La fin de la vente de voitures thermiques neuves en 2035 était l’un des piliers du Pacte Vert, paquet législatif de l’Union européenne pour arriver à la neutralité carbone en 2050. En accord avec les Etats-membres de l’Union européenne, et notamment la France et l’Allemagne, la Commission européenne propose d’assouplir cet objectif. En 2035, les constructeurs automobiles pourront toujours vendre des voitures thermiques, mais ils devront réduire de 90% les émissions de CO2 de leurs ventes par rapport aux niveaux de 2021, et compenser les 10% d’émissions restantes. Bruxelles assure ainsi que le secteur sera bien décarboné à 100% à l’horizon 2050. « Ce n’est pas un renoncement car l’objectif de décarbonation de l’automobile est toujours là. Cela apporte juste un peu de souplesse, un peu de flexibilité », explique Christophe Grudler, eurodéputé français (Modem), membre du groupe Renew au Parlement européen.
« Cela apaise les industriels, mais ne résoudra pas la crise de l’automobile »
Les industriels automobiles du Vieux Continent réclamaient des « flexibilités » depuis des mois, alors qu’ils sont plombés par des ventes durablement atones, tandis que leurs rivaux chinois, dont BYD, voient leurs parts de marché s’envoler avec leurs modèles électriques aux prix attractifs. “Les Chinois doivent sabrer le champagne à l’heure qu’il est ”, réagit l’eurodéputé écologiste David Cormand. “Avec cet assouplissement, les Chinois vont augmenter leur avance technologique sur l’électrique face aux constructeurs européens, notamment allemands, qui ont voulu maintenir leurs acquis économiques sur les voitures thermiques, le diesel et les gros SUV. Le problème de l’industrie automobile européenne ce n’est pas cet objectif de 2035 mais sa stratégie, car elle refuse de mettre le paquet sur la voiture électrique.”
Avec cet assouplissement, l’écologiste voit un autre problème, d’ordre géopolitique. “Les Européens vont continuer à être dépendants des énergies fossiles, et donc de la Russie, des Etats-Unis et des pétromonarchies, des régimes qui sont plutôt hostiles à nos valeurs…”
Pour son homologue Christophe Grudler, cet assouplissement est destiné à calmer la grogne de certains constructeurs automobiles, notamment allemands, en difficulté. “Il vaut mieux lâcher 10% de flexibilité à des entreprises qui râlent pour s’assurer qu’elles continueront à investir afin d’atteindre les 90% de décarbonation. Cette décision apaise les industriels mais ne résoudra pas la crise de l’automobile. L’avenir de la voiture reste l’électrique.”
Des mesures de soutien à la voiture électrique européenne
Parallèlement à l’abandon du tout électrique en 2035, la Commission européenne a aussi annoncé des mesures de soutien à l’électrification de l’industrie automobile européenne, comme l’encouragement au « verdissement » des flottes d’entreprises et des prêts à taux zéro pour la production de batteries. “1,5 milliard d’euros de prêts à taux zéro pour les batteries électriques, cela permet à peine de construire les parkings des gigafactories, c’est dérisoire”, estime David Cormand. Mais selon Christophe Grudler, “les aides à l’investissement dans les batteries électriques ont déjà été lancées, ces prêts à taux zéro vont permettre aux entreprises de tenir financièrement quelques années, le temps que le marché de l’électrique soit assez conséquent.”
Le Français Stéphane Séjourné, commissaire européen à l’Industrie, a également confirmé l’instauration d’une « préférence européenne » dans l’automobile, c’est-à-dire l’obligation pour les industriels bénéficiant de financements publics de se fournir en composants « made in Europe ». “Il faut que les Européens arrêtent d’avoir des pudeurs de gazelles sur le protectionnisme alors que le régime chinois injecte des milliards dans son industrie automobile”, affirme Christophe Grudler.
Enfin, la Commission veut encourager le développement de petits véhicules électriques européens aux tarifs « abordables ».
Cette proposition de la Commission européenne doit être désormais examinée et votée par le Parlement européen et les eurodéputés devraient amender le texte. “On sait que quand la Commission européenne propose l’assouplissement d’une loi écologique, le groupe du Parti populaire européen (centre-droit) et les groupes d’extrême droite s’unissent pour aller encore plus loin dans le détricotage. C’est ce qui s’est passé récemment avec la loi sur la déforestation ou les normes environnementales entreprises”, rappelle David Cormand. Pour Christophe Grudler, “il faut continuer à convaincre les eurodéputés allemands du PPE qu’ils ont obtenu une grande victoire avec cette flexibilité et les dissuader d’aller plus loin en s’alliant avec l’extrême droite.”