Des changements qui vont concrètement toucher des millions de Français. Le projet de budget présenté par Sébastien Lecornu prévoit un effort budgétaire de plus de 30 milliards d’euros. Celui de la Sécurité sociale, lui, anticipe une réduction de 5,5 milliards d’euros du déficit du système de protection sociale français. À ce propos, le Premier ministre a rappelé, lundi, avoir formé « un gouvernement qui sera là pour tenir les cordons de la bourse avec discernement et justice ».
Pour atteindre ces objectifs en matière de redressement des comptes publics, de nombreuses mesures sont prévues dans les deux projets de lois de finances, présentés mardi 14 octobre par Sébastien Lecornu en conseil des ministres, avant sa déclaration de politique générale. Certaines d’entre elles risquent d’affecter fortement le quotidien des contribuables, mais aussi leur portefeuille.
L’idée d’une « année blanche » reprise
Une partie de ces évolutions est issue des propositions émises par François Bayrou lors de son passage à Matignon. La mise en place d’une « année blanche » avait par exemple déjà été évoquée par le président du MoDem. Concrètement, ce dispositif prévoit d’abord de geler le barème fixant les tranches d’imposition pour le calcul de l’impôt sur le revenu. Habituellement indexé sur l’inflation, ce dernier restera en 2026 le même que celui de l’an passé.
Résultat : l’augmentation des prix n’étant pas répercutée sur ces tranches, certains ménages aujourd’hui non concernés deviendront imposables. Une situation qui concernerait au total 200.000 foyers fiscaux l’année prochaine. D’autres actuellement placés dans une certaine tranche seront mécaniquement remontés à un échelon d’imposition supérieur, sous l’effet de ce gommage de l’inflation par Bercy. Au total, Bercy espère retirer 1,9 milliard d’euros d’économies de mécanisme fiscal.
Gel des pensions et fin de l’abattement à 10% pour les retraités
Au-delà de l’impôt sur le revenu, le gouvernement prévoit aussi une « année blanche » sur le versement des prestations sociales (allocations familiales, aides personnalisées au logement…) et des pensions de retraites de base. Là encore, ces montants, ordinairement indexés sur l’inflation, seront maintenus au même niveau l’année prochaine. « Cet effort restera modéré au regard du ralentissement de l’inflation », est-il souligné au sujet de ces mesures, dans l’exposé du motif du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS).
La non-revalorisation des pensions ne sera pas la seule mesure appliquée aux retraités. Aujourd’hui bénéficiaires d’un abattement fiscal de 10% au moment de leur déclaration d’impôts sur le revenu, ils n’auront désormais accès plus qu’à un abattement forfaitaire de 2000 euros. Une idée là aussi extraite du projet de budget présenté par François Bayrou en juillet. Après cette annonce, l’économiste Sylvain Duchesne avait estimé dans une note de blog publiée sur le site de l’Institut des politiques publiques (IPP) que cette nouvelle formule ferait environ 1,4 million de contribuables perdants.
L’objectif, selon le gouvernement ? Faire contribuer davantage les retraités les plus aisés. En effet, l’exécutif estime que l’abattement actuel de 10 % « affecte » aujourd’hui « la progressivité du barème de l’impôt sur le revenu tout en étant mal ciblé et peu adapté dans la mesure où, sans même l’abattement, les retraités les plus défavorisés sont non imposables ». L’évolution permettrait par ailleurs « d’améliorer la situation des couples de retraités les plus modestes ».
Éducation, santé… Des niches fiscales ciblées
De manière plus spécifique, le gouvernement compte également supprimer 23 niches fiscales jugées « obsolètes » ou « inefficaces ». L’ambition est de réaliser au total 5 milliards d’économies grâce à cette mesure. Si le ciblage de certaines de ces dispositifs relèvent de l’anecdotique, d’autres créent des inquiétudes parmi certains Français. Dans le domaine éducatif, les parents d’élèves au collège, au lycée ou dans le supérieur pouvaient ainsi profiter d’une réduction d’impôt pour frais de scolarité ou d’études de leurs enfants. Dans le détail, une diminution d’un montant de 61 euros par collégien à charge, de 153 euros par lycéen et de 183 euros par étudiant est aujourd’hui accordée.
Celle-ci n’est pas automatique : pour y prétendre, les parents doivent renseigner le nombre d’enfants dans leurs familles dans certaines cases lorsqu’ils remplissent leur déclaration de revenus. « Au titre des revenus 2019, la colonne ‘collège’ a été servie 2,1 millions de fois pour un nombre total de collégiens d’environ 3,3 millions, ce qui conduit à estimer le ‘taux de non-recours’ à environ 36,4 % », précisait en 2021 le ministère de l’Action et des Comptes publics, lors d’une réponse à une question écrite posée par une députée. Cet avantage sera donc complètement supprimé.
Autre niche fiscale visée : l’exemption d’impôt sur les indemnités journalières pour affection longue durée (ALD). Aujourd’hui, les assurés sous ce régime peuvent bénéficier « d’une exonération totale » d’impôt sur le revenu de ces ressources lorsqu’ils en perçoivent de la part de l’Assurance-maladie, rappelait en juin 2024 de l’Inspection générale des finances publiques dans un rapport.
En supprimant cet avantage fiscal, le gouvernement suit la recommandation de l’organisme, qui préconisait dans ce document un « assujettissement – au moins partiel – à l’impôt sur le revenu des indemnités journalières en cas d’ALD ». D’après la même source, 13,7 millions de personnes « étaient reconnues » en 2021 par l’Assurance-maladie sous ce dispositif.
Toutes ces mesures sont encore loin d’être inscrites dans la loi. Les deux textes budgétaires doivent être débattus au Parlement dans les prochaines semaines et pourront alors être largement amendés. Le gouvernement espère faire valider ces projets de loi de finances de l’État et de la Sécurité sociale avant le 31 décembre prochain.