EAU MINERALE
Personne buvant de l'eau minerale//BENAYACHEADIL_Sipa.3797/2203180644/Credit:Adil Benayache/SIPA/2203180921

Scandale des eaux en bouteille : « Ces dissimulations, c’est ce qu’il y a de pire dans une démocratie »

En début de semaine, Le Monde et Radio France ont révélé qu’un tiers des marques d’eau en bouteille subiraient des traitements non-conformes aux réglementations. Le gouvernement, mis au courant du scandale, aurait diligenté une enquête en 2021. Les sénateurs socialistes demandent qu’elle soit rendue publique.
Rose-Amélie Bécel

Temps de lecture :

3 min

Publié le

Mis à jour le

Dans une enquête publiée le 30 janvier, Le Monde et la cellule investigation de Radio France ont révélé qu’une large partie des eaux vendues sous l’étiquette « minérale naturelle » ou « de source », subissaient des traitements de purification similaires à ceux utilisés pour l’eau du robinet. De grandes marques sont concernées, notamment toutes celles du numéro 1 mondial Nestlé Waters (Perrier, Vittel, Hépar…), ou encore le groupe Sources Alma (Cristaline, Saint-Yorre, Vichy…).

Le code de la santé publique définit trois appellations sous lesquelles peuvent être vendues les eaux en bouteille : les eaux « minérales naturelles », les eaux « de source » et les eaux « rendues potables par traitement ». Les deux premières, puisées dans des nappes souterraines profondes, sont censées être naturellement saines et ne peuvent subir qu’un nombre très restreint de traitements. Les méthodes de filtration avec des ultraviolets ou du charbon actif, notamment utilisés par Nestlé Waters de manière dissimulée, sont donc interdites.

Le gouvernement mis en cause

Le 31 janvier, le parquet d’Epinal a ouvert une enquête préliminaire pour tromperie à l’encontre de Nestlé Waters, suite à un signalement de l’Agence régionale de santé (ARS) du Grand Est. « Les conditions de révélation de ce scandale, dans la presse, sont dramatiques. Les traitements mis en place n’ont jamais fait l’objet d’une communication publique, ont contourné les démarches de contrôle de l’ARS. Ces dissimulations, c’est ce qu’il y a de pire dans une démocratie », dénonce le sénateur socialiste Hervé Gillé.

Au-delà d’une tromperie pour les consommateurs, l’élu s’inquiète de dissimulations jusqu’au sommet de l’État. Selon l’enquête du Monde et de Radio France, les ministres de l’Economie, de la Santé et de l’Industrie étaient informés de ces pratiques interdites depuis 2021. Suite à un rendez-vous avec les représentants du groupe Nestlé, le gouvernement aurait décidé de diligenter une enquête de l’inspection générale des affaires sociales (Igas). C’est le rapport de l’Igas, remis en juillet 2022, qui aurait révélé que « près de 30 % des désignations commerciales subissent des traitements non conformes ».

« La représentation nationale doit être tenue au courant du détail de ces pratiques »

Dans un courrier adressé à Catherine Vautrin, ministre du Travail et de la Santé, les sénateurs socialistes demandent ainsi la publication de ce rapport de l’Igas : « Face à ce scandale, nous pensons que la représentation nationale doit être tenue au courant du détail de ces pratiques ». De leur côté, les députés socialistes demandent la mise en place d’une commission d’enquête sur ce scandale des eaux en bouteille.

Contacté par Le Monde et Radio France, Nestlé justifie ces traitements par « l’évolution des conditions climatiques et environnementales », qui rend de plus en plus difficile la préservation d’une ressource en eau de qualité dans les nappes. Ce scandale pourrait-il faire évoluer les normes sanitaires qui encadrent l’eau en bouteille ? Pour Hervé Gillé, « on peut reprocher au gouvernement de ne pas avoir porté ce sujet au niveau national et européen, compte tenu de la situation actuelle des nappes phréatiques. Ce débat est pertinent, mais il doit se faire en toute transparence. »

Partager cet article

Pour aller plus loin

Dans la même thématique

Scandale des eaux en bouteille : « Ces dissimulations, c’est ce qu’il y a de pire dans une démocratie »
9min

Économie

La taxe Zucman arrive au Sénat : on vous explique les enjeux qui se cachent derrière cette taxe qui vise les ultras-riches

Le groupe écologiste du Sénat va défendre jeudi le texte sur la taxe Zucman, déjà adopté par les députés. Ce dispositif anti-abus et une « contribution différentielle », explique l’économiste Gabriel Zucman, qui vise les patrimoines de plus de 100 millions d’euros. De quoi rapporter 20 milliards d’euros. Si la droite va s’opposer au Sénat, des centristes soutiennent l’idée.

Le

Fast fashion : comment le texte adopté au Sénat veut freiner l’essor de la mode à bas coût et « ultra-éphémère »
4min

Économie

Fast fashion : comment le texte adopté au Sénat veut freiner l’essor de la mode à bas coût et « ultra-éphémère »

Les sénateurs ont adopté à la quasi-unanimité une proposition de loi issue de l’Assemblée nationale pour pénaliser les acteurs de la mode « ultra express ». Le texte vise les marques qui multiplient les références et dont la durée de vie des produits est très courte. Le fabricant chinois Shein va être particulièrement ciblé par les dispositions.

Le

Scandale des eaux en bouteille : « Ces dissimulations, c’est ce qu’il y a de pire dans une démocratie »
2min

Économie

Guerre commerciale : le ministre de l’Économie juge que la négociation est « difficile »

Le sénateur de Charente-Maritime Daniel Laurent (LR) a interpellé le gouvernement ce 4 juin sur les difficultés de la filière du cognac, malmenée à la fois par les taxes américaines et chinoises. Éric Lombard lui a assuré la pleine mobilisation de l’exécutif et une bonne coordination avec l’Europe pour parvenir à un accord, tout en jugeant le combat « difficile ».

Le