Un peu plus de deux semaines après la publication du rapport du Sénat sur les pratiques des industriels de l’eau en bouteille, l’UFC-Que-Choisir annonce ce mardi 3 juin avoir saisi la justice. L’association de consommateurs accuse les pouvoirs publics d’« immobilisme » face au système de fraude mis en place pendant des années par le groupe Nestlé pour contourner la législation en matière de filtration de ses eaux minérales, notamment sur le site Perrier de Vergèze dans le Gard.
L’association indique avoir déposé plainte auprès de la Cour de Justice de la République contre Agnès Pannier-Runacher, l’actuelle ministre de la Transition écologique, qui était ministre déléguée à l’Industrie au moment des faits, mais aussi contre Roland Lescure, ancien ministre de l’Industrie, et contre deux anciens ministres de la Santé : Aurélien Rousseau et Agnès Firmin le Bodo.
Par ailleurs, l’UFC-Que Choisir a également porté plainte au pénal, contre le groupe Nestlé Waters qu’elle accuse de « pratiques commerciales trompeuses, de falsifications aggravées et de tromperies aggravées ». Le géant de l’agroalimentaire a admis avoir utilisé pendant plusieurs années des techniques de filtration et de désinfection interdites, afin de maintenir la qualité de ses eaux minérales.
« Les ministres nous ont répondu qu’ils n’étaient au courant de rien »
La commission d’enquête parlementaire du Sénat, ouverte après une première série de révélations par le journal Le Monde et franceinfo sur les pratiques de Nestlé, a mis en avant l’absence de réactivité des pouvoirs publics, pourtant informés de la situation depuis plusieurs années. Les élus vont même jusqu’à épingler la « stratégie délibérée de dissimulation » mise en œuvre par l’exécutif.
Pour autant, toujours selon le rapport d’enquête, aucun membre du gouvernement n’aurait été directement impliqué dans cette affaire, les décisions ayant été prises à un échelon inférieur. « Durant les auditions, les ministres nous ont répondu qu’ils n’étaient au courant de rien parce que leurs cabinets, leurs directeurs de cabinet ou leurs conseillers ne les avaient pas informés », souligne Laurent Burgoa, le président LR de la commission d’enquête, qui rappelle que ces différents responsables se sont exprimés après avoir prêté serment.
« Si, demain ou après-demain, il y avait d’autres éléments qui prouvent le contraire, on pourrait s’en servir pour déposer plainte contre eux, ce qui n’est pas le cas à ce jour », relève-t-il. « J’ai bien peur que ça fasse le buzz et que ça fasse pschitt dans quelques mois », ajoute l’élu.
Une « République des cabinets »
« Il faut que la justice avance sereinement », nuance Alexandre Ouizille, le rapporteur socialiste de la commission d’enquête. « Il faut laisser les plaintes aller jusqu’au bout si des gens ont des doutes sur la probité des uns ou des autres. » « Vous avez des ministres, comme Roland Lescure, qui ont assumé [durant leurs auditions au Sénat, ndlr] d’avoir pris certaines décisions, d’autres qui ont donné l’impression de se réfugier derrière leurs cabinets, et qu’une République des cabinets était en place », explique-t-il.
Les plaintes de l’UFC-Que Choisir viennent s’ajouter à celles déjà déposées en septembre dernier par Foodwatch, autre organisme de défense des consommateurs. De leur côté, les sénateurs entendent lancer un groupe de travail dans les prochains mois pour donner une transcription législative à la vingtaine de préconisations qui accompagnent leur rapport.