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Harcèlement scolaire : Gabriel Attal veut changer d’établissement les élèves harceleurs

Alors qu’Élisabeth Borne avait promis de faire de la lutte contre le harcèlement scolaire sa priorité de la rentrée 2023, le nouveau ministre de l’éducation nationale a annoncé la publication prochaine de deux décrets. En plus d’un plan contre le harcèlement scolaire promis pour la rentrée, le ministre explique que la réponse doit être « implacable ».
Henri Clavier

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Vingt adolescents se sont suicidés depuis trois ans suite à du harcèlement scolaire, dont la jeune Lindsay, en mai dernier. Malgré l’émoi suscité, la réponse politique se faisait attendre. Le premier décret promis par Gabriel Attal doit « permettre le changement d’école d’un élève responsable de harcèlement plutôt que d’imposer ce changement à celui qui en est victime ». Le deuxième prévoit la possibilité de prendre des sanctions contre un élève d’un établissement scolaire différent de celui de l’élève victime. Cette mesure permet de sanctionner les auteurs de cyberharcèlement et étend le champ du harcèlement scolaire aux élèves d’autres établissements scolaires. Si ces mesures sont accueillies positivement au Sénat et reprennent en partie les recommandations du rapport de la mission d’information sur le harcèlement scolaire de 2021, un doute subsiste quant à leur effet concret.

Eviter la double peine

« Le décret va dans le bon sens dans la mesure où il évite la double peine pour les victimes. Une proposition de loi de Marie Mercier avait été votée en ce sens au Sénat, en février, donc nous sommes favorables à ces réflexions. Malheureusement la proposition de loi n’a jamais été inscrite à l’Assemblée nationale donc il est positif de reprendre cette solution par décret », explique Colette Mélot, sénatrice Les Indépendants de Seine-et-Marne et rapporteure de la mission d’information sur le harcèlement scolaire. Le décret reprend donc une idée fondamentale développée dans le rapport sénatorial de 2021 : le refus de la double peine pour l’élève victime en privilégiant une mesure d’éloignement à l’encontre de l’élève responsable du harcèlement.

Pour Sabine Van Heghe, présidente de la mission d’information et sénatrice socialiste du Pas-de-Calais, les mesures de chacun des décrets vont « dans le bon sens ». Pourtant, cette dernière note que « ça fait quand même trois ans que nous alertons sur le sujet et malgré cela il faut toujours attendre des drames pour obtenir des avancées concrètes ». La sénatrice socialiste semble également percevoir une certaine frilosité dans la formulation des décrets et regrette « l’usage de la formule « permettre le changement d’école d’un élève responsable de harcèlement ». Cette formulation n’est pas assez ferme. Dans ces situations, il est absolument nécessaire de rendre cette mesure systématique. Donc en l’état c’est insuffisant. Ensuite, sur le deuxième décret, inscrire « possibilité de sanctions » est regrettable ».

 « L’application du programme pHARe laisse à désirer »

« On a commencé à s’emparer de la politique de lutte contre le harcèlement scolaire en 2010 », rappelle Colette Mélot. Pourtant, le dernier rapport de la médiatrice de l’éducation nationale faisait état d’une augmentation de 69 % des cas de harcèlement scolaire alors que « nous avons actuellement beaucoup plus d’outils qu’on ne le croit mais il y a une véritable méconnaissance ». En effet, le programme pHARe, initié en 2019, généralisé à tous les collèges et aux lycées à partir de 2023, doit permettre de renforcer la prévention grâce à des dispositifs permettant de mesurer le climat scolaire, renforcer la formation de tous les acteurs de la communauté éducative ou informer régulièrement les élèves sur le harcèlement. « Les programmes de formation restent méconnus, notamment les numéros d’urgence 30 20 et 30 18. La prévention est essentielle et il faut faciliter la mise en place de temps de prévention, informer au début de l’année, donner les informations sur un flyer. Prévenir, détecter, traiter, c’est la solution », estime Colette Mélot. Si Sabine Van Heghe se réjouit de la généralisation du programme pHARe, cette dernière rappelle que « sur le terrain la mise en œuvre est parfois très mitigée. L’application laisse à désirer, soit par manque de temps soit par ignorance. La difficulté c’est que l’Etat ne donne pas les moyens nécessaires à l’application du programme et que le personnel éducatif est déjà victime de conditions de travail difficiles ». Et d’ajouter, « il est indispensable de créer des espaces d’écoute, faire des temps dédiés au début du trimestre. Il faut accompagner la libération de la parole ».

 « Je vais solliciter le ministre pour un rendez-vous et lui demander d’en faire une vraie priorité »

Par conséquent, le véritable enjeu ne réside pas vraiment dans la publication des décrets mais dans l’application concrète de ces mesures. Lucide, Colette Mélot prévient qu’elle compte « solliciter le ministre pour un rendez-vous et lui demander d’en faire une vraie priorité. Le problème ne peut se régler qu’avec une prise de conscience du gouvernement et la communauté éducative, j’ai l’impression que c’est en train de se faire ». L’optimisme est moindre chez l’ancienne présidente de la mission d’information, passablement agacée par un « gouvernement qui est spécialisé dans les annonces, qui préfère la communication aux résultats ». Sabine Van Heghe craint en effet que le sujet du harcèlement scolaire ne soit porté que lorsqu’un drame survient. A ce titre, la sénatrice socialiste redoute un « énième effet d’annonce ». « On sait bien qu’après les comptes publics, le nouveau ministre de l’éducation nationale doit faire parler de lui, on jugera en fonction de ses résultats », tranche Sabine Van Heghe.

 

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