Annonces de Gabriel Attal sur l’éducation : « Ce que je comprends de ce qu’il va faire m’effraie », s’inquiète Benoît Hamon

Invité de la matinale de Public Sénat, Benoît Hamon a livré sa vision sur les annonces faites le 5 décembre par Gabriel Attal. L’ancien ministre de l’éducation nationale, sous François Hollande, se méfie des mesures annoncées qu’il considère comme des gages pour la droite, loin des véritables problématiques qui traversent l’enseignement.
Henri Clavier

Temps de lecture :

3 min

Publié le

Mis à jour le

« Je me méfie des éléments de langage, « choc des savoirs » et « des formules », commente Benoît Hamon interrogé sur les annonces faites par Gabriel Attal. Le ministre de l’Education nationale a notamment proposé la mise en place de groupes de niveaux, le retour du redoublement, la nécessité d’obtenir le diplôme national du brevet pour accéder au lycée et la fin de l’harmonisation des notes au niveau académique pour les examens. Ces mesures ont été annoncées quelques heures après la publication du classement Pisa par l’OCDE rapportant une chute historique en mathématiques et en compréhension écrite des élèves français.

« Ce que je vois, c’est la réalisation d’un fantasme des plus aisés »

« Ce que je comprends de ce qu’il va faire m’effraie », affirme Benoît Hamon qui craint que la mise en œuvre de groupes de niveaux produise un effet négatif. « Les groupes de niveaux en mathématiques et en français, c’est décréter, dès la sixième, qu’il y aura des élèves à la cave, au rez-de-chaussée et des élèves au premier étage », déplore Benoît Hamon. L’ancien candidat socialiste à l’élection présidentielle craint que les groupes de niveaux agissent comme un frein à la progression des élèves.

Surtout, Benoît Hamon fustige des mesures inefficaces prises pour plaire à la droite. « Ce que je vois c’est la réalisation d’un fantasme des plus aisés. Cet imaginaire, c’est de penser que les élèves les plus en difficulté tirent tout le monde vers le bas. Cette proposition va réaliser ce fantasme », souligne Benoît Hamon, ajoutant qu’il est « difficile d’échapper à son milieu ». L’ancien ministre estime que cette approche détourne l’école de ses véritables missions. « Gabriel Attal prend acte qu’il faut un système élitiste », regrette Benoît Hamon qui rappelle que « les sciences éducatives nous montrent que ce type de système aggrave les inégalités ». Plusieurs études, notamment de l’OCDE, pointent l’absence d’effet positif lié au redoublement.

« Le système français, très élitiste, va fracturer une génération »

Pour Benoît Hamon, le ministre de l’Education nationale fait une erreur d’analyse en prônant la fermeté. « L’Education nationale, c’est le temps long et personne ne peut penser qu’un plan construit de cette manière va régler ce qui est la réalité du système français, le choc des inégalités », explique Benoît Hamon. Surtout, l’ancien candidat socialiste identifie une forme de diversion de la part de Gabriel Attal alors que le classement Pisa s’attarde longuement sur les défaillances structurelles du système éducatif français. Le classement rappelle aussi le poids du milieu socio-économique de l’élève dans sa réussite scolaire. « Les conditions d’enseignement se sont globalement dégradées. Le système français, très élitiste, va fracturer une génération », craint Benoît Hamon. « La mission de l’école c’est élever, émanciper, il y a indiscutablement une promesse que l’école ne tient pas », continue Benoît Hamon qui fustige des réformes favorisant le déterminisme et la reproduction sociale.

« Quand on a des conditions d’enseignement qui sont celles-là, on ne peut pas s’attendre à faire des bons dans les classements, il y a un moment où ça décroche », constate Benoît Hamon.

Partager cet article

Dans la même thématique

Rentree scolaire avec Uniforme Ecole Ronchese Nice
4min

Éducation

Salaire des enseignants : le rendez-vous manqué de la rentrée 2025

Ce vendredi marque la pré-rentrée des 850 000 enseignants. Si le budget 2025 de l’Éducation nationale a été rehaussé, la question centrale des salaires reste sans réponse. Selon les derniers chiffres ministériels, la hausse enregistrée entre 2022 et 2023, est jugée trop faible par les syndicats pour enrayer la crise de la profession.

Le

Paris: E.. Borne conference de presse de rentree scolaire
3min

Éducation

Rentrée scolaire : les mathématiques font leur grand retour au baccalauréat

À l’occasion de sa conférence de presse de rentrée, la ministre de l’Éducation nationale, Élisabeth Borne, a détaillé sa feuille de route. Parmi les mesures phares, une révision en profondeur des modalités d’évaluation du baccalauréat et le retour des mathématiques dans les épreuves anticipées.

Le

COLOMBES: une ecole elementaire face a la canicule
8min

Éducation

Canicule et écoles fermées : pourquoi la France tarde-t-elle à adapter ses bâtiments scolaires aux fortes chaleurs ?

Face à la canicule, plusieurs collectivités ont préféré laisser leurs établissements scolaires fermés, les bâtiments étant souvent mal adaptés à la chaleur. Depuis 2019, la loi impose aux bâtiments publics des objectifs en matière de consommation d’énergie et d’isolation thermique, mais l’adaptation du parc scolaire, qui devrait mobiliser plusieurs dizaines de milliards d’euros sur la décennie, reste un défi de taille.

Le