Devant la présidente de la Commission européenne et plusieurs ministres européens, Emmanuel Macron a voulu lancer un « appel de la Sorbonne » à l’occasion de la conférence Choose Europe for science. Le chef de l’Etat a dévoilé plusieurs mesures pour attirer les chercheurs américains et étrangers menacés par l’administration Trump. Parmi ces mesures, le chef de l’Etat promet un financement de 100 millions d’euros pour renforcer l’attractivité des universités françaises.
Face aux menaces que subissent les chercheurs et scientifiques aux Etats-Unis, les sénateurs se réjouissent de l’organisation de la conférence Choose Europe for science et de la capacité des Etats européens à se coordonner pour attirer les chercheurs.
Si le président de la République estime que « l’Europe doit devenir un refuge », les annonces du chef de l’Etat n’ont pas forcément convaincu les sénateurs, surtout après l’annulation, fin avril, de 500 millions d’euros de crédits budgétaires destinés à la mission Enseignement supérieur et recherche.
Un investissement pérenne ?
« Comme souvent lors des sorties d’Emmanuel Macron, on peut être séduit en voyant une thématique saisie à bras-le-corps avec des annonces positives », note Stéphane Piednoir, sénateur LR du Maine-et-Loire et président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst). « Mais connaissant le personnage, je reste méfiant », tempère Stéphane Piednoir. Une prudence partagée par le sénateur socialiste et membre de la commission de la culture, Adel Ziane. « Je me réjouis de voir que le président de la République prend en considération la situation aux Etats-Unis, mais j’attends de voir la réalité des annonces », explique Adel Ziane.
Si Emmanuel Macron a effectivement promis de mobiliser 100 millions d’euros pour attirer des chercheurs voulant quitter les Etats-Unis, le financement se fait en dehors du budget de l’Etat sur le fonds d’investissement public France 2030. « Est ce que ce sont des financements pérennes ou est-ce que c’est un ‘one shot’ sur deux, trois ans ? » s’interroge Adel Ziane. Le chef de l’Etat n’a pas précisé si ces crédits seraient pérennisés une fois les fonds de France 2030 épuisés.
« Sur les annonces budgétaires, je suis déçu, il n’y a rien »
En plus de l’origine des fonds, le mode de financement pose question alors que l’Etat ne s’engage pas au-delà de 50 % pour financer les créations de postes. « Sur les annonces budgétaires, je suis déçu, il n’y a rien. 100 millions dans le cadre d’un cofinancement dans lequel les universités ou d’autres opérateurs publics apporteraient 50 %, c’est une énorme déception », regrette le sénateur communiste Pierre Ouzoulias. Ce dernier insiste notamment sur les difficultés financières des universités alors que le gouvernement a annulé, par décret le 26 avril, près de 500 millions d’euros de crédits destinés à l’enseignement supérieur et la recherche. Un manque de cohérence qui « nuit à la crédibilité de la France » ajoute Pierre Ouzoulias.
« 100 millions en valeur absolue, ça n’est pas rien, cela a vocation à faire effet de levier », tempère Stéphane Piednoir. Même si le sénateur du Maine-et-Loire se veut moins critique, ce dernier partage les doutes concernant l’utilisation des sommes annoncées. « Je voudrais voir concrètement comment la plateforme annoncée par le président de la République va fonctionner. On parle d’une plateforme avec un financement qui pourrait venir du privé mais aussi des collectivités locales ou des universités », note Stéphane Piednoir qui doute de la capacité des acteurs publics à jouer un rôle dans le renforcement de l’attractivité des universités françaises.
Renforcer la protection de la liberté académique
Dans un contexte budgétaire contraint pour l’Etat comme pour les collectivités territoriales, le président de l’Opecst plaide pour un renforcement du financement privé de la recherche. « Pour trouver les sources de financement que nous n’avons plus dans le secteur public, il ne faut pas hésiter à renforcer les partenariats avec les entreprises privées », considère Stéphane Piednoir. Un sujet encore délicat alors que la multiplication des financements privés entraîne nécessairement une hiérarchisation des thématiques de recherche. Un risque au moment où la liberté académique apparaît de plus en plus menacée à travers le monde ? « Il y a un impératif de liberté académique dans la recherche, mais ça n’empêche pas d’avoir des priorités », assure Stéphane Piednoir.
Un sujet au cœur du débat estime Pierre Ouzoulias qui a cosigné ce 5 mai, une proposition de loi transpartisane déposée par le sénateur Horizons Louis Vogel pour garantir constitutionnellement la liberté académique. « A aucun moment dans le discours d’Emmanuel Macron, il n’a été question des sciences humaines qui sont les plus attaquées aux Etats-Unis. On a l’impression qu’on va essayer de combler un retard technologique, mais ce ne sont pas eux qui sont menacés », s’étonne Pierre Ouzoulias. « Sur la liberté académique, il faut se préparer au pire, le discours de Trump est également relayé en France », prévient le sénateur.