Groupes de niveaux au collège : « La question se pose si on veut faire progresser tout le monde », assume Gabriel Attal

Devant la commission de la culture et de l’éducation, Gabriel Attal est revenu sur sa proposition de créer des groupes de niveaux dans les collèges pour l’enseignement du français et des mathématiques tout en précisant que la décision n’était pas encore actée.
Simon Barbarit

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Pour sa première audition au Parlement en tant que ministre de l’Education nationale, Gabriel Attal a pu bénéficier d’une relative « bienveillance » de la part des sénateurs. « Mais ne vous y habituez pas trop », a prévenu le sénateur LR, Max Brisson. La majorité sénatoriale de la droite et du centre n’avait, il est vrai, pas ménagé ses critiques à l’égard de Pap Ndiaye.

Devant les élus de la commission de la culture et de l’éducation, Gabriel Attal a d’abord rappelé sa feuille de route pour la rentrée. Trois priorités ont été fixées : « Elever le niveau général, réaffirmer les droits et devoirs à l’école, bâtir une école qui émancipe et rend heureux », a-t-il listé.

Pour atteindre ces objectifs, le ministre a rappelé ses dernières annonces. Des moyens jugés « historiques » dans le budget 2024 qui permettra d’achever le dédoublement des classes de grande section de maternelle et CP en REP et REP +, le renforcement de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture tout au long de l’école élémentaire, ou encore une meilleure rémunération des enseignants qui s’engagent dans les remplacements de courte durée via le Pacte enseignant. Pour les remplacements de courte durée un enseignant sera rémunéré 70 euros brut de l’heure contre 40 euros l’année dernière.

Gabriel Attal a considéré qu’il n’existait pas de crise de vocation du métier d’enseignant mais plutôt une « crise d’attractivité ». « Cela passe en grande partie par la rémunération. Là encore, nous tenons nos engagements. En cette rentrée, les professeurs sont rémunérés entre 125 et 250 euros de plus par mois qu’à la rentrée précédente », s’est-il félicité.

Lutte contre le harcèlement : « Nous devons profondément nous remettre en question pour changer de pratique »

Grande priorité de son début à la tête du ministère, le ministre a évidemment mis l’accent sur ses actions en matière de lutte contre le harcèlement scolaire. « Nous devons profondément nous remettre en question pour changer de pratique », a-t-il déclaré rappelant qu’un décret publié cet été contraignait les élèves harceleurs et non plus les élèves harcelés à quitter l’établissement. De même, le ministre a rappelé l’élargissement à la rentrée du programme pHARE (programme de lutte contre le harcèlement à l’école) « pour que « 100 % de nos écoles, collèges et lycées prennent pleinement leur part à une démarche de prévention de détection et de résolution de chaque situation individuelle ».

Presque un sans-faute jusque-là même si des élus de gauche comme la socialiste, Marie-Pierre Monier, ont rappelé que « la promesse de garantir la présence d’un enseignant devant chaque élève n’était pas tenue dans plus de 58 % des collèges et lycées ». Les sénateurs se sont aussi émus de la piste déjà évoquée par Gabriel Attal d’une nouvelle organisation au collège par groupes de niveaux pour les mathématiques et le français. « Ce sont des enseignants qui me le disent quand vous avez des niveaux différents dans une même classe, vous finissez par tirer tout le monde vers le bas […] J’assume de dire que sur le Français et les mathématiques, c’est une piste, ça se regarde. Ce n’est pas une annonce que je fais. La question se pose si l’on veut faire progresser tout le monde », […] Je ne suis pas en train de dire qu’on revient sur le collège unique. Je ne suis pas en train de dire que je suis pour une classe de niveaux », a-t-il dû préciser devant l’agitation de son auditoire.

Gabriel Attal a souligné que cette piste était déjà expérimentée en classe de sixième pour laquelle une heure de soutien ou d’approfondissement en français ou maths a été mise en place à la place d’une heure de technologie. La mission « exigence des savoirs » lancée cette semaine coordonnée par des experts et hauts fonctionnaires de l’Education nationale, et associant professeurs, recteurs et inspecteurs, rendra ses conclusions sur cette proposition dans huit semaines. « J’aurais l’occasion d’en rediscuter avec vous à ce moment-là ».

Abayas : « Dans la quasi-totalité des cas, nous sommes parvenus par la pédagogie et le dialogue à régler ces situations »

Le vice-président LR de la commission de la culture et de l’éducation, Jacques Grosperrin a démarré son propos par une félicitation sur la fermeté de Gabriel Attal dans l’application de la loi de 2004 sur l’interdiction des signes religieux dans les établissements scolaires. « Combien de fois nous avons demandé à votre prédécesseur l’interdiction de l’abaya […] Vous avez assumé », a salué le sénateur.

« Dans la quasi-totalité des cas, nous sommes parvenus par la pédagogie et le dialogue à régler ces situations. Ça montre que quand il y a de l’humain, on arrive à régler ces situations tendues », avait précisé le ministre quelques minutes plus tôt.

Mais Gabriel Attal ne va pas jusqu’à reprendre une proposition de loi chère la droite sénatoriale votée en 2019 qui élargit le principe de neutralité aux parents accompagnant les sorties scolaires. « Autant j’ai une détermination absolue pour l’application de la loi de 2014 dans l’école de la République […] autant sur ce sujet-là, j’assume la décision de ne pas revenir sur les règles en vigueur ».

Les sénateurs LR s’étaient également alarmés de l’élargissement de la composition et les missions du Conseil des sages de la laïcité décidé par Pap Ndiaye. « Evidement le Conseil des Sages sera rétabli dans toutes ses prérogatives. Mais je pense qu’il y a eu un certain nombre de malentendus. Je ne pense pas qu’il y ait eu une volonté de la part de mon prédécesseur d’empêcher le Conseil des sages de travailler », a insisté Gabriel Attal.

Antisémitisme : « Nous serons intraitables »

Dans ce contexte du conflit au proche orient, plusieurs sénateurs ont souhaité savoir quelles mesures le ministre comptait prendre pour assurer les élèves de confession juive dans l’école publique. Après une visite dans une école juive en banlieue parisienne ce matin, Gabriel Attal a indiqué que plusieurs situations problématiques étaient remontées ces derniers jours. « J’ai demandé que les faits de ce type remontent au ministère qui saisira automatiquement au procureur de la République et il y aura évidemment des sanctions disciplinaires à l’endroit des élèves. Des élèves qui intimideraient menaceraient, agresseraient des camardes de confession juive auraient de bonnes raisons d’avoir peur car nous serons intraitables », a-t-il prévenu.

« Je ne souhaite pas rouvrir la guerre des écoles »

Enfin, Gabriel Attal n’a pas échappé à une question du sénateur communiste, Pierre Ouzoulias auteur d’une proposition de loi sur la mixité scolaire. « Trouvez-vous légitime que l’Etat donne de l’argent à des établissements privés sous contrat qui ont fait le choix économique de prendre des élèves qui viennent des milieux les plus favorisés ? », a-t-il demandé.

« Je ne souhaite pas rouvrir la guerre des écoles. Je souhaite que les parents puissent toujours avoir le choix », a répondu Gabriel Attal citant des parents « de classes moyennes » « qui se demandent si leurs enfants vont toujours pouvoir s’élever dans l’école publique […] Pour moi, le premier levier de la mixité sociale c’est de répondre aux doutes et aux inquiétudes y compris en assumant d’investir des moyens supplémentaires vers les établissements les plus défavorisés. La réponse c’est de montrer qu’on investit massivement et qu’on innove aussi dans ces établissements », a-t-il ajouté.

Gabriel Attal reviendra prochainement devant la commission de la culture, cette fois-ci pour détailler les crédits de son ministère dans le budget 2024.

 

 

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