Le revenant : ce pourrait être le titre du film du projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027. Voici près d’un an que l’hémicycle du Sénat attendait son retour. Ce texte, détaillant la trajectoire financière globale des finances de l’État, de la Sécurité sociale et des collectivités locales jusqu’à la fin du quinquennat, a connu un parcours pour le moins agité à l’automne 2022. Rejeté par l’Assemblée nationale – premier coup de semonce pour l’exécutif après la perte de sa majorité absolue – avant d’être substantiellement modifié au Sénat contre l’avis du gouvernement, le texte n’a naturellement pas fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire.
Malgré les alertes répétées du Haut Conseil des finances publiques, le gouvernement a longtemps rechigné à remettre ce projet de loi à l’ordre du jour des assemblées. Sa portée juridique est assez limitée. Il n’en reste pas moins que sa valeur est politique. Et d’autant plus après à un moment où la note financière de la France a été dégradée, où les taux d’intérêt des emprunts du pays grimpent en flèche et où la Commission européenne demande des gages de sérieux budgétaire pour le versement des dernières tranches du plan de relance européen.
Le rapporteur général reproche à l’Etat de ne pas avoir tenu compte des propositions du Sénat
Fin septembre, le gouvernement a engagé sa responsabilité sur ce texte en nouvelle lecture, à l’occasion d’une session extraordinaire spécialement convoquée pour l’occasion à l’Assemblée nationale. Ne voulant pas répéter l’expérience de l’an dernier, le gouvernement a eu recours 49.3. Place au Sénat désormais. C’est le premier projet de loi à être examiné depuis le renouvellement de la Haute assemblée.
En un an, le gouvernement a fait un peu évoluer sa copie. Dans le texte sorti de l’Assemblée nationale, l’exécutif a maintenu son engagement de ramener le déficit public de 4,8 % en 2022 à 2,7 % en 2027, sous l’objectif européen des 3 %. Comme l’an dernier, la droite sénatoriale considère que ce rythme d’allègement n’est pas assez ambitieux. « La trajectoire proposée pour l’Etat est ainsi très largement surestimée car elle résulte essentiellement de la simple disparition des mesures de crise et non de mesures d’économies structurelles », épingle le rapporteur général de la commission, Jean-François Husson (LR). Ce dernier regrette que le gouvernement n’ait « tenu aucun compte des orientations proposées par le Sénat en première lecture ».
Opposition de la droite à une stabilité des emplois de l’Etat sur la période
Sous son impulsion, la commission a modifié les objectifs d’évolution des dépenses, en fixant dès 2025 l’objectif de retour sous les 3 % (à 2, 5 %). En 2027, dans la courbe adoptée en commission des finances, le déficit serait non plus de 2,7 mais de 1,7 % du PIB. En séance, l’an dernier, le ministre des comptes publics de l’époque, Gabriel Attal, avait fustigé la courbe voulue par le Sénat, en qualifiant l’objectif de retours sous les 3 % dès 2025 de « pas crédible », ni « soutenable ».
Les sénateurs plaident également en outre pour un effort équivalent entre l’État et les collectivités locales, soit une diminution moyenne annuelle de 0,5 % en volume. Ils ne touchent pas, en revanche, à la trajectoire des dépenses de Sécurité sociale.
L’article 10 du projet de loi est l’autre point de désaccord fondamental entre la majorité sénatoriale et le gouvernement. Le projet de loi adopté par le 49.3 établit une « stabilité globale » des emplois pour l’État et ses opérateurs de 2023 à 2027. Inacceptable pour LR et ses alliés du centre, qui ont inscrit à la place un objectif de réduction de 5 %.
L’hémicycle et le gouvernement ont désormais rendez-vous dans l’hémicycle le lundi 16 octobre, en fin d’après-midi.