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Education sexuelle : le ministre Alexandre Portier recadré par Anne Genetet sur « la théorie du genre »

La ministre de l’Education nationale, Anne Genetet, s’est démarquée des propos tenus par son ministre délégué, Alexandre Portier, sur le futur programme d’éducation à la vie sexuelle et affective, qu’il accuse de servir de véhicule à la prétendue « théorie du genre ». « Ce programme n’a pas d’idéologie », a assuré la macroniste auprès de BFMTV. Une dissonance qui rappelle que les deux locataires de la rue de Grenelle sont issus d’horizons politiques différents.
Romain David

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La ministre de l’Education nationale a tenu à remettre les points sur les i : « Il n’y a qu’une seule ligne, la ligne du ministère, c’est la ligne que je défends. C’est moi qui pilote ce programme ». Ce jeudi, Anne Genetet a recadré son ministre délégué, Alexandre Portier, pour ses propos sur le programme d’éducation à la vie sexuelle et affective, un sujet devenu particulièrement sensible ces dernières semaines. « L’école de la République, c’est une école dans laquelle il n’y a pas d’idéologie, ce programme n’a pas d’idéologie. La théorie du genre n’existe pas, elle n’existe pas non plus dans ce programme. On apprend la différence fille garçon, à se respecter pour ce que l’on est. C’est tout », a martelé la ministre auprès de BFMTV, à rebours des déclarations faites la veille par le ministre chargé de la réussite scolaire et de l’enseignement professionnel.

« Ce programme en l’état, n’est pas acceptable », a fustigé Alexandre Portier mercredi à l’occasion de la séance de questions d’actualité au gouvernement du Sénat. « Je m’engagerai personnellement pour que la théorie du genre ne trouve pas sa place dans nos écoles », a affirmé ce professeur de philosophie, à propos de textes attendus de longue date, mais qui n’ont pas encore été officiellement dévoilés ni même validés par le Conseil supérieur de l’éducation (CSE). Cette entité, placée sous la présidence de la ministre de l’Education nationale, doit les examiner à partir du 5 décembre.

« Le militantisme n’a pas sa place dans nos écoles »

Devant les sénateurs, Alexandre Portier a indiqué avoir « trois réserves importantes » sur la mouture actuelle du projet. Outre ses incriminations sur la « théorie du genre » – une formule contestée par les milieux associatifs et universitaires, mais souvent utilisée par les conservateurs à propos des études sur le genre -, Alexandre Portier a réclamé « un encadrement très strict de tous les intervenants qui auront à porter ces sujets dans nos établissements ». « Le militantisme n’a pas non plus sa place dans nos écoles », a-t-il souligné. « Troisièmement, je veux aussi une meilleure prise en compte du développement de nos élèves. Parce que toutes les notions qui doivent être évoquées dans ces matières doivent l’être en fonction évidemment du développement de nos élèves. »

Ses propos ont été vivement applaudis dans les rangs de la droite. Quelques minutes plus tôt, le sénateur LR Max Brisson, spécialiste des questions d’éducation, s’était emporté sur ce sujet : « Assurez-vous que le contenu de chaque cycle sera adapté à l’âge des élèves, que les références à l’identité de genre seront retirées ? Assurez-vous le Sénat que toute trace de wokisme en sera expurgée ? », avait lancé l’élu, ancien inspecteur général de l’Education nationale.

Dans la foulée, la réaction du ministère de l’Education nationale a laissé planer une impression de flottement. Selon des déclarations faites à la presse par l’entourage de la ministre, le terme « identité de genre » aurait été supprimé des textes, dans lesquels il apparaissait une quinzaine de fois. On assure également que la locataire de l’hôtel de Rochechouart et son ministre délégué « sont alignés ». Pourtant, la véhémence de la prise de parole d’Alexandre Portier devant les sénateurs tranche nettement avec les propos, largement enthousiastes, tenus par la ministre ces dernières semaines sur les cours d’éducation à la vie sexuelle et affective.

« Un programme important, que je défendrai »

Auditionnée le 22 octobre par la commission sénatoriale de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport, pour défendre le budget de son ministère avant l’examen du projet de loi de finances pour 2025, la ministre avait été interpellée par plusieurs sénatrices sur ce sujet. Annick Billon, la vice-présidente (centriste) de la délégation aux droits des femmes, avait notamment regretté le manque d’assiduité des établissements scolaires pour dispenser cet enseignement, pourtant imposé par une loi de 2001.

Anne Genetet avait indiqué avoir « pris le temps de relire avec attention » le programme. « Il est très complet », avait alors salué la ministre. « Il vise, par exemple, à enseigner aux élèves la compréhension ou la lecture des émotions chez leurs camarades de classe ou chez les adultes, ainsi que la gestion de leurs propres émotions, sujets que je considère comme très importants », avait-elle expliqué.

Elle espérait une publication du programme « le plus tôt possible » pour permettre aux enseignants qui le souhaitent de « le dispenser dès cette année ». Elle avait néanmoins exprimé le souhait qu’ils puissent être « formés spécifiquement pour dispenser ce programme ». « Cela reste un programme important, que je défendrai », avait encore assuré la ministre devant les élus.

Des propos réitérés quelques jours plus tard, le 19 novembre, sur Europe 1 et CNews. « On m’avait alertée sur ce programme, je l’ai relu ligne par ligne, de A à Z, il est vraiment très progressif. Il apprend des choses simples : c’est quoi une fille, c’est quoi un garçon. […] Apprendre la différence fille garçon, c’est aussi travailler sur les violences faites aux femmes », avait fait valoir Anne Genetet. Interrogée par Sonia Mabrouk sur « ceux qui affirment que c’est une possibilité de diffuser les théories du genre à l’école », la ministre répondait : « Ça n’est absolument pas présent dans ce programme. On est sur la vie relationnelle, le consentement, le respect d’autrui, la lutte contre les violences faites aux femmes, l’égalité fille garçon, des choses fondamentales, de base, qui ne sont pas toujours enseignées en famille. »

Visiblement, la ministre de l’Education nationale n’a pas la même lecture du programme que son ministre délégué. À moins que cette différence de vues ne trahisse aussi d’importantes divergences idéologiques. « J’ose espérer que la réponse du ministre n’était que son point de vue personnel et pas la ligne du gouvernement », a réagi le sénateur macroniste Xavier Iacovelli sur Public Sénat. Lors de la nomination du gouvernement Barnier, de nombreux commentateurs s’étaient étonnés de la propulsion de cet attelage rue de Grenelle, comme nous vous le relations dans cet article. Avec d’un côté une députée EPR peu identifiée sur les sujets d’éducation, mais réputée proche de Gabriel Attal, de l’autre un député LR fervent défenseur de l’enseignement privé sous contrat.

Trois séances par an

Selon un rapport du Conseil économique, social et environnemental, moins de 15 % des élèves bénéficient des cours d’éducation à la vie affective et sexuelle. L’ex-ministre de l’Education Pap Ndiaye s’était engagé à mettre en place un programme pour aider les intervenants. Ces textes étaient initialement attendus à la rentrée 2024. Les premières orientations ont été fixées en mars. L’éducation à la vie affective et sexuelle doit se décliner sur au moins trois séances par an, « en dehors du temps scolaire », a précisé Anne Genetet, c’est-à-dire sans impact sur les enseignements traditionnels. Devant les sénateurs, Alexandre Portier a néanmoins reconnu l’utilité de ce programme, dans « une époque qui nous interdit d’être spectateurs face aux violences sexuelles ».

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