Paris: Seance questions au gouvernement Senat

Sept heures de travail non rémunérées, retraites, taxes sur les sodas et les jeux d’argent… : on vous résume les ajouts du Sénat au budget de la Sécurité sociale

Ce 23 novembre, le Sénat a achevé l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025. Il sera soumis à un vote global des sénateurs ce 26 novembre. Au cours des débats, plusieurs modifications ont été apportées au texte du gouvernement. Pour être inscrites dans la loi, elles doivent encore passer le barrage de la commission mixte paritaire, qui réunira députés et sénateurs le 27 novembre.
Rose Amélie Becel

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Après une semaine de débats, les sénateurs ont achevé ce 23 novembre l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025 (PLFSS). Le texte, qui doit encore faire l’objet d’un vote global du Sénat le 26 novembre, devrait ensuite être modifié dans le cadre de la commission mixte paritaire prévue le lendemain, pour aboutir à une version de compromis entre députés et sénateurs.

À l’Assemblée nationale, l’examen du PLFSS n’avait pas pu aller à son terme. C’est donc la copie du gouvernement, sans les modifications adoptées par les députés, qui a été étudiée et amendée par la chambre haute. On vous résume les principales modifications apportées au texte.

En ouverture des débats, la ministre de la Santé Geneviève Darrieussecq a commencé par annoncer une baisse du remboursement des médicaments et des consultations médicales pour 2025. Le « ticket modérateur », c’est-à-dire la part qui reste à la charge des assurés, augmentera de 5 %. En 2025, les consultations médicales seront donc remboursées à 65 %, pour les médicaments les taux de remboursements fixés à 65 %, 30 % et 15 % diminueront aussi de cinq points. Ces évolutions ne figurent toutefois pas dans le texte examiné par les parlementaires, elles seront prises par arrêté ministériel à une date encore inconnue.

7 heures de travail supplémentaires sans rémunération

Face à l’ampleur des dépenses de Sécurité sociale à venir avec le vieillissement de la population, le Sénat demande un nouvel effort aux salariés, sous la forme d’une « contribution de solidarité ». Les salariés devront ainsi travailler 7 heures de plus par an, de façon non rémunérée. Les 2,5 milliards d’euros générés par ces heures de travail supplémentaires viendront directement abonder la branche « autonomie » de la Sécurité sociale, qui permet de financer la prise en charge des personnes âgées dépendantes et des personnes en situation de handicap.

À l’image de la journée de solidarité déjà en vigueur, les modalités d’application de cette mesure restent relativement souples. La répartition annuelle des sept heures de travail dans l’année sera décidée par un accord d’entreprise, une convention ou un accord de branche.

La proposition, portée par la commission des affaires sociales du Sénat, a suscité de profonds désaccords dans l’hémicycle. Ses chances de survie dans la version finale du texte, à l’issue de la commission mixte paritaire, restent toutefois minces. Ces dernières semaines, le gouvernement a étudié de près la mesure du Sénat, mais a finalement choisi de ne pas lui apporter son soutien en séance.

Les petites retraites préservées du gel partiel des pensions

C’est l’autre modification majeure du Sénat dans le projet du gouvernement. Par un amendement de la commission des affaires sociales, la chambre haute propose de préserver les retraites inférieures au SMIC des mesures d’économies envisagées par l’exécutif. En présentant ses arbitrages budgétaires, le gouvernement avait en effet proposé de reporter au 1er juillet la revalorisation des pensions de retraite au niveau de l’inflation, pour limiter la progression des dépenses sociales. Une mesure permettant de faire 3,6 milliards d’économies.

La proposition a suscité beaucoup de débats, y compris sein des forces politiques qui soutiennent le gouvernement Barnier, au point qu’une solution alternative soit finalement proposée mi-novembre. La mesure, favorablement accueillie par le gouvernement, a été annoncée par le chef de file des députés Les Républicains Laurent Wauquiez mais n’a pas pu être examinée à l’Assemblée. Après avoir accueilli froidement l’initiative de leur collègue, les sénateurs de la majorité ont finalement proposé eux même cette mesure de compromis lors des débats.

Selon l’article adopté, tous les retraités bénéficieront d’une revalorisation de leur pension au 1er janvier prochain, à la hauteur de la moitié de l’inflation prévue. Pour ne pas pénaliser les plus petits revenus, tous les retraités dont la pension est inférieure à 1 500 euros brut bénéficieront d’une nouvelle revalorisation au 1er juillet, pour atteindre cette fois ci le niveau total de l’inflation. Ils bénéficieront aussi d’un rattrapage pour le manque à gagner lié à la moindre revalorisation sur les six premiers mois de l’année. Selon la commission des affaires sociales, cette solution réduit de 500 millions d’euros les projections d’économies envisagées par le gouvernement sur les retraites. Les chances de survie de la mesure dans le cadre de la commission mixte paritaire sont par ailleurs encore incertaines. Au Sénat, le groupe macroniste, membre du socle commun du gouvernement, s’est en effet prononcé de manière très partagée, plusieurs sénateurs ont voté contre la mesure et d’autres se sont abstenus, à l’image du président du groupe François Patriat.

Pas de hausses de cotisations patronales sur les bas salaires

C’était l’une des propositions les plus clivantes du gouvernement Barnier dans le PLFSS : réduire les allègements de cotisations patronales qui existent aujourd’hui pour les salaires situés autour du SMIC. Concrètement, pour 2025, l’exécutif propose de diminuer de deux points les allègements de cotisations dont bénéficient les employeurs sur les salaires allant de 1 à 1,3 SMIC. Dans un second temps, en 2026, de nouvelles baisses des allègements de cotisations sont prévues, cette fois ci pour les salaires entre 1,3 et 1,8 SMIC. La mesure, avec laquelle le gouvernement espère réaliser 4 milliards d’euros d’économies, a été très largement retravaillée par la majorité sénatoriale.

Dans la version du projet de loi adoptée au Sénat, les allègements de cotisations sont préservés pour les salaires proches du SMIC. Pour la commission des affaires sociales, qui défend cette réécriture du texte, la mesure permet de « préserver l’emploi » dans les secteurs d’activité qui reposent sur ces bas salaires, à l’image des entreprises du nettoyage ou encore de l’aide à domicile. Pour compenser financièrement la mesure, les sénateurs ont mis fin à d’autres allègements de cotisations payés par les employeurs, les cotisations familiales pour les salaires à partir de 3,1 SMIC et les cotisations d’assurance maladie pour les salaires à partir de 2,1 SMIC.

Telle que votée par le Sénat, la mesure permet de dégager trois milliards d’euros de recettes supplémentaires, soit un milliard de moins que la proposition initiale du gouvernement. Toutefois, les ajustements du Sénat ont été accueillis plutôt favorablement par le gouvernement. Dans l’hémicycle, la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet n’a pas officiellement pris position en faveur de l’amendement, mais a salué les propositions « extrêmement intéressantes » de la rapporteure générale de la commission des affaires sociales Élisabeth Doineau.

Sodas, jeux d’argent, tabac… Les taxes « comportementales » alourdies

Comme l’an dernier, le Sénat a introduit dans le PLFSS plusieurs amendements pour accroître la fiscalité « comportementale », visant à dissuader par des hausses de prix les pratiques de consommation qui nuisent à la santé et entraînent des addictions chez les consommateurs. Les « boissons à sucres ajoutés » seront ainsi davantage taxées, de façon progressive en fonction du taux de sucre contenu dans les produits, à raison de 4 centimes par litre pour les breuvages les moins sucrés et jusqu’à 35 centimes par litre pour les plus sucrés. À l’Assemblée nationale, une disposition similaire avait déjà été adoptée, mais avec une moindre hausse des taxes.

Les sénateurs ont aussi voté pour une hausse significative de la fiscalité sur le tabac. Si la mesure de la chambre haute est inscrite dans le texte final, le prix moyen d’un paquet de cigarettes passerait ainsi à 12,70 euros l’année prochaine. La hausse de la fiscalité concerne également les « pouches », ces sachets de nicotine en gommes ou en billes dont la consommation se répand notamment chez les jeunes. Une mesure prise contre l’avis de la ministre de la Santé, qui a indiqué préférer « interdire que taxer ». Au total, cette hausse de la fiscalité devrait rapporter 200 millions d’euros en 2025.

Alors que la hausse des taxes sur les jeux d’argent et de hasard avait été retoquée à l’Assemblée, le Sénat s’est de son côté prononcé pour. L’amendement porté par la commission des affaires sociales prévoit ainsi une hausse des taxes sur divers jeux et sur leurs publicités. La taxe sur le produit brut des jeux automatiques dans les casinos passerait ainsi de 11,2 à 11,9 % et de 0,2 à 10 % sur le produit brut des jeux de poker en ligne. La proposition du Sénat préserve toutefois le secteur hippique de ces hausses de taxes. Les paris sportifs sont aussi largement épargnés, alors que la commission des affaires sociales proposait une hausse de 4,4 % des taxes pour le secteur, celle-ci a finalement été limitée à 1 %.

Le retour de la « taxe lapin », pour lutter contre les rendez-vous médicaux non honorés

Comme lors de l’examen du PLFSS en 2024, le Sénat a de nouveau adopté une « taxe lapin », qui vise à pénaliser financièrement les patients qui n’honorent pas leurs rendez-vous médicaux ou les annulent trop tardivement. Si la mesure est conservée dans la version finale du texte, le montant de la pénalité serait fixé par décret. Son maintien dans la loi pose tout de même question, la ministre de la Santé ayant émis un avis défavorable à l’encontre de la proposition.

Au total, selon les estimations du gouvernement, les diverses mesures ajoutées ou supprimées par le Sénat au cours de l’examen du PLFSS permettraient de réduire le déficit de la Sécurité sociale à 15 milliards d’euros. C’est mieux que la copie initiale du gouvernement, qui espérait ramener le déficit à 16 milliards d’euros.

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