Enseignement supérieur : le ministre annonce « des assises » en janvier sur le financement des universités

Le ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Espace, a annoncé mardi soir, devant le Sénat, l'organisation d'assises sur le financement des universités en janvier 2026. Alors que les élus examinaient les crédits dévolus à la Recherche et à l’Enseignement supérieur dans le prochain budget, les débats se sont largement focalisés sur la situation des universités, dont les trésoreries sont bousculées par un nombre grandissant de dépenses contraintes.
Romain David

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Face à une situation budgétaire toujours plus tendue, le gouvernement organisera en début d’année prochaine des assises sur le financement des universités. « Dès janvier prochain, je souhaite organiser des assises qui doivent permettre d’ouvrir un espace de travail collectif pour redonner de la visibilité au secteur, tout en dessinant des pistes pour l’avenir », a annoncé Philippe Baptiste, le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Espace, mardi soir pendant l’examen au Sénat du projet de loi de finances pour 2026. Reconnaissant un « manque de lisibilité » pour les établissements, Philippe Baptiste a énuméré trois objectifs : établir un état des lieux, ouvrir un dialogue sur les contraintes de gestion et « ancrer le repositionnement stratégique de la relation Etat-universités ».

Ces travaux seront « co-présidés par deux personnalités incontestables pour leur expertise sur des sujets financiers, budgétaires et sur l’environnement de l’enseignement supérieur et de la recherche », a indiqué le ministre, sans plus de précision quant à l’identité de ces deux personnalités.

Fin octobre, Philippe Baptiste s’est attiré de nombreuses critiques, en affirmant lors d’une audition au Sénat que la situation globale des universités françaises « n’était pas systématiquement dramatique ». « Ce n’est pas Zola non plus », avait-il lancé, alors que la colère gronde dans les établissements. En cause notamment : de nouvelles dépenses imposées, telles que la mise en place progressive d’une protection sociale complémentaire obligatoire pour les agents de l’enseignement supérieur et de la recherche, dont 50 % du coût doit être pris en charge par l’employeur ; les charges liées aux mesures dites « Guérini » sur la revalorisation du point d’indice des fonctionnaires ; ou encore le relèvement de la contribution au compte d’affectation spécial des pensions des agents publics (CAS).

« C’est évidemment un sujet de difficultés, je ne peux pas dire le contraire », a concédé le ministre ce mardi soir. « La tension budgétaire est telle qu’aujourd’hui nous n’avons pas les moyens de compenser intégralement ces différentes questions, cela demandera un effort de gestion de la part des universités et des organismes, et peut-être des ajustements en termes de ressources humaines », a-t-il expliqué. Les élus ont néanmoins adopté, au cours de la nuit, plusieurs amendements transpartisans pour réduire de moitié la dépense liée à la hausse du taux de cotisation du CAS « pensions ».

L’épineuse question des frais d’inscription

Les élus ont en revanche retoqué un amendement de la co-rapporteure Vanina Paoli-Gagin, qui prévoyait de moduler les frais d’inscription à l’université en fonction du revenu des étudiants, ou de leurs parents, pour une plus-value estimée à 500 millions d’euros. La mesure s’inspire d’un rapport de l’Inspection générale des finances et reprend un mécanisme qui existe déjà pour certains établissements privés. « Vous comparez des choses qui ne sont pas comparables. En France, l’université est un service public et un service public vous ne le payez pas en fonction de votre fiche de paye. Quand vous allez à l’hôpital, vous n’y allez pas avec votre fiche de paye », s’est agacé le communiste Pierre Ouzoulias.

De nombreux élus, y compris dans les rangs de la majorité sénatoriale de droite et du centre, ont estimé qu’une telle réforme des frais d’inscription ne pouvait se faire au détour d’un amendement et méritait un débat à part entière. « On ne peut pas traiter ce sujet aussi stratégique et sensible en quelques minutes », a déclaré le sénateur centriste Pierre-Antoine Lévi, tout en pointant « le delta » qui existe pour une première année d’université « que l’on fait payer 178 euros alors qu’elle en coûte 12 280 ».

« Nous vivons une situation de pays en voie de sous-développement ! »

« La moitié des universités françaises sont aujourd’hui en déficit », a déploré la sénatrice LR Laurence Garnier. « La qualité des formations en pâtit puisqu’une récente étude de l’OCDE nous dit que 10 % des étudiants de l’enseignement supérieur en France n’ont pas le niveau d’écriture d’un élève du primaire. Ces chiffres dramatiques doivent nous interpeller. » De son côté, Pierre Ouzoulias a cité le cas de l’université de Nanterre : « 60 % de ses bâtiments sont amiantés et elle ne sait pas où elle va pouvoir trouver de l’argent pour faire face à ses obligations. Elle va sans doute devoir fermer l’année prochaine. Nous vivons une situation de pays en voie de sous-développement ! »

Des crédits pour la recherche en deçà de la trajectoire fixée par la loi

Le Sénat a voté dans la nuit de mardi à mercredi les crédits dévolus à la Recherche et à l’Enseignement supérieur dans le prochain budget. Des crédits en hausse d’un demi-milliard d’euros pour un total de 31,914 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 31,475 milliards d’euros en crédits de paiement. Pour autant, l’effort a été jugé largement insuffisant par un grand nombre d’élus, tous bords confondus, au regard des enjeux de souveraineté liés à la recherche et des difficultés financières rencontrées par les établissements supérieurs. « Le budget du gouvernement n’est pas un budget d’austérité », a pourtant plaidé le co-rapporteur LR Jean-François Rapin, évoquant une ligne de crête entre la maîtrise des dépenses et le maintien des ambitions françaises en matière de recherches et d’innovation.

Plusieurs parlementaires n’ont pas manqué de noter l’écart de 6 % entre les crédits proposés par le gouvernement et la trajectoire initialement prévue par la loi de programmation sur la recherche. À ce jour, la part de PIB investie par la France dans la recherche (2,2 %) reste très en deçà de l’Allemagne, de la Corée du Sud ou encore des Etats-Unis « La LPR est devenue la loi de programmation la moins respectée », a regretté le socialiste David Ros. « L’excellence ne se décrète pas, elle se finance », a voulu rappeler le sénateur LR Jacques Grosperrin.

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