Ristourne à la pompe, chèque énergie : ce que contient le budget rectificatif, qui arrive au Sénat

Ristourne à la pompe, chèque énergie : ce que contient le budget rectificatif, qui arrive au Sénat

La majorité sénatoriale de droite et du centre soutient la ristourne à la pompe, qui prend fin ce mercredi, ainsi que le chèque énergie, deux mesures issues du budget rectificatif de fin d’année. Mais le rapporteur LR, Jean-François Husson, critique l’esprit général. En commission, les sénateurs ont prévu 100 millions d’euros de plus pour lutter contre les fuites sur les réseaux d’eau.
François Vignal

Temps de lecture :

9 min

Publié le

Mis à jour le

Etape traditionnelle de la période d’examen des textes budgétaires, le PFLR (projet de loi de finances rectificative) de fin de gestion permet, chaque fin d’année, d’ajuster les dépenses du budget en cours d’exercice, adopté un an plus tôt.

Ce second PLFR n’est pas tout à fait comme les autres, puisqu’il porte les dernières mesures du gouvernement sur l’énergie : le chèque énergie exceptionnel, qui concernera 12 millions de foyers, avec 200 euros ou 100 euros pour les ménages, selon leurs revenus, ainsi que la prolongation de la remise carburant de 30 centimes jusqu’au 15 novembre, pour un coût de 440 millions d’euros. En vigueur depuis le 1er septembre, la ristourne est ramenée à 10 centimes dès ce mercredi et prendra fin le 31 décembre.

Lire aussi » Ristourne sur les carburants : le coût grimpe pour l’Etat après la prolongation de la remise de 30 centimes

Ce PLFR prévoit aussi un fonds de 275 millions pour aider les universités, les centres de recherche et les Crous. 230 millions d’aides sont aussi prévus pour les ménages se chauffant au fioul. Ce PLFR prévoit par ailleurs 200 millions d’euros supplémentaires pour les achats de carburant des armées pour les opérations extérieures. Au total, ce budget rectificatif prévoit 2,5 milliards d’euros d’aides exceptionnelles pour faire face à la hausse des prix de l’énergie.

Carburant : « Les aides un peu tous azimuts désorganisent les circuits de distribution »

Examiné ce matin par la commission des finances du Sénat, avant son passage par l’hémicycle mercredi en fin de journée, les sénateurs soutiennent ces mesures d’urgence et ne leur apportent pas de modification.

Si la majorité sénatoriale soutient ces dispositifs, comme elle l’avait fait lors du PLFR voté cet été qui allait lui beaucoup plus loin, avec 44 milliards d’euros de mesures (dont 20 milliards pour le pouvoir d’achat), le rapporteur général de la commission des finances, le sénateur LR Jean-François Husson, n’en est pas moins critique sur le fond. Il pointe « le problème des aides un peu tous azimuts, qui désorganisent les circuits de distribution, qui manquent de lisibilité. On voit qu’avec la remise de Total, il y a plus de jours de pénurie de carburant que de jours où il est distribué. Cela crée des inégalités entre des territoires. Et il y a encore des pénuries alors qu’il n’y a plus de grève », soulève Jean-François Husson.

Détail étonnant : la prolongation de la ristourne à la pompe de 30 centimes jusqu’au 15 novembre, soit ce mardi, s’arrête, alors que le Parlement n’a pas encore adopté le texte qui porte la mesure en question… « Ce n’est pas la première fois que des dispositifs de ce type-là passent par ce type de procédure. Ce n’est pas un sujet majeur », pour le sénateur LR de la Meurthe-et-Moselle.

« On a jeté l’argent par les fenêtres et ça n’a pas d’impact sur le réchauffement climatique »

Même topo sur le chèque énergie : « On voit bien que la politique des chèques est mal appropriée à la situation, qui implique de prendre le problème à la base : comment on réduit le coût de l’augmentation ? Il peut y avoir une aide ponctuelle pour passer la crise. Mais si ça dure trop longtemps, ça devient un état de fait. Et pour solutionner cela, il faut réduire la consommation. Sur une énergie fossile, ça permet de réduire la pollution, l’empreinte sur le climat, et vous redonnez du pouvoir d’achat pour l’habitat et éventuellement du confort de vie », énumère le rapporteur. Mais pour ça, « il aurait fallu, depuis des années, avoir un vrai programme prioritaire de rénovation énergétique autour des passoires thermiques ».

Jean-François Husson pense qu’il faut « encourager l’épargne dormante pour rénover ». Il pointe aussi « les bêtises de « Ma prime rénov’ », avec des mono gestes, c’est-à-dire que souvent, les personnes n’ont fait qu’une opération (comme changer les fenêtres mais pas le type de chaudière ou l’isolation, ndlr). On a jeté l’argent par les fenêtres et ça n’a pas d’impact sur le réchauffement climatique ». « Pour que ce soit décisif, il faut que les aides soient un peu plus fortes. On va dire les choses dans le projet de loi de finances 2023 », dont l’examen débute au Sénat ce jeudi, prévient le rapporteur général.

Fuite sur les réseaux d’eau : 100 millions d’euros de plus accélérer la rénovation

Petite modification apportée par Jean-François Husson, avec un amendement qui supprime un article concernant les collectivités. Le texte du gouvernement prévoit de modifier la répartition d’un impôt relatif aux centrales photovoltaïques (l’Ifer) entre les départements et le bloc communal. Actuellement réparti à parts égales, le texte prévoit de transférer 20 % du produit de cet impôt aux communes. « Typiquement, ce n’est pas un sujet qu’on traite en douce dans un petit bout de PLFR de fin de gestion. Il doit être traité dans le PLF 2023. C’est un sujet fiscal, il faut avoir une discussion », souligne Jean-François Husson.

Lire aussi » Budget : le gouvernement s’est-il gardé « une poire pour la soif » ?

Autre amendement du rapporteur : 100 millions d’euros de plus que prévu pour « accélérer la rénovation des canalisations et la réparation des fuites » dans les communes, explique l’amendement. Il s’agit de « réduire le taux de fuite du réseau d’eau et d’accélérer sa rénovation », sachant qu’« on estime que chaque année, 20 % du volume d’eau potable distribués chez les usagers est perdu, ce qui représente 1 milliard de mètres cubes d’eau ».

Alors que les prévisions de recettes des amendes pour les automobilistes (radars et hors radars) sont revues à hausse de 128 millions d’euros, le sénateur LR prévoit de reverser totalement ces recettes supplémentaires aux communes, pour améliorer la sécurité routière, quand le texte du gouvernement ne leur reverse qu’un peu plus de la moitié, gardant 60 millions pour le désendettement de l’Etat.

Les sénateurs écologistes veulent limiter la vitesse à 110 km/h sur autoroutes

Dans ce PLFR, qui compte assez peu d’amendements, à noter que les sénateurs écologistes en ont déposé un pour défendre les 110 km/h sur autoroutes, au lieu des 130 km/h (lire notre article). La Convention citoyenne pour le climat avait proposé la mesure, finalement rejetée par Emmanuel Macron. Elle a de nouveau été refusée lundi soir sur BFM TV par la première ministre Elisabeth Borne. Le groupe écologiste entend ainsi maintenir le débat. Défendant une mesure « immédiatement applicable, très simple à mettre en œuvre, très peu coûteuse pour l’État », l’amendement du sénateur EELV Daniel Breuiller souligne que la mesure permet « une économie de carburant d’environ 20 % avec pour résultats moins de gaz à effet de serre, plus de pouvoir d’achat pour le citoyen ». Il rappelle que « selon un récent sondage IFOP, 63 % des Français sont favorables à la limitation à 110 km/h de la vitesse sur autoroute ».

Autre amendement d’appel, c’est-à-dire destiné à lancer le débat, du groupe écologiste, celui sur la réduction du prix du litre de carburant à la pompe. « Si cette ristourne est bien évidemment essentielle pour les foyers les modestes, nous dénonçons le fait qu’elle concerne tous les automobilistes, peu importe leur revenu. Un système qui favorise en réalité les plus riches », pointe l’amendement, qui renvoie à une note de juillet du Conseil d’analyse économique qui « rapporte que la remise de 18 centimes à la pompe a bénéficié deux fois plus aux 10 % des Français les plus riches (environ 18,50 euros) qu’aux 10 % les plus modestes (9,50 euros) ».

De son côté, la sénatrice du groupe centriste, Nathalie Goulet, a déposé un amendement qui « vise à assujettir les compagnies de transport maritime au droit commun de l’impôt sur les sociétés et, par voie de conséquence, à supprimer une niche fiscale injustifiée et extrêmement coûteuse pour les finances publiques (3,81 milliards d’euros en 2022) ».

53 créations de postes à Matignon : « Ça hérisse les poils de tous les parlementaires »

Enfin, les sénateurs comptent interroger de nouveau le gouvernement sur les emplois créés dans les ministères via ce PLFR – « 907 équivalents temps plein (ETP) au total, surtout pour le ministère de la Justice, avec 691 ETP », avait précisé le ministre Gabriel Attal en audition – et surtout sur les 53 postes de conseillers rattachés auprès de la première ministre. « Ça hérisse les poils de tous les parlementaires présents ce matin », glisse Jean-François Husson… Les sénateurs avaient déjà tenté d’interroger le ministre lors de son audition, en vain. Il n’avait pas répondu.

Le texte du PLFR donne cependant quelques détails. Il s’agit de postes « découlant du changement de gouvernement intervenu le 4 juillet 2022 », d’autres pour les Jeux olympiques ou encore pour le « secrétaire général du Conseil national de la refondation ». Sollicité par publicsenat.fr pour avoir plus de détail sur la répartition de ces postes, notamment sur le CNR, Matignon n’avait pas répondu. « C’est secret-défense », sourit Jean-François Husson. Il faudra peut-être demander à François Bayrou, secrétaire général du Conseil national de la refondation.

Dans la même thématique

SIPA_01187882_000027 V2
6min

Économie

Loi spéciale : pourquoi une saisine du Conseil constitutionnel est très improbable ?

Alors que le Parlement examinera le projet de loi spéciale, prévu pour assurer le financement des services de l’État, en l’absence de budget, plusieurs groupes politiques ont fait part de leur intention de déposer des amendements pour indexer sur l’inflation le barème de l’impôt sur le revenu. Le gouvernement démissionnaire a prévenu que la mesure inscrite dans ce texte serait inconstitutionnelle. Mais qui pour saisir le Conseil ?

Le