Patrick Martin, le président du Medef, à Roland-Garros le 27 août 2025.
Rentrée du Medef : l’inquiétude des dirigeants d’entreprise face au climat « d’incertitude » politique
EN VIDÉOS – Le grand rassemblement de rentrée du Medef se voit marqué par le contexte d’incertitude politique. La chute très probable du gouvernement de François Bayrou, le 8 septembre, moins d’un an après un premier feuilleton budgétaire, laisse redouter au patronat un nouveau gel des investissements et de la consommation. Reportage.
Sous l’impressionnant toit rétractable du court central de Roland-Garros, le président du Medef Patrick Martin alerte sur « les turbulences à venir ». « Nous, entrepreneurs, ne laisserons pas le pays s’épuiser en vaines querelles. Il faudra compter sur nous ! », a-t-il assuré ce mercredi 27 août, devant un parterre de dirigeants d’entreprise et d’élus au lancement de la Rencontre des Entrepreneurs de France (REF), un rendez-vous qui marque pour la septième année la rentrée de l’organisation patronale. Une rentrée percutée de plein fouet par l’annonce du Premier ministre François Bayrou, qui entend se soumettre à un vote de confiance des députés le 8 septembre pour acter l’urgence budgétaire.
« Les décideurs politiques doivent dépasser leurs rivalités partisanes. Cela n’en prend pas le chemin et j’en suis consterné », a regretté Patrick Martin, alors que l’hostilité affichée des partis de gauche et du Rassemblement national semble déjà devoir sceller l’avenir de François Bayrou à Matignon. « La bonne santé de nos voisins démontre qu’on peut conduire de bonnes politiques publiques au profit de tous, avec d’ailleurs ici un gouvernement de droite, et là, un gouvernement de gauche ! », a taclé le dirigeant du Medef, évoquant notamment « la coalition socialistes-conservateurs qui vient aujourd’hui en soutien des entreprises allemandes dans l’intérêt supérieur du pays ».
Une nouvelle tempête budgétaire
Le départ probable du Premier ministre hypothèque les orientations budgétaires présentées avant la pause estivale. La crise politique laisse planer le risque d’un nouveau feuilleton budgétaire, avec un projet de loi de finances qui pourrait être ajourné. « Je crains que la dissolution, si la confiance n’est pas votée, finisse par devenir inéluctable », a glissé devant des journalistes l’ancien chef de gouvernement Edouard Philippe, venu assister à cette première journée de la REF. Lundi, après l’annonce de François Bayrou, le CAC 40 a chuté de 1,59 % et le taux d’intérêt de la dette française est remonté de 0,08 %, signe que l’instabilité politique est devenue un facteur de dégradation économique.
En cette fin d’été, dans les allées ensoleillées du stade Roland-Garros, les dirigeants d’entreprises accusent le coup avec une certaine amertume, habitués à faire le dos rond dans un climat déjà morose. « C’est reparti pour un tour, on en a marre », soupire Philippe Savajols, le président d’Isospace, une PME spécialisée dans l’aménagement des espaces commerciaux et de bureaux, qui emploie une centaine de personnes. « Concomitamment à la chute du gouvernement Barnier, notre carnet de commandes s’est arrêté pendant trois à quatre mois l’année dernière, nos clients étaient dans l’expectative. Après la mise en place du gouvernement Bayrou, une certaine stabilité s’est installée, et comme par magie, le carnet de commandes s’est rempli », explique ce chef d’entreprise. « Si je dois subir un deuxième coup de rasoir, ça sera extrêmement délétère pour mon chiffre d’affaires. »
Au micro de Public Sénat : Philippe Savajols, président d’Isospace, PME spécialisée dans l’aménagement des espaces commerciaux et de bureaux
Cadre juridique et financier
« Les entrepreneurs avaient bien conscience que le débat budgétaire allait être compliqué dans la configuration politique actuelle. L’incertitude était déjà très élevée. Le Premier ministre cristallise une date sur une question de principe. Je laisse à tout le monde l’appréciation des chances de réussite de l’opération… », pointe Alexandre Saubot, le président de France Industrie, organisation professionnelle représentative du secteur industriel. « Pour nous, le calendrier change, mais pas le niveau d’incertitude. Ce qui intéresse les entrepreneurs dans leur quotidien, c’est de savoir de quoi seront faits le projet de loi de financement de la Sécurité sociale et le projet de loi de finances 2026. »
Pourtant, les pistes dévoilées le 15 juillet n’avaient pas totalement convaincu du côté du Medef. Dans son discours, Patrick Martin a alerté contre le retour de l’ISF, fustigé « la parole de l’Etat non respectée » sur la suppression de la CVAE et le choc de simplification. Les deux jours fériés que souhaite supprimer le chef du gouvernement ont également braqué une partie du patronat, car la mesure est associée à un nouveau prélèvement. « Il y a plein de leviers pour travailler plus, nous sommes convaincus que c’est la solution pour répondre aux nombreux défis du pays. Mais si ce ‘travailler plus’ doit être l’objet d’une taxe pour équilibrer les comptes, on ne peut pas être d’accord », s’agace Alexandre Saubot de France Industrie.
Au micro de Public Sénat : Alexandre Saubot, président de France Industrie
À présent, les négociations que souhaite ouvrir le gouvernement avec les différentes forces politiques, notamment le Parti socialiste, laissent craindre une série de concessions qui se traduiraient par un accroissement des charges et une baisse des aides. « Nous avons besoin d’aller chercher de l’innovation, nous ne pouvons pas nous figer », plaide Elodie Bondi, directrice générale de Qualisteo, entreprise spécialisée dans la décarbonation. « Les aides aux entreprises ne sont qu’une compensation très partielle aux surcharges qui nous handicapent dans la compétition mondiale », a taclé le patron du Medef ce mercredi.
Rentrée à haut risque
Les nombreuses inconnues qui pèsent sur le cadre juridique, fiscal et économique à venir nourrissent d’autant plus la frilosité des investisseurs et du consommateur qu’elles s’inscrivent dans un contexte géopolitique déjà tendu. Catherine Briat, directrice des affaires publiques chez Atos, l’une des plus grandes entreprises mondiales de services numériques, rappelle que la chute du gouvernement de François Bayrou risque d’intervenir au milieu de la tempête douanière déclenchée par Donald Trump, et qui a déjà déstabilisé les marchés mondiaux. « L’incertitude se rajoute à l’incertitude, et l’économie n’aime pas l’instabilité », lâche-t-elle. « Je suis assez inquiète de cette rentrée qui arrive avec l’annonce de mouvements sociaux, les possibilités de blocage et la radicalisation des partis politiques… », énumère cette responsable.
Au micro de Public Sénat : Catherine Briat, directrice des affaires publiques chez Atos, l’une des plus grandes entreprises mondiales de services numériques
Jeudi, la REF se clôturera par une table ronde réunissant plusieurs chefs de parti : Bruno Retailleau pour Les Républicains, Jordan Bardella pour le Rassemblement national, Gabriel Attal pour Renaissance, Fabien Roussel du côté des communistes, Manuel Bompard, le coordinateur national de La France insoumise, et Marine Tondelier, secrétaire nationale des Ecologistes. L’occasion pour Patrick Martin de renouveler, en face-à-face, ses appels « à dépasser les rivalités partisanes ». « J’attends autre chose du jeu politique aujourd’hui : j’attends de la prise de responsabilité quand on a plus de 60 milliards de charges d’intérêts de dette par an », abonde Catherine Briat d’Atos. « Il y a un moment, il faut être totalement responsable, et je pense que notre classe politique ne l’est pas. »
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