Électricité : pourquoi une hausse du prix en février sera de la seule responsabilité du gouvernement

Prix de l’électricité : pourquoi une hausse de 10 % en février sera de la seule responsabilité du gouvernement

À fiscalité inchangée, les tarifs réglementés de vente de l’électricité pour les particuliers ne devraient pas bouger en février, selon la Commission de régulation de l’énergie. Mais le gouvernement s’est laissé la possibilité, dans le dernier budget, d’augmenter une taxe pouvant entraîner une hausse de 10 %. Une décision potentiellement explosive après la flambée de 2023.
Guillaume Jacquot

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Avis de surtension sur le pouvoir d’achat. Les yeux rivés sur leurs compteurs en cette période de grand froid, les Français redoutent une autre mauvaise nouvelle sur leurs factures d’électricité le mois prochain. C’est en février que le gouvernement prévoit de rehausser le niveau des accises sur l’électricité, un prélèvement que l’État opère au titre d’une contribution au service public. Celle-ci avait été réduite à son niveau minimal il y a deux ans, afin de soulager les ménages dans le cadre du bouclier tarifaire.

Depuis l’automne, Bercy avait annoncé son intention de sortir progressivement des dispositifs exceptionnels de soutien après la fin de la crise énergétique. L’article 92 de la loi de finances, votée au Parlement fin 2023, permet au gouvernement de remonter le niveau de l’accise sur l’électricité, dans la limite d’une progression du prix total du kilowattheure de 10 % TTC. Le ministère de l’Économie et des Finances a jusqu’au 31 janvier 2024, pour prendre sa décision via un arrêté.

La Commission de régulation de l’énergie présente ses calculs

Ce mercredi, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a présenté son calcul de l’évolution des tarifs réglementés de vente d’électricité, chiffres qu’elle doit proposer le 15 janvier aux fournisseurs et aux associations de consommateurs. L’autorité envisage un niveau quasiment inchangé pour les pour les tarifs bleus résidentiels, en raison « de la détente des prix sur le marché de gros », laquelle compense la suppression du gel tarifaire du bouclier 2023. Pour rappel, les tarifs intègrent pour partie les prix de marché sur une période de deux ans.

Sur demande du ministère de l’Économie, la CRE a précisé de combien devraient évoluer les tarifs réglementés en fonction de deux scénarios. Dans l’hypothèse d’un maintien du tarif de l’accise sur l’électricité à son niveau actuel (1 euro par MWh), le tarif réglementé de l’électricité serait pour ainsi dire inchangé (baisse de 0,01 % pour les particuliers, -3,67 % pour les professionnels). Si l’accise était portée au niveau maximum permis par la loi de finances (22,54 euros du mégawattheure), le tarif de l’électricité augmenterait de 10 % pour les particuliers. Autrement dit, toute hausse en février ne serait alors que le résultat d’un mouvement de fiscalité, à la main du gouvernement, et non des prix du marché.

Une hausse des tarifs de 26,5 % sur l’ensemble de l’année 2023

Ce serait une mauvaise nouvelle supplémentaire pour les consommateurs, après deux hausses du tarif réglementé l’an dernier (15 % en février puis 10 % en août). « Pour un consommateur de référence – c’est-à-dire qui consomme 8500 kWh par an, selon la définition de la CRE – la hausse des tarifs en 2023 représente 430 euros », détaille à Public Sénat Lucile Buisson, chargée de mission énergie à l’UFC-Que Choisir. Le même client lambda se retrouverait à payer environ 200 euros supplémentaires cette année, si les tarifs progressaient de 10 % en février.

Déjà en désaccord sur les augmentations décrétées l’an dernier, l’UFC-Que Choisir s’oppose à cette option. « On souhaite que la fiscalité du tarif de vente réglementé de l’électricité demeure stable, ou à défaut, de prévoir une hausse inférieure à l’inflation », défend Lucile Buisson. « La baisse sur les marchés permet au gouvernement d’alléger le coût du bouclier tarifaire, c’est déjà une économie à notre sens. »

Le gouvernement est face à un dilemme. Bercy cherche à ramener le déficit vers des niveaux plus soutenables pour les finances publiques, le rétablissement de l’accise sur l’électricité de 1 à 22,54 euros par mégawattheure participerait à cet effort. Sachant que son niveau était de 32 euros avant la crise énergétique de 2022, le rattrapage fiscal n’est donc pas encore total. Le Sénat avait d’ailleurs tenté de s’opposer, lors des débats de décembre, à ce soutien uniforme. Les sénateurs ont tenté sans succès de renforcer le soutien aux classes populaires et moyennes, via un chèque énergie renforcé, plutôt qu’une accise rabotée qui aurait bénéficié à tous, y compris aux ménages les plus aisés, les plus gros consommateurs. Le tout, pour un montant moins élevé que le dispositif gouvernemental.

L’heure du choix pour Gabriel Attal

Voici pour l’aspect budgétaire. De l’autre côté, l’exécutif doit aussi garder à l’esprit qu’il faut ménager les classes moyennes. C’est sur cette catégorie de Français que le nouveau Premier ministre Gabriel Attal a mis l’accent, lors de sa passation de pouvoirs avec Elisabeth Borne. Une hausse de 10 % des tarifs de l’électricité, après un bond de 26,5 % l’an dernier, serait dans ce contexte du plus mauvais effet pour sa prise de fonctions. Et constituerait un angle d’attaque pour les oppositions. « Si M. Attal voulait donner comme signal qu’il tient compte des préoccupations des Français, il pourrait annuler l’augmentation de l’électricité de 10 % au 1er février », déclarait ce matin dans notre matinale Manuel Bompard, le coordinateur national de la France insoumise.

À l’heure de la transition écologique, autre priorité gouvernementale, ce coup de bambou constituerait au passage un « message contradictoire », estime Nicolas Goldberg, le responsable du pôle énergie au cercle de réflexion Terra Nova. « Il n’y avait aucune urgence à rétablir cette taxe et à augmenter à nouveau les prix de 10% là où ils auraient pu se stabiliser, voire baisser, et ainsi envoyer le signal que le bouclier tarifaire a tenu jusqu’à stabiliser les prix. Occasion manquée », écrivait-il sur le réseau X ce matin.

Épilogue dans les jours à venir, au moment de la publication de l’arrêté gouvernemental.

Dans la même thématique

CAC 40
7min

Économie

Lutte contre la fraude : l’arbitrage des dividendes dans le collimateur des parlementaires

Portée par la députée Charlotte Le Duc (LFI) et la sénatrice Nathalie Goulet (UC), une proposition de loi transpartisane et transparlementaire visant à « mettre fin aux pratiques d’arbitrage de dividendes », a été déposée sur le bureau des deux chambres. Un texte qui fait suite au scandale des « CumCum », un montage financier permettant à de nombreux actionnaires d’échapper à l’impôt, au moment où ceux-ci perçoivent leurs dividendes.

Le

FRA : BERCY : LANCEMENT DE LA CAMPAGNE DES DECLARATIONS D IMPOTS
5min

Économie

Lutte contre la fraude : « Toutes les annonces sont bonnes à prendre », souligne Nathalie Goulet (UC)

Le ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave, a dessiné ce jeudi, chez nos confrères des Echos, les grands contours d’un nouveau plan antifraude, un an après celui présenté par son prédécesseur, Gabriel Attal. Les raisons ? La fraude aux aides publiques et le faible taux de recouvrement effectif. Deux angles morts de Bercy, encore plus saillants, au regard des mauvais chiffres de l’endettement public. Des annonces qui font l’objet d’une réaction partagée par la sénatrice centriste de l’Orne, Nathalie Goulet, auteure fin 2023 d’un rapport sur la fraude sociale, et corapporteure d’une proposition de loi transpartisane et transparlementaire sur la fraude à l'arbitrage des dividendes.

Le