Les pistes de taxation du patrimoine n’ont de cesse d’enflammer le débat public, alors que 1 % des plus aisés détiennent 27 % de la richesse nationale. Et ce ne sont pas les vives dissensions au sujet de la taxe Zucman – et même de sa version light -, qui feront dire le contraire. Le tout est à revoir, préconise le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), qui fait état d’une imposition « complexe », « inégalitaire », « source de distorsions économiques », ou encore « peu efficace au regard des objectifs de politique publique ». Dans un rapport publié ce lundi, cette institution indépendante associée à la Cour des comptes, sous la houlette de Pierre Moscovici, planche sur des pistes de réforme. Elle déroule deux scénarios alternatifs basés sur un élargissement de l’assiette, une baisse des taux de droit commun des droits de succession et une imposition des revenus économiques non professionnels des plus hauts patrimoines.
Vers un impôt « plus neutre, plus simple et mieux accepté » ?
En dépit d’une accumulation de plusieurs taxes touchant le patrimoine (sa détention, sa transmission, ses revenus, la taxe foncière, l’impôt sur la fortune immobilière, les droits de succession, la CSG, les frais de notaire sur les transactions immobilières…), les résultats ne sont pas ceux escomptés, analysent les experts. Si elles permettent de faire rentrer plusieurs dizaines de milliards d’euros dans les caisses de l’État pour financer une partie des services publics (113,2 milliards en 2024), elles produisent « des distorsions importantes dans l’allocation de l’épargne » et ne parviennent pas « à assurer une équité verticale et horizontale entre les ménages ». Des effets qui vont tendre à s’accentuer « sous le double effet du vieillissement de la population et du recul de l’âge du pic de détention du patrimoine », prévient le rapport.
Face à ces constats, le CPO mise sur une refonte de l’impôt de transmission, de manière à ce qu’il soit « plus neutre, plus simple et mieux accepté ». Les experts recommandent ainsi de limiter les dispositifs qui orientent l’épargne vers l’immobilier et l’assurance-vie plutôt que vers d’autres actifs, de faciliter les donations anticipées dans les familles y compris élargies, et enfin d’accroître la contribution des plus hauts patrimoines pour corriger le caractère régressif de l’imposition de leurs revenus économiques. S’impose comme priorité « une réforme de l’ensemble de l’imposition des transmissions », à commencer par un élargissement de l’assiette jusqu’ici « mitée » par des niches fiscales et des dérogations, en contrepartie « de taux réduits, en ligne directe comme en ligne indirecte ».
Deux chemins de réforme proposés
A la lumière de cet état des lieux, le CPO formule deux voies de réformes. Premier scénario évoqué : compléter la taxation des liquidités logées dans les holdings sur une longue durée par un impôt différentiel portant sur les plus hautes transmissions et prenant en compte les actifs professionnels, pour limiter les risques d’optimisation fiscale. Un deuxième, « plus ambitieux », propose d’associer un impôt différentiel sur le patrimoine non professionnel à une réduction des dérogations portées par le pacte Dutreil, une niche fiscale prisée des patrons dont l’utilité « ne paraît pas à la hauteur du coût actuel ».
Les deux permettraient « de réduire les distorsions liées à la fiscalité du patrimoine, tout en assurant une répartition plus équilibrée de la charge fiscale au sien de la population », conclut le rapport. De quoi alimenter un peu plus encore les discussions budgétaires qui peinent à atterrir. Le projet de loi de finances est actuellement examiné par le Sénat, avant un vote solennel le 15 décembre, suivi d’une commission mixte paritaire. Reste à voir si l’issue en sera positive, ce qui n’a pas été le cas de celle relative au budget de la sécurité sociale, qui s’est soldée par un échec la semaine dernière.