Depuis 2006, les effectifs d’enfants en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire ont triplé. Dans un rapport, la Cour des comptes salue une réussite « indéniable » des politiques d’inclusion sur le plan quantitatif, mais se dit « réservée » sur leur capacité à assurer « la réussite scolaire et l’insertion sociale et professionnelle » des élèves en situation de handicap.
Handicap : ces enfants privés de rentrée scolaire
Par Fabien Recker
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“Notre petite fille a 7 ans et demi et n’a jamais pu être scolarisée depuis qu’elle a quitté la crèche” raconte Stéphanie. La maman de la petite Noa, qui vit en région Rhône-Alpes, a dû quitter son emploi pour s’occuper à plein temps de son enfant. Polyhandicapée en raison d’une maladie génétique, la petite fille est éligible à une place dans un Institut médico-éducatif (IME). “Mais cela fait deux ans qu’elle est sur liste d’attente” témoigne Stéphanie. “Et ça peut durer encore cinq ans”.
Le cas de Noa est très loin d’être isolé. Selon l’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei), des “milliers” d’enfants en situation de handicap vont se retrouver sans solution de scolarisation adaptée à la rentrée.
« Une question de droit et d’équité »
“La loi dit que tous les élèves en situation de handicap doivent être scolarisés. Mais aujourd’hui tous les élèves ne trouvent pas leur réponse et ne peuvent pas aller à l’école” constate Sonia Ahehehinnou, vice-présidente de l’Unapei. Parmi les principales causes du problème, le nombre insuffisant d’AESH (Accompagnant des élèves en situation de handicap), ou encore le manque de places dans les établissements spécialisés.
Avec d’importantes disparités selon les territoires. En Ille-et-Vilaine, selon le décompte de l’Unapei, à peine 17% des jeunes accompagnés par l’antenne locale de l’association auraient accès à plus de six heures de scolarité hebdomadaire. Dans la Sarthe, plus de la moitié des enfants accompagnés n’auraient accès à la classe qu’entre zéro et six heures par semaine. “Ces situations impactent fortement l’élève et sa famille” alerte Sonia Ahehehinnou, rappelant qu’il s’agit d’une “question de droit et d’équité”.
Des moyens toujours insuffisants
Chaque année, le gouvernement vante pourtant ses efforts en matière d’école inclusive. Selon les derniers chiffres communiqués par Nicole Belloubet, ministre démissionnaire de l’Education nationale, 490 000 enfants en situation de handicap iront à l’école en cette rentrée. Et le ministère affirme que 3000 AESH supplémentaires ont été recrutés cette année.
“Des moyens considérables ont été mis ces dernières années” reconnaît Cédric Vial, sénateur (rattaché LR) de la Savoie. “Mais ce n’est toujours pas suffisant”. Le rapporteur d’une récente mission d’information sénatoriale sur le sujet pointe un problème d’organisation de l’école inclusive. “Le recours à l’AESH est devenu la seule alternative au problème du handicap. Or, il existe d’autres solutions : en matière d’adaptation pédagogique, d’accessibilité des apprentissages, où l’aide humaine vient en complément”.
Accompagner le temps périscolaire
Parmi les innovations de la rentrée, l’Education nationale instaure à titre expérimental des “Pôles d’appui à la scolarité” (PAS) dans quatre départements. Destinés à mieux gérer les situations individuelles sur le terrain, ces pôles ne constituent pas une véritable avancée pour Cédric Vial. “Je suis très réservé sur cette solution, on crée une nouvelle structure alors que c’est toute la chaîne qu’il faut revoir”. Le sénateur rappelle que des “Pôles inclusifs d’accompagnement localisés” (PIAL) au rôle similaire existent depuis 2019. Mais ces derniers “ont vite été débordés et ont dû gérer la pénurie”.
Une petite victoire tout de même pour le parlementaire en cette rentrée : la prise en charge par l’Etat du salaire des AESH pour l’accompagnement des enfants pendant la pause de midi, comme le prévoit sa proposition de loi adoptée en avril dernier. Une mesure saluée par Sonia Ahehehinnou. “Même si normalement on ne devrait même pas se poser la question !” souligne la vice-présidente de l’Unapei. “Un élève en situation de handicap a besoin d’un accompagnement sur l’ensemble du temps scolaire et périscolaire. Le besoin ne s’interrompt pas entre midi et deux”.