Aujourd’hui, plusieurs présidents d’universités se sont mobilisés pour alerter sur la situation budgétaire de leurs établissements. Si les sénateurs Pierre Ouzoulias et Stéphane Piednoir partagent les inquiétudes des présidents d’université, leurs points de vue divergent sur la position du ministre de l’Enseignement supérieur.
Éducation : Bercy justifie les 700 millions d’euros d’économies par des dépenses de personnel moins importantes en 2023
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Raboté de 692 millions d’euros dans le décret d’annulation de crédits du 22 février, le budget de l’Éducation nationale est soumis à une diminution moins importante en proportion (-0,8 %) que d’autres ministères. L’acte va pourtant à contre-courant de la stratégie de Gabriel Attal, qui proclamait l’école comme « la mère des batailles », à peine arrivé à Matignon. Ce n’est donc pas une surprise si les sénateurs de la commission des finances ont demandé quelques éclaircissements au ministre de l’Économie et au ministre des Comptes publics, en audition ce 6 mars.
« Pas de remise en question des schémas d’emploi », selon Thomas Cazenave
La baisse, inscrite par voie réglementaire, interpelle d’autant plus les parlementaires qu’elle concerne pour une part importante les dépenses de personnel. Thomas Cazenave, le ministre des Comptes publics l’a assuré, les effectifs ne seront pas touchés. « Pour vous rassurer, il n’y a pas de remise en question des schémas d’emploi, que ce soit pour l’Intérieur, pour la Justice, pour l’Armée et d’autre part, pour l’Éducation non plus. Les économies que nous faisons sur les masses salariales sont liées à des sous-exécutions de l’année dernière, et donc on regarde l’évolution sur 2024, l’impact de ces sous-exécutions », a justifié le ministre.
Déjà le 23 février, en marge d’un déplacement à Mulhouse, la ministre de l’Éducation nationale Nicole Belloubet avait assuré, aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, que l’école était « protégée » du coup de rabot. En livrant une explication différente : « Ces annulations de crédits portent sur des crédits mis de côté, mis en réserve, que nous utilisons en cours d’année, si nous devons faire face à des chocs particuliers ou exceptionnels, ce sont ces crédits-là qui sont gelés », avait-elle affirmé.
Les syndicats réclament une information « complète » sur la traduction des coupes budgétaires
La séquence n’avait guère convaincu du côté des syndicats. « La ministre tente de rassurer, mais si ces économies ne se font pas sur les postes, il faut qu’elle nous dise où elles se feront, ça doit être clair, pour les enseignants et pour les familles », notait auprès de l’AFP Élisabeth Allain-Moreno, secrétaire générale du SE-Unsa. Une pression réitérée le 3 mars par une intersyndicale regroupant sept organisations. « Nous n’avons à ce jour aucune information sur la traduction concrète de ces coupes budgétaires. Nous ne pouvons nous contenter de vagues engagements ministériels sur l’absence de suppressions de postes dans les mois à venir », ont-ils prévenu dans un communiqué. Le point sera abordé le 13 mars, à l’occasion d’un comité social d’administration ministériel de l’Éducation nationale (CSAMEN).
Olivier Paccaud, rapporteur (LR) sur les crédits de la mission « enseignement scolaire » dans le budget, ne s’est pas montré surpris durant l’audition au Sénat face au tableau dépeint par Thomas Cazenave. « Ces crédits supprimés répondent à la sous-exécution des dépenses de personnel. Cela veut dire clairement que vous n’avez pas réussi à recruter, notamment pour les AESH et peut-être certains professeurs. Pourquoi vous n’en avez pas tenu compte il y a deux mois et demi au moment du budget ? Nous vous avions suggéré un amendement de sincérisation avec une baisse de 600 millions d’euros sur la gestion des personnels. On avait constaté une sous-consommation de ces crédits, depuis plus de 10 ans. Ça a été rejeté d’un revers de manche », s’est exclamé le sénateur de l’Oise.
« Que de contradictions ! » : Les interrogations demeurent sur le financement des groupes de niveaux
Mais là n’est pas la principale interrogation selon ce professeur agrégé. Comme le rapporteur général Jean-François Husson (LR), le parlementaire se demande comment, avec un budget réduit de 692 millions d’euros, l’Education nationale peut malgré tout mettre en œuvre les récentes promesses de l’exécutif. Il est question d’un renforcement de la médecine scolaire, de la prise en charge par l’État de l’accompagnement des élèves en situation de handicap par les AESH durant la pause méridienne ou encore, en premier lieu, du « choc des savoirs » avec la création des fameux de groupes de niveaux en français et mathématiques pour les collégiens en difficulté.
« Je peux vous dire que ça va vous coûter cher. Vous supprimez 692 millions d’euros mais vous annoncez de nouvelles dépenses. Que de contradictions. Je ne sais pas si la boussole fonctionne, ou s’il y a un Triangle des Bermudes, mais on ne comprend plus rien à vos contradictions », s’est insurgé Olivier Paccaud.
Thomas Cazenave s’est voulu formel, l’engagement des groupes de niveaux sera « tenu ». « Les ETP (équivalents temps plein) nécessaires pour mettre en œuvre de dispositif ont été évalués, ils seront tenus même avec le décret d’annulation », a-t-il insisté. Pour rappel, le ministre de l’Éducation nationale prévoit 2300 équivalents temps plein pour ces groupes de niveaux. Cette estimation est d’ores et déjà critiquée par les représentants des enseignants, le Syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale (SNPDEN) le jugeant « insuffisant pour couvrir les besoins ».
Ce jeudi, dans une interview donnée au Monde, Nicole Belloubet annonce qu’il faut « introduire une certaine souplesse pour les principaux de collège ». « Ma préoccupation est de tout faire pour rendre possible cet engagement et de le rendre applicable sur le terrain », a-t-elle exposé.
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