Taxe sur les superprofits, pérennisation de l’impôt sur les hauts revenus, hausse de la flat tax… Toutes ces mesures introduites par amendement dans le projet de loi de finances 2025 n’ont pas seulement été défendues par la gauche, mais aussi par les députés du MoDem, le parti fondé par François Bayrou, nommé Premier ministre ce vendredi 13 décembre.
Ce n’est pas la première fois que le groupe défend des mesures fiscales, allant plus loin que le socle commun sur lequel Michel Barnier se reposait pour gouverner, et se positionnant même à contre-courant du parti présidentiel. « C’est un peu dans l’ADN du parti », explique le journaliste Alexandre Vatimbella, fondateur du Centre d’étude et de recherche sur le centrisme (CREC), « le MoDem est issu de la tradition démocrate chrétienne, il prône donc la justice sociale et, par extension, la justice fiscale. »
« La justice est un élément essentiel de l’acceptation de l’impôt par les citoyens »
Concrètement, avant que les discussions budgétaires au Parlement ne soient interrompues par la censure du gouvernement Barnier, les députés MoDem avaient défendu plusieurs modifications du projet de loi de finances 2025. En commission des finances, ils avaient par exemple soutenu – avec leurs collègues du Nouveau Front populaire et contre les députés LR et macronistes – la pérennisation de la contribution différentielle sur les hauts revenus. La disposition, inscrivant durablement dans la loi l’imposition minimale de 20 % des plus hauts revenus, avait ensuite été votée dans l’hémicycle, contre l’esprit de la mesure pensée par l’ancien exécutif comme un effort fiscal exceptionnel.
Ils avaient également défendu un amendement, voté dans l’hémicycle grâce aux voix de la gauche, pour faire passer le taux de la flat tax – impôt sur les revenus de l’épargne et du capital – de 30 à 33 %. Enfin, ils s’étaient alliés aux députés du Nouveau Front populaire et du Rassemblement national pour instaurer une taxation sur les « superdividendes » des multinationales. La mesure, appliquée aux entreprises réalisant plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires, visait à taxer à hauteur de 5 % les entreprises distribuant une quantité de dividendes inhabituellement élevée.
Défavorables à toute hausse d’impôts, les députés macronistes se sont érigés contre l’ensemble de ces mesures. Gabriel Attal et Gérald Darmanin avaient même suggéré leurs propres pistes d’économies, proposant plutôt d’accroître le temps de travail. « Un autre chemin est possible que celui des hausses d’impôts trop massives qui créeraient du chômage », avait mis en garde l’ancien Premier ministre, sur le plateau de TF1. Des désaccords auxquels François Bayrou avait répondu sur BFMTV, appelant le socle commun à « se mettre autour de la table pour trouver une philosophie fiscale commune ». « On doit rechercher la justice fiscale, parce que la justice est un élément essentiel de l’acceptation de l’impôt par les citoyens. Et, en même temps, on ne doit pas bloquer l’économie », avait-il défendu.
« François Bayrou n’a pas intérêt à braquer Renaissance, à qui il doit presque tous ses élus à l’Assemblée nationale »
Lors de son discours de passation de pouvoir, ce 13 décembre, François Bayrou a fait de la réduction de la dette et du déficit l’une de ses priorités. Pour l’heure, les débats budgétaires ont été ajournés en raison de la censure, mais un nouveau projet de loi de finances pourrait être remis sur la table en début d’année. Reprendra-t-il les mesures défendues par les députés MoDem lors des débats de cet automne ? Concentré sur la formation de son gouvernement, le Premier ministre n’a pour le moment dévoilé aucune feuille de route budgétaire.
« Je ne vois pas comment Bayrou pourrait mener un bouleversement de la fiscalité. Maintenant qu’il est aux responsabilités, il ne peut plus jouer le rôle d’aiguillon d’Emmanuel Macron », tempère Alexandre Vatimbella. Pour le journaliste spécialiste du centrisme, le nouveau chef de l’exécutif ne peut pas prendre le risque d’aller trop à contre-courant des macronistes : « Le premier objectif de François Bayrou, c’est de faire durer son gouvernement. Il n’a pas intérêt à braquer Renaissance, à qui il doit presque tous ses élus à l’Assemblée nationale. »
Alors que le Premier ministre reçoit tour à tour les différents partis politiques pour entendre leurs lignes rouges et éviter une nouvelle censure, le contenu du futur budget reste donc un grand point d’interrogation. Une chose est sûre, si le texte n’est pas adopté rapidement, les hausses d’impôts et de taxes pourraient être difficiles à appliquer rétroactivement aux revenus perçus en 2024. « Je suis persuadé qu’il y a un certain nombre de mesures qu’on ne pourra pas reprendre dans la prochaine loi », a mis en garde le ministre démissionnaire des Comptes publics Laurent Saint-Martin, lors de son audition sur la loi spéciale à l’Assemblée nationale, le 11 décembre dernier.