La Première ministre appelle à « la mobilisation générale » contre le harcèlement scolaire. Élisabeth Borne a présenté ce mercredi le plan interministériel de lutte contre le harcèlement scolaire. « Le harcèlement ce sont d’abord des drames, des prénoms qui résonnent comme un échec pour nous », a-t-elle déclaré lors d’une conférence de presse réunissant plusieurs ministres concernés par le déploiement d’une avalanche de mesures. La cheffe du gouvernement a notamment annoncé vouloir développer « la confiscation des téléphones » et « permettre d’exclure les élèves harceleurs des réseaux sociaux » pour une durée pouvant aller jusqu’à six mois.
Elle souhaite également que soient renforcés les liens entre l’école, la police et la justice, avec une saisine « systématique » du procureur de la République en cas de signalement. Les signalements seront d’ailleurs facilités avec la mise en place d’un numéro unique, le 3018, et d’une application. Par ailleurs, « la situation familiale des jeunes ayant harcelé sera évaluée par les services de protection de l’enfance », a également précisé Élisabeth Borne.
Les cours d’empathie intégreront les savoirs fondamentaux
Ce plan prévoit un renforcement de la formation des personnels enseignants mais aussi extrascolaires, comme les éducateurs sportifs, pour combattre un phénomène qui s’étend au-delà des cours de récré et des établissements, dans les centres aérés, les colonies de vacances ou encore les clubs de sport.
De son côté, Gabriel Attal, le ministre de l’Education, a confirmé la création des « cours d’empathie » dès la rentrée 2024. « La France va inscrire dans son cursus scolaire des cours d’empathie, ces compétences feront partie des savoirs fondamentaux de l’école », a-t-il expliqué. Le ministre s’était rendu au Danemark en fin de semaine dernière pour observer le fonctionnement de ces « cours d’empathie », obligatoires dans ce pays pour les jeunes de 6 à 16 ans depuis une loi adoptée en 1993.
Ces annonces viennent compléter plusieurs mesures déjà déployées au cours des derniers mois, comme la possibilité de changer d’établissement l’élève harceleur. Le suicide de Lindsay, 13 ans, dans la Pas-de-Calais, avait suscité une vive émotion en juin dernier. La question du harcèlement scolaire a été remise sur le devant de la scène ces derniers jours avec le suicide d’un autre adolescent, Nicolas, âgé de 15 ans, à Poissy. Les parents de ce dernier avaient tenté d’alerter à plusieurs reprises l’administration, jusqu’à recevoir un courrier menaçant du rectorat de Versailles évoquant des poursuites en cas de fausses dénonciations.
« Nous assistons ces derniers jours et ces dernières semaines à un tsunami de témoignages. Ils ont été multipliés par trois par rapport à ce que nous connaissions en septembre 2022 », a indiqué Gabriel Attal, promettant un « avant et un après sur la prévention, la détection et les solutions ». « La peur doit changer de camps ! », a-t-il martelé.
« Je ne peux que saluer ces différentes annonces après deux années d’inertie »
« Au collège, ce sont en moyenne deux enfants par classe qui sont visés », a indiqué Élisabeth Borne. Le phénomène ne semble épargner aucun établissement : 800 000 à 1 million d’enfants seraient victimes chaque année de harcèlement, selon un rapport du Sénat publié en 2021, qui proposait alors de faire de ce sujet « une grande cause nationale ». Reçue la semaine dernière par Gabriel Attal, l’auteure de ce rapport, la sénatrice (Les indépendants) de Seine-et-Marne Colette Mélot, se félicite de constater que le gouvernement a repris l’essentiel de ses préconisations. « En particulier le triptyque ‘prévenir, détecter et traiter’. C’était mon leitmotiv », explique-t-elle. « Je crois que ces annonces font passer un message fort et qu’elles auront, avant même leur entrée en vigueur, un effet dissuasif. Lutter contre les phénomènes de harcèlement dans l’enfance, c’est également lutter contre l’installation de la violence dans notre société », souligne l’élue.
Sa collègue socialiste Sabine Van Heghe, qui a présidé la mission d’information du Sénat, note l’ambition du gouvernement. « Je ne peux que saluer ces différentes annonces qui interviennent après deux années d’inertie puisque notre rapport date de 2021. Mon mandat de parlementaire se termine dans quelques jours (Sabine Van Heghe ne s’est pas représentée aux sénatoriales dimanche dernier, ndlr), et il est satisfaisant de constater que nous avons enfin été écoutés », relève-t-elle. « Mais j’attends de voir comment se fera la mise en œuvre. Car un tel plan nécessite un renforcement important des moyens, or nous manquons d’encadrants, d’enseignants, d’infirmières scolaires… »
Difficultés d’application
Présentés comme un dispositif phare pour favoriser les changements de comportement, les cours d’empathie lui apparaissent en revanche comme une mesure relativement secondaire. « On touche ici à ce que les parents doivent inculquer à leurs enfants. Ce type d’éducation doit se faire à la maison. C’est un coup d’annonce qui ne coûte pas grand-chose et qui ne sert à rien ». La proposition 24 du rapport sénatorial évoquait bel et bien ces cours d’empathie, mais elle recommandait plutôt de les intégrer à la formation initiale des enseignants, pour leur permettre de repérer plus facilement les situations de harcèlement.
Autre difficulté relevée par les deux élues : l’exclusion des réseaux sociaux, ce qui nécessite la bonne collaboration des plateformes. « Ce sera sans doute difficile à appliquer mais l’on ne doit pas se décourager pour autant », insiste Colette Mélot. « De quelle manière se fera le contrôle ? », interroge Sabine Van Heghe. « On sait bien qu’il suffit d’utiliser n’importe quel pseudo ou n’importe quelle adresse mail pour recréer un compte et se déverser sur les réseaux sociaux ».