parti à la rose estime avoir fait déjà une part du chemin par rapport à son projet budgétaire présenté fin août à son université d’été de Blois, où il était question de près de 27 milliards d’euros de recettes supplémentaires. « On sait que l’on n’aura pas 100 % de ce que l’on souhaite, c’est clair, mais on ne veut pas faire payer aux plus modestes les erreurs commises depuis huit ans », relève Patrick Kanner. Le sénateur du Nord rappelle au passage qu’une nouvelle censure ou dissolution coûterait 10 à 15 milliards d’euros à l’économie française, avec l’incertitude et le renchérissement du coût de la dette, soit le prix des revendications du PS pour la première partie du projet de loi de finances. « On essaye de convaincre le gouvernement que sa durabilité doit être concomitante des intérêts des Français. »

Après le dossier des retraites, le nouveau « prix à payer pour la stabilité » ? Vendredi après-midi, en ouvrant la discussion générale sur le budget devant l’hémicycle du Palais Bourbon, ce qu’aucun prédécesseur n’avait jamais fait, Sébastien Lecornu a davantage semé quelques cailloux, plutôt que de réelles réponses. Le texte « porte déjà certaines bases de compromis ou des accroches pour la suite des discussions parlementaires, notamment en matière fiscale », a-t-il simplement déclaré. Comme s’il préparait le terrain pour des évolutions, après avoir insisté sur le « changement de culture » à l’œuvre au Parlement pour cette séquence budgétaire qui sera jouera sans 49.3.

Sébastien Lecornu « doit s’engager » selon Patrick Kanner

Jusqu’à présent, dans les auditions, les ministres de Bercy n’ont pas livré de position propre au gouvernement, se contentant de répondre que le « débat » aurait lieu sur tous les points polémiques du budget. « On attend des signes, la balle est dans le camp du gouvernement, il y a le parlementarisme mais ce n’est pas suffisant, on doit avoir aussi quelque chose qui donne le cap », espère Thierry Cozic. « Certes, il dit pas de 49.3, donc le Parlement débattra, mais il y a aussi l’article 20 de la Constitution : le gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation. Il faut qu’il s’engage à un moment sur les enjeux de cette négociation », prévient aussi Patrick Kanner. Matignon est aussi attendu dans les rangs du bloc central. « Nous attendons le chemin sur lequel le Premier ministre veut continuer à s’inscrire », a déclaré Prisca Thevenot sur BFMTV. Le week-end qui s’ouvre va être déterminant pour la suite du budget.

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