Paris : Opening day of Shein store at the BHV Marais
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Vente de produits illégaux sur Shein : l’audience judiciaire de la plateforme renvoyée au 5 décembre

L’audience qui devait se tenir mercredi devant le tribunal judiciaire de Paris au sujet de la plateforme Shein a été renvoyée au vendredi 5 décembre, après demande de l’avocat de l’Etat. Une « volte-face » selon les avocats de Shein.
Henri Clavier

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« Shein a sauvé sa saison de Noël », note Alexandre Archambault, avocat au barreau de Paris et spécialiste du droit du numérique après le renvoi de l’audience de la plateforme Shein, assignée en justice par l’Etat après le scandale suscité par la découverte de la vente de poupées sexuelles d’apparence enfantine et d’armes de catégorie A sur la marketplace du site. L’audience a été renvoyée au 5 décembre, à la demande de l’avocat de l’Etat, écartant ainsi la possibilité d’une suspension de la plateforme chinoise dans les prochaines semaines. 

Le Ministre du commerce et des PME, Serge Papin, s’est pourtant montré offensif ce mercredi matin en déclarant sur TF1 que l’Etat allait engager une procédure contre Aliexpress et Joom. Une démarche qui « vise à protéger les consommateurs » et mettre fin au « Far West numérique » selon le ministre. Début novembre, le gouvernement avait lancé une procédure administrative enjoignant Shein à retirer les produits interdits sous peine de suspension. Des injonctions suivies par le site qui a alors suspendu la « marketplace », la partie de la plateforme directement accessible aux vendeurs. 

Une procédure vouée à l’échec ? 

Depuis, l’Etat a donc lancé une nouvelle procédure sur le fondement de la loi pour la confiance dans l’économie numérique qui permet au juge de prescrire « toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne ». « Ce à quoi s’expose Shein c’est une suspension de la plateforme. Le gouvernement demande une suspension de la plateforme pour trois mois, mais il n’y a pas de durée maximale de suspension, le juge peut aller plus loin s’il est convaincu par les arguments de l’Etat », avance Alexandre Archambault. Au-delà de cette tentative de suspension, une procédure pénale a également été engagée contre Shein. Par ailleurs, une coalition de fédérations du commerce français a attaqué Shein en justice pour « concurrence déloyale ». 

Pour expliquer sa demande de renvoi, l’Etat estime avoir reçu tardivement les arguments de défense de Shein. « Le gouvernement n’est pas confortable sur le dossier, c’est une volte-face totale, nous on était prêts à plaider aujourd’hui », ont indiqué à l’AFP les avocats de Shein. Par ailleurs, le ministère public a déclaré qu’il ne s’associait pas aux demandes de l’Etat concernant la suspension du site Shein. « L’assignation de l’Etat repose essentiellement sur une posture morale et des articles de presse, c’est une posture très politique qui est juridiquement fragile », pointe Alexandre Archambault. 

« On a une série de décisions sur les « marketplaces » qui estiment que les plateformes ne sont pas responsables des contenus publiés par les particuliers » 

Par ailleurs, les avocats de Shein rappellent que c’est le Digital Service Act, donc le droit européen, qui régit le droit applicable aux plateformes en ligne. En l’occurrence, le droit européen effectue une distinction entre éditeurs et hébergeurs. Ces derniers sont soumis à des obligations de modérations des contenus moins strictes que les premiers et sont seulement tenus à un devoir de diligence et de collaboration dans le cadre des obligations renforcées applicables aux très grandes plateformes comme Shein. La plateforme doit néanmoins prendre les mesures nécessaires pour ne pas faire courir un risque systémique aux consommateurs. 

Dans une décision du 5 novembre 2025, le Tribunal judiciaire de Paris a confirmé le statut d’hébergeur et non d’éditeur de la plateforme Airbnb évacuant ainsi les obligations générales de surveillance. « On a une série de décisions sur les « marketplaces » qui estiment que les plateformes ne sont pas responsables des contenus publiés par les particuliers, sauf s’ils ne font rien et ne prennent aucune mesure », développe Alexandre Archambault. 

La Commission européenne exige des précisions 

La situation a néanmoins fait réagir les institutions européennes. Le Parlement européen a notamment adopté une résolution non contraignante appelant à faciliter « la suspension temporaire de l’activité des places de marché en ligne en cas de violations systémiques, graves ou répétées du droit de l’Union, comme dans l’affaire Shein en France ». La Commission européenne, chargée de faire appliquer le droit européen et de s’assurer de la conformité des très grandes plateformes avec le droit européen, a également réagi. 

« Après la vente de produits illégaux en France et plusieurs rapports publics, la Commission soupçonne que la plateforme de Shein puisse présenter un risque systémique pour les consommateurs dans toute l’Union européenne […]. La Commission demande désormais formellement à la plateforme des informations précises et des documents internes sur la manière dont elle s’assure que les mineurs ne sont pas exposés à des contenus inappropriés pour leur âge, en particulier via des mesures de vérification d’âge, et comment elle empêche la diffusion de produits illégaux » via son système de vente, explique l’exécutif européen. Si la Commission européenne venait à considérer que Shein ne respecte pas ses obligations et représente un risque systémique, la plateforme pourrait être suspendue.

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