C’était le grand oral des différentes forces politiques devant le Medef. Les deux principaux blocs d’opposition, Rassemblement national et Nouveau Front populaire, qui dominent la campagne des législatives, étaient particulièrement attendus par ce parterre de chefs d’entreprise, redoutant les conséquences de leurs programmes respectifs. La veille, Patrick Martin, le président du Medef, qualifiait les programmes du Rassemblement national et du Nouveau Front populaire de « dangereux pour l’économie ».
S’exprimant après l’ancien Premier ministre Edouard Philippe, qui a poussé pour la création de davantage de richesses avant toute redistribution, la coalition de gauche a défendu son « pacte productif nouveau », et sa « relance salariale massive ». Un contrepied par rapport à la politique de l’offre défendue par Emmanuel Macron Le Nouveau Front populaire considère que la revalorisation des salaires aura des effets bénéfiques aux entreprises, et leur carnet de commandes.
Proposition phare du Nouveau Front populaire, la hausse de 14 % du Smic pour atteindre 1600 euros net mensuels (contre près de 1400 euros actuellement) est l’une des mesures de rupture qui inquiète le plus le patronat. « Nous savons bien que pour certaines entreprises, ça va être un choc difficile », a reconnu Éric Coquerel, député (La France insoumise). « La grande majorité a intérêt à ce que le monde du travail soit mieux payé, pour pouvoir acheter leurs produits, c’est une nécessité », a-t-il ajouté.
Rassurer les petites et moyennes entreprises
Boris Vallaud, député socialiste à ses côtés, a souligné que les surcoûts pour les TPE (très petites entreprises) seraient « compensés ». « Nous les aiderons. Nous prioriserons dans les aides de l’État, les entreprises qui créent de l’emploi », a précisé Éric Coquerel. Parmi les autres leviers activables, l’ancien président de la commission des finances de l’Assemblée nationale a évoqué la possibilité « d’agir sur du crédit à taux nul », avec un renforcement du « pôle public bancaire ». La promesse d’une facilitation d’un accès aux marchés publics leur a été également faite.
Un cadrage « homogène » du coût du programme du Nouveau Front populaire d’ici la fin de la semaine
Autre temps fort dans les échanges : le chiffrage du programme. Une représentante de l’U2P (Union des entreprises de proximité) a demandé une fourchette sur le cadrage macroéconomique. Alors que la majorité présidentielle a chiffré le coût des mesures des propositions du bloc de gauche à 287 milliards d’euros, Valérie Rabault (PS) a estimé le coût à 106 milliards d’euros. Une somme mise en doute par la députée sortante LFI Aurélie Trouvé, convaincue qu’un tel chiffre s’avère « insuffisant pour répondre aux urgences du programme et aux besoins des gens ». « Nous serons capables de proposer quelque chose d’homogène d’ici la fin de la semaine », s’est engagé Éric Coquerel, piqué au vif sur l’impératif de présenter un cadrage précis. « On est les seuls à qui on demande une précision absolument à la virgule près le budget qu’on compte mettre en place. » Le député de Seine-Saint-Denis sortant a d’ailleurs retourné les critiques en direction de l’exécutif : « On ne fera pas pire que le gouvernement s’apprête à faire sur la question des déficits dans la réalité ».
Grâce aux revalorisations de salaires dans le privé comme dans le public, et aux investissements dans la transition écologique, le Nouveau Front populaire, espère « faire mieux » en termes de croissance, et stimuler ainsi les rentrées fiscales.
Un « dialogue » sur le passage aux 32 heures
Le Medef a aussi mis le doigt sur la promesse d’une réduction de la durée hebdomadaire de travail à 32 heures pour les métiers pénibles. Comment « concilier » ce point avec la hausse des salaires et l’augmentation des « prélèvements obligatoires », a interrogé Emmanuel Guichard, le délégué général des Fédération des entreprises de la Beauté. « Nous nous engagerons à un dialogue avec vous sur les modalités pour le mettre en œuvre », a promis Boris Vallaud, rappelant que les maladies incapacitantes « pèsent sur les entreprises ». « La question n’est pas de le faire sans avoir à un moment donné une vue sur sa faisabilité économique », a également assuré son collègue Éric Coquerel.
Les deux députés alliés ont, pour finir, été challengés sur la cohésion de leur groupe en matière de propositions énergétiques. Christine Goubet-Milhaud, présidente de l’union Française de l’électricité, s’est ainsi demandé s’ils allaient « rouvrir le débat » entre pro-énergies renouvelables et pronucléaires. « On ne touche pas aux programmes actuels, nous nous sommes entendus là-dessus, le mandat que nous nous donnons c’est de ne pas toucher au parc nucléaire actuel », s’est contenté de répondre Éric Coquerel, « et de remettre certainement les décisions pour la suite, notamment à l’élection présidentielle ».