C’est la dernière réécriture d’importance du Sénat sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025. Les sénateurs ont entièrement revu dans la nuit du 22 au 23 novembre la rédaction de l’article 23 du texte, relatif à l’évolution des pensions de retraite l’an prochain (par 231 voix pour, 100 contre, 10 abstentions). Dans sa version initiale, le gouvernement prévoyait de revaloriser leur montant sur le rythme de l’inflation (estimée à 1,8 % en 2025), au 1er juillet, au lieu du 1er janvier habituel. Ce décalage de six mois devait permettre à la Sécurité sociale d’économiser 3,6 milliards d’euros sur l’année, selon les estimations de Bercy.
La droite, majoritaire avec les centristes au Sénat, et le gouvernement avaient annoncé la semaine dernière leur intention de faire évoluer le dispositif, pour préserver les petites retraites de l’effort, après que Laurent Wauquiez, le patron des députés LR, a décidé de prendre tout le socle commun de vitesse.
Selon l’article adopté, l’ensemble des pensions de retraite de base seront augmentées le 1er janvier 2025, à la hauteur de la moitié de l’inflation prévue. Les retraités, dont la pension est inférieure à 1500 euros brut (base et complémentaire), bénéficieront d’une nouvelle revalorisation au 1er juillet, « de façon à atteindre le niveau total de l’inflation constatée ». Ils bénéficieront également d’un rattrapage pour le manque à gagner des six premiers mois de l’année.
« La solution la plus équitable », selon la rapporteure LR
« Je souhaite que tout le monde contribue à la hauteur de ses moyens et que les personnes qui ont des pensions de retraite dont le montant est inférieur au Smic, soit 1490 euros net, restent protégés de l’inflation », a insisté la rapporteure Pascale Gruny (LR), estimant qu’il s’agit de la solution « la plus équitable ».
« Le gouvernement est à l’écoute des parlementaires et conscient d’aller plus loin dans la protection du niveau de vie des retraités les plus modestes », a souligné la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet, qui parle d’un « accord trouvé avec les parlementaires ».
L’article prévoit par ailleurs l’application d’un coefficient, pour permettre aux retraités dont la pension est légèrement supérieure au seuil, de bénéficier d’une partie de cette revalorisation complémentaire.
Selon la commission des affaires sociales du Sénat, l’amendement va réduire de 500 millions d’euros l’économie attendue à l’article 23 du projet de loi. « Cet ajustement permettrait de préserver le pouvoir d’achat des retraités les plus vulnérables, tout en respectant notre objectif de réduction des dépenses », expliquait la semaine dernière la rapporteure de la branche retraite, Pascale Gruny (LR).
La sénatrice PS Monique Lubin dénonce une « arnaque »
Opposée à l’article initial qu’elle voulait supprimer, la gauche n’a pas non plus été convaincue par le compromis présenté par la droite. « Vous présentez cela comme une avancée, c’est une arnaque. Alors que les pensions auraient dû être revalorisées de 2,3 %, on va être à la moitié, c’est sur cette base que seront calculées les futures revalorisations les années suivantes. Donc c’est une perte sèche et définitive pour tous les retraités », a pointé du doigt la sénatrice socialiste Monique Lubin. « Les 500 millions d’euros [le coût de l’amendement, ndlr], vous allez les récupérer de façon durable et cumulée, les gens vont être réévalués sur une base sous-indexée », a ajouté la sénatrice écologiste Raymonde Poncet-Monge.
Monique Lubin a également déploré les circonstances particulières de l’annonce de ce compromis, le 11 novembre sur TF1, par Laurent Wauquiez, le patron des Républicains. « Permettez-moi d’être un peu surprise de la façon dont cette annonce a été faite, par quelqu’un qui n’est pas membre du gouvernement, quelqu’un qui ne représente pas non plus une force qui a connu un très grand succès au mois de juillet… »
Un commentaire que n’a pas laissé passer la sénatrice LR Frédérique Puissat : « Ce n’est pas très respectueux de parler de taille d’un groupe à l’Assemblée nationale. Il y a des petits groupes, des grands groupes politiques, mais il y a des parlementaires. Ils sont élus par le peuple et on se doit de les respecter. »
La disposition doit désormais être soumise à la commission mixte paritaire, qui réunira députés et sénateurs mercredi prochain, pour tenter de parvenir à une version commune du projet de loi. Les Républicains vont devoir convaincre leurs partenaires chez Renaissance. Le groupe des marcheurs au Sénat, présidé par François Patriat, était très partagé sur l’amendement. Sur les 20 membres du groupe RDPI (Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants), seulement 8 ont approuvé l’amendement de la commission des affaires sociales, 2 s’y sont même opposés (Frédéric Buval et Martin Lévrier), et dix se sont abstenus, parmi lesquels François Patriat, Xavier Iacovelli, Jean-Baptiste Lemoyne ou encore Patricia Schillinger.