Rafale : « Si on nous demande de livrer des avions supplémentaires demain, ça va être difficile », estime le DG de Dassault Aviation

Auditionné au Sénat, le directeur général de Dassault Aviation, Eric Trappier, a fait le point sur un secteur en pleine “montée en puissance” dans un contexte géopolitique tendu. L’industriel a notamment défendu une véritable “préférence européenne” dans les investissements en matière de défense et rappelé qu’une majorité de pays européens restaient encore dépendants du matériel américain.
Louis Mollier-Sabet

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« Nous avons un carnet de commandes bien rempli. » Alors que l’automobile et l’acier sont en pleine tourmente, dans le climat géopolitique actuel les industriels de la fameuse « BITD » (la base industrielle et technologique de défense) se portent mieux. Porté par les ventes de Rafale, Dassault Aviation a ainsi vu son chiffre d’affaires augmenter de près de 30 % entre 2023 et 2024 en passant de 4,8 à 6,2 milliards d’euros, au moment où les alliés de l’OTAN discutent au sommet de La Haye d’un objectif de 5 % du PIB dans les dépenses de défense. « Quand Dassault va, tout va pour le secteur », s’est félicitée la sénatrice LR Catherine Dumas, alors qu’Éric Trappier, directeur général de Dassault Aviation a fait état d’une « montée en puissance » actuelle de la filière après un ralentissement pendant la période du covid.

« Entre-temps, nous avons pris des engagements vis-à-vis de pays étrangers »

« On a vendu 533 Rafale, dont 323 à l’exportation. Il nous en reste pas mal à livrer, ce qui nous donne une charge de travail pour les cinq ou sept ans à venir », a-t-il détaillé. La difficulté pour Dassault, c’est même d’arriver à entraîner toute la chaîne de production dans cette « montée en puissance », y compris des plus petites entreprises qui n’ont pas les mêmes marges de manœuvre financières et techniques.

À tel point que si l’Etat demandait effectivement, comme l’a évoqué Sébastien Lecornu dans Le Parisien « 20 à 30 Rafale de plus », de telles commandes ne pourraient être honorées qu’avec délais, explique Éric Trappier : « À l’heure actuelle, il n’y a pas de commande de 30 avions supplémentaires. Si on nous demande de livrer des avions demain, ça sera extrêmement difficile, parce qu’entre-temps nous avons pris des engagements vis-à-vis de pays étrangers, en total accord avec l’Etat. Nous serions très heureux d’augmenter le nombre d’avions à livrer à l’armée française, mais il y a un certain délai pour le faire. Un avion ça se fabrique en 3 ans et demi. »

Inde : une « campagne de désinformation » qui cible les Rafale

Alors que Dassault Aviation prévoit d’implanter des usines en Inde pour satisfaire les commandes importantes de la République fédérale, plusieurs sénateurs se sont inquiétés d’une « campagne de désinformation » mettant en cause le Rafale à la suite de la perte probable d’un appareil dans une opération indienne au Pakistan. « Nous n’avons pas les retours exacts hormis la satisfaction des Indiens sur cette opération », a sobrement estimé Éric Trappier.

Le directeur général de Dassault Aviation s’est voulu rassurant, expliquant notamment que cette « guerre informationnelle » était « un faux sujet » : « On le voit bien en Ukraine, il va falloir s’habituer à avoir des pertes de matériel. La campagne de désinformation ne gêne pas ceux qui ont déjà des Rafale parce qu’ils savent que c’est faux. Cela peut nous gêner, en revanche, dans des campagnes de prospection. »

« Il y a toujours une préférence américaine en Europe »

Le dirigeant du groupe Dassault a aussi abordé la question de la défense européenne, en plaidant pour une « préférence européenne » sur les investissements dans l’industrie de défense, qui profitent actuellement massivement aux Etats-Unis d’après lui. « L’Europe affiche des objectifs, mais la réalité contractuelle n’est pas là : il y a toujours une préférence américaine en Europe. Il vaudrait mieux moins d’argent de la Commission, mais mieux ciblé et 100 % européen. »

Éric Trappier a ainsi confié avoir défendu à Bruxelles une obligation de « design » européen quand le financement est européen, de concert avec la France. Sans succès, a-t-il expliqué à la représentation nationale : « Toute la question sur la préférence européenne, c’est que si on décide à la démocratie – je suis pour – mais davantage de pays en Europe veulent rester en lien avec les Américains plutôt que de construire une vraie autonomie européenne. »

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