Avant la présentation du plan contre la pauvreté, les associations mettent la pression sur le gouvernement

Plus de 9 millions de personnes pauvres en France : « Emmanuel Macron n’a rien fait pour arranger les choses », regrettent les sénateurs 

Selon la dernière enquête de l’INSEE, 14,4% de la population en France métropolitaine vivait en situation de pauvreté en 2022. Les politiques menées depuis 2017 n’ont pas permis de lutter contre cette précarité, constatent les sénateurs.
Alexandre Poussart

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Ils sont plus de 9 millions. Précisément 9,1 millions de personnes vivent en situation de pauvreté en France, c’est-à-dire avec des ressources inférieures à 60% du revenu médian, soit moins que 1216 euros par mois pour une personne seule. Ce résultat de la dernière enquête INSEE pour l’année 2022, publiée ce jeudi, dévoile un taux de pauvreté de 14,4% de la population en France métropolitaine.

Des étudiants, des mères célibataires et des travailleurs précaires

« Ces chiffres sont une catastrophe », s’alarme la sénatrice communiste du Pas-de-Calais, Cathy Apourceau-Poly. « Cette pauvreté je la côtoie tous les jours dans mon département. Ce sont souvent de jeunes étudiants, des indépendants, des mères célibataires, des demandeurs d’emploi mais aussi des travailleurs précaires ! Récemment, j’ai rencontré des ouvriers qui travaillent depuis 30 ans dans l’usine Logil, à Noyelles-sous-Lens. Ils gagnent 1300 euros par mois. Comment voulez-vous vivre dignement ? »

Ce taux de pauvreté a peu évolué depuis l’accession au pouvoir d’Emmanuel Macron en 2017 (14,1%). « Emmanuel Macron n’a rien fait pour arranger les choses », estime Cathy Apourceau-Poly. « La stratégie du ruissellement des richesses promise par le président n’a pas fonctionné », regrette Olivier Henno, sénateur centriste du Nord. « Même si Emmanuel Macron a réussi à faire baisser le chômage ces dernières années, le problème c’est que le travail peu qualifié rémunère mal. La valeur travail a été démonétisée par rapport à l’économie de la rente qui a davantage prospéré. »

Plus de 13% de la population doit faire des renoncements

Une autre étude de l’INSEE montre que les Français sont deux fois plus nombreux à devoir se priver par rapport à il y a dix ans. Début 2023, 13,1% de la population déclarait renoncer à certains produits ou services, comme manger de la viande ou du poisson tous les deux jours, se chauffer correctement, ou partir une semaine en vacances chaque année. Des renoncements qui correspondent à des secteurs touchés par l’inflation : le prix de l’alimentation, en hausse de 15% sur un an en février 2023, celui de l’énergie en hausse de 14% sur la même période. « Les gens sont obligés de faire des choix entre manger correctement ou se chauffer », dénonce Cathy Apourceau-Poly. « Je connais des femmes aides à domicile qui sont obligées de faire leurs déplacements professionnels en vélo car elles ne peuvent plus payer l’essence de leur voiture… »

Le mal-logement, signe de cette précarité grandissante

« Cette enquête INSEE sur la pauvreté confirme aussi la situation de mal-logement que nous constatons depuis des années dans nos travaux au Sénat », commente la sénatrice centriste du Pas-de-Calais, Amel Gacquerre, très en pointe sur ces questions de logement et présidente de l’actuelle commission d’enquête sur la paupérisation des copropriétés. « Les chiffres sont inquiétants : 4,2 millions de mal-logés, 300 000 SDF. 6 millions de Français ne peuvent pas chauffer leur logement comme ils le souhaitent. Le gouvernement a manqué de politiques volontaristes en la matière ces dernières années. Il doit accélérer la construction de logements, dans le privé comme dans le parc social ainsi que la rénovation énergétique des bâtiments. »

Sur la question de l’hébergement d’urgence, le bilan d’Emmanuel Macron semble plutôt positif : Depuis 2017, le nombre de places est passé de 120 000 à plus de 200 000. Mais pour Amel Gacquerre, « cela reste insuffisant. »

Les familles monoparentales sont les plus touchées par la pauvreté

L’une des catégories de la population les plus touchées par la pauvreté est celle des familles monoparentales. En 2022, 31,4% d’entre elles vivaient en dessous du seuil de pauvreté, soit 1581 euros pour une personne seule avec un enfant de moins de 14 ans. Une proportion en baisse par rapport à l’année précédente (32,3%). « Cela fait des années que l’alerte a été donnée sur la précarité des familles monoparentales, mais depuis qu’est-ce qui a été fait ? », interroge Colombe Brossel, sénatrice socialiste de Paris. « Nous avons salué la promesse d’Emmanuel Macron d’étendre de 6 à 12 ans l’âge limite de l’enfant pour obtenir l’aide à la garde d’enfant, mais sa mise en oeuvre pour 2025 était trop tardive et entre-temps, il y a eu la dissolution, ce qui met en suspens cette réforme », regrette la sénatrice qui propose par ailleurs de retravailler le mode de calcul des pensions alimentaires. « Ce barème est actuellement de 190 euros mensuels par enfant alors que les études montrent que le coût réel de l’éducation d’un enfant se situe aux alentours de 650 euros par mois. »

Augmenter les salaires

Parmi les solutions pour mieux lutter contre la pauvreté, la hausse des salaires semble inévitable pour la sénatrice communiste Cathy Apourceau-Poly. « Ces revalorisations sont nécessaires dans le privé comme dans la fonction publique. Un fonctionnaire de catégorie C est embauché avec un salaire à peine au-dessus du SMIC actuellement. Il faut aussi augmenter les aides et les bourses de tous les étudiants précaires, et mieux accompagner les jeunes issus de l’Aide sociale à l’enfance, qui dès 19 ans, peuvent se retrouver sans famille d’accueil, à la rue, car le RSA n’est versé qu’à partir de 25 ans. »

Versement automatique des aides sociales

La lutte contre le non-recours aux aides sociales est également une piste d’amélioration. En septembre dernier, le gouvernement assurait qu’il y avait 34% des personnes éligibles au RSA qui n’y avaient pas recours, et 39% pour la prime d’activité. Dans l’optique de mettre en oeuvre la promesse de campagne d’Emmanuel Macron d’un versement automatique des aides sociales, cinq départements vont expérimenter le versement automatique du RSA et de la prime d’activité aux personnes concernées. Un test prévu pour l’automne prochain.

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