Peut mieux faire. C’est en substance l’appréciation portée par le Sénat sur la copie du gouvernement ce 1er décembre. Non sans quelques réserves, la haute assemblée a adopté « en responsabilité » le budget proposé pour l’enseignement scolaire dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2024, en hausse de 6,5 % à 63,6 milliards d’euros. Ce nouvel effort budgétaire, comparable à celui de l’an dernier, pour le premier budget de l’Etat a reçu un soutien appuyé au Sénat, dans le sens où il matérialise les augmentations prévues pour les professeurs. Un « effort notable » et même un « impératif », selon le rapporteur Olivier Paccaud (LR), pour redonner de l’attractivité à une profession en manque criant de candidats.
Point d’indice des fonctionnaires revu à la hausse, prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, doublement des indemnités de suivi d’accompagnement ou d’orientation des élèves, une batterie de mesures sont prises en charge par le budget pour donner corps à la promesse de campagne d’Emmanuel Macron d’atteindre une revalorisation de 10 % de la rémunération des enseignants. Est-elle atteinte ? « Presque. Pas pour tout le monde, notamment pour les enseignants en fin de carrière. Et l’inflation a contribué à éroder l’impact de ces louables efforts », a regretté le sénateur Paccaud.
Le gouvernement compte aussi sur des missions supplémentaires optionnelles, contre la promesse d’un surcroît de rémunération. Il espère ainsi des remplacements volontaires de courte durée dans le secondaire, mais le dispositif est loin de faire le plein. « Vous avez proposé un Pacte aux enseignants, travailler plus pour gagner plus, c’est votre petit côté sarkozyste », a ironisé le rapporteur à l’adresse de Gabriel Attal.
« Un budget historique », pour Gabriel Attal
Le très médiatique nouveau ministre de l’Education nationale a pour sa part salué un « budget historique », en hausse de 30 % depuis 2017. « Il faut mesurer le chemin parcouru », a-t-il insisté.
Cette dynamique budgétaire n’a toutefois pas fait oublier aux sénateurs, à droite notamment, les inquiétantes évaluations du niveau des élèves de 4e en français et en mathématiques. Max Brisson (LR) est allé jusqu’à dire que le groupe LR n’était « pas satisfait des lignes directrices » de ce budget. « Nous attendons une vision pour notre école, une redéfinition de ses missions et non pas seulement des crédits en hausse. Je m’étonne, face aux milliards affichés, qu’une réforme structurelle ne soit pas annoncée pour rompre avec le verticalisme d’un système à bout de souffle et remettre en cause son organisation », s’est exprimé le sénateur des Pyrénées-Atlantiques. « Tel Sisyphe, dans la mythologie grecque, le gouvernement pousse des moyens budgétaires conséquents, 12 milliards d’augmentation depuis 2017, mais pour des résultats très peu probants. La pierre finit toujours par retomber », a mis en garde la centriste Annick Billon.
Si Gabriel Attal a maintes fois annoncé que l’Education nationale mettrait « le paquet » sur la maîtrise des savoirs fondamentaux, les sénateurs attendent désormais des « actes ».
2 190 postes supprimés
La suppression de 2 200 postes dans le primaire et le secondaire, à travers l’abaissement du plafond d’emplois dans ce budget, a également été critiquée de toutes parts. Pour de nombreux groupes, le gouvernement avait là l’occasion de profiter de la baisse des évolutions démographiques à l’œuvre pour abaisser le nombre d’élèves par classe, en maintenant le nombre d’enseignants.
« Ce budget, c’est celui des occasions manquées », a résumé la sénatrice Colombe Brossel. « Un ministre à l’écoute ne justifierait pas une suppression de 2 190 postes par une baisse de la démographie », a également dénoncé l’écologiste Monique de Marco. La fermeture de classes en milieu rural et périurbain est souvent revenue dans les interventions, ces territoires ne bénéficiant pas non plus du dédoublement des classes, réservées aux zones REP +. Ce phénomène génère un « sentiment d’injustice », a relayé le sénateur Olivier Paccaud.
Une attention portée à la médecine scolaire
Des sénateurs ont, une fois encore cette année, alerté sur la grande fragilité de la médecine scolaire. Depuis 2017, on compte soit 30 % de médecins en moins et 11 % d’infirmiers en moins dans le milieu scolaire. Le manque d’attractivité de ces métiers explique en grande partie de déficit de plus en plus important. A l’initiative de la centriste Annick Billon, ou encore des socialistes, les sénateurs ont fléché 30 millions supplémentaires en direction du programme qui les finance.
Autre amendement notable : les sénateurs ont supprimé l’article qui prévoyait la suppression du fonds de soutien au développement des activités périscolaires (FSDAP). Créé en 2013, il incite les communes à mettre en place la réforme des rythmes scolaires, son montant s’élevait à 41 millions d’euros en 2023. Si l’Etat souhaitait réinterroger son action « en faveur de l’accompagnement des communes au déploiement d’une activité périscolaire de qualité », le rapporteur Olivier Paccaud a estimé que sa suppression « sans concertation avec les communes » soit la meilleure manière d’y parvenir.