Taxes sur les autoroutes : « Nous avons pris toutes les précautions juridiques », assure Clément Beaune

Interrogé sur la taxe sur les sociétés concessionnaires d’autoroutes inscrite dans le projet de loi de finances, le ministre des Transport a balayé au Sénat les craintes d’une répercussion sur les tarifs des péages.
Guillaume Jacquot

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L’article 15 du projet de loi de finances suscite des interrogations au sein de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Plusieurs sénateurs ont en effet profité de l’audition ce 31 octobre du ministre des Transports, Clément Beaune, pour avoir des éclaircissements sur la future taxe sur les sociétés concessionnaires d’autoroutes et les grands aéroports. Cet impôt doit mettre à contribution les infrastructures de transports de longue distance, dont les revenus d’exploitation dépassent le seuil de 120 millions d’euros par an, pour financer le ferroviaire et les mobilités vertes en général.

La taxe sera affectée à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit). Son rendement devrait être de 600 millions d’euros par an, soit environ deux milliards d’euros en cumulé d’ici la fin de la législature en 2027. C’est environ 10 % des moyens que l’État s’engage à mettre sur la table pour suivre le scénario de planification écologique proposé par le Conseil d’orientation des infrastructures.

S’agissant des autoroutes, face à la perspective redoutée par les automobilistes d’une éventuelle répercussion sur les tarifs, Clément Beaune a, une fois encore, cherché à dissiper les inquiétudes, en estimant que cette possibilité était nulle. « La question des péages est organisée par les contrats. Nous estimons que cette taxe est parfaitement conforme aux contrats », a-t-il insisté devant les sénateurs. « La taxe ne remet en rien en cause la formule d’indexation des tarifs des péages ».

« C’est le Parlement qui les vote. Pas les assujettis »

Les principales sociétés concessionnaires ne l’entendent pas de cette oreille et contestent la mise en place de cette taxe. Eiffage et Vinci par exemple ont déjà prévenu qu’elles s’engageaient à mettre en œuvre « toutes les voies de recours ». « Je crois pouvoir dire avec confiance, avec une affirmation claire, que nous avons pris toutes les précautions juridiques pour que la taxe proposée soit robuste, conforme aux contrats », a tenu à préciser le ministre. Relancé par le sénateur Hervé Gillé, pas entièrement rassuré par les assurances du ministre, Clément Beaune a ensuite adressé un rappel aux autoroutes : « C’est le gouvernement qui prépare les projets de taxe, et c’est le Parlement qui les vote. Pas les assujettis. »

Spécialisé dans les questions aéroportuaires, le sénateur Stéphane Demilly (Union centriste) a quant à lui évoqué les conséquences économiques pour les grands aéroports. « Ils me semblent être la victime collatérale d’une collision malheureuse entre la volonté du gouvernement de taxer les sociétés concessionnaires d’autoroutes, et l’analyse du Conseil d’État qui considère qu’il ne peut y avoir qu’un seul mouton noir dans le transport. On s’en prend à nouveau à l’aérien », s’est exclamé le sénateur de la Somme.

La taxe sur les aéroports devrait mécaniquement se répercuter sur les redevances dont doivent s’acquitter les compagnies aériennes qui les désertent, Aéroports de Paris (ADP) l’a déjà d’ores et déjà annoncé. Pour Stéphane Demilly, c’est une « distorsion de concurrence » qui se profile avec les « compagnies low cost étrangères » qui opèrent dans les aéroports régionaux.

Le ministre veut suivre les effets sur la compétitivité des compagnies, sur lesquelles la taxe sera répercutée

Rappelons que mi-septembre, le Conseil d’Etat avait effectivement mis en garde contre l’idée d’une taxe contre une taxe ciblant uniquement les « surprofits » des sociétés concessionnaires d’autoroutes. La plus haute instance administrative avait pointé un « risque élevé » sur le plan juridique, d’où l’instauration d’un seuil englobant les entreprises dont le revenu d’exploitation dépasse 120 millions d’euros et ayant rentabilité moyenne de 10 % sur les dernières années.

« Nous serons vigilants à ces effets de compétitivité relative », a répondu Clément Beaune. Ces derniers jours, la direction générale d’Air France avait notamment estimé que cette taxe allait pénaliser les compagnies françaises, au détriment de compagnies étrangères comme Ryanair, qui dessert le petit aéroport de Beauvais par exemple.

« Nous sommes des défenseurs du pavillon français », a assuré le ministre devant la commission sénatoriale, rappelant au passage les bons résultats d’Air France. La semaine dernière, la compagnie porte-étendard a annoncé avoir réalisé une marge d’exploitation record au troisième trimestre. Souhaitant prendre de court les éventuelles initiatives parlementaires, qui consisteraient à ramener davantage d’aéroports dans le dispositif, Clément Beaune a conseillé aux sénateurs de ne pas toucher au seuil des 120 millions d’euros de revenu d’exploitation. « Je souhaite, pour qu’on donne de la visibilité, qu’on ne touche pas à ce seuil. »

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