Si Gabriel Attal a pour le moment renoncé à ses trois jours d’immersion dans un lycée en raison d’un agenda chargé, il a bien maintenu sa visite au Danemark, ce vendredi, pour observer « les cours d’empathie » donnés, dès le plus jeune âge, aux élèves. Au début du mois, le suicide du jeune Nicolas, a remis une nouvelle fois, le sujet du harcèlement scolaire, à la une de l’actualité. A Copenhague, le ministre de l’Education national veut s’inspirer d’une méthode de prévention du harcèlement qui a fait ses preuves.
« Au Danemark des cours d’empathie sont obligatoires de 6 à 16 ans, une heure par semaine, depuis une loi de 1993, la France reste quant à elle marquée par un retard significatif dans le développement d’une culture de l’empathie », relevait en 2021, une mission d’information sénatoriale sur le harcèlement scolaire.
« A part pour faire le buzz, je ne vois pas à quoi va servir le déplacement du ministre au Danemark »
« Nous en avons effectivement parlé lors de nos auditions. A part pour faire le buzz, je ne vois pas à quoi va servir le déplacement du ministre au Danemark. Il n’a qu’à lire notre rapport, en particulier la proposition 24 », s’agace la sénatrice socialiste, Sabine Van Heghe, rapporteure de la mission.
La proposition 24 préconisait effectivement d’intégrer au tronc commun de l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation « des formations à l’empathie et à la bienveillance ainsi qu’au repérage des situations de harcèlement ». « Ce n’est pas en faisant des déplacements inutiles qu’on va combattre ce fléau, mais par des moyens. On manque de psychologues, de professeurs, certains sont formés en trois jours… Comment mettre en œuvre de bonnes pratiques sans ces investissements ? », souligne la sénatrice.
« L’empathie ne s’enseigne pas de façon théorique, par contre elle peut s’apprendre »
La visite de Gabriel Attal au Danemark interpelle aussi le psychiatre, Serge Tisseron. « Je n’avais jamais entendu parler de cours d’empathie. Et pour cause, l’empathie ne s’enseigne pas de façon théorique, par contre elle peut s’apprendre par des mises en situations. C’est ce que met en place l’Education nationale ». Pour prévenir les situations de harcèlement, Serge Tisseron a inventé, il y a une quinzaine d’années, le jeu des trois figures, un jeu théâtral centré sur les 3 figures : l’agresseur, la victime et le tiers, qui peut être simple témoin, redresseur de torts ou sauveteur. « Idéalement, c’est un jeu que les enfants doivent pratiquer une fois par semaine. Il va leur permettre d’éprouver des émotions de se mettre à la place de l’autre, de développer une force psychique qui s’oppose à la violence et cette force, c’est l’empathie », explique Serge Tisseron. Cette méthode est déjà intégrée au programme pHARe (un plan de prévention du harcèlement et du cyberharcèlement, ndlr) à l’académie de Paris. « Nous avons déjà 106 personnels du premier degré qui ont été formés à la méthode du jeu des trois figures. Il s’agit d’une formation certifiante. Le but à terme est de former tous les établissements de l’académie. Une convention a été passée pour cette année avec le second degré », précise-t-on du côté de l’académie de Paris.
La méthode danoise déjà expérimentée en France
La méthode danoise, « Fri for Mobberi » est aussi développée en France depuis l’année dernière. Elle est pratiquée dans 18 établissements de deux citées éducatives, dans le 18e arrondissement de Paris et à Saint-Ouen. Son déploiement est coordonné par la Ligue de l’enseignement de Paris. « C’est un travail sur le développement des compétences psychosociales, basé sur des jeux et des planches de discussions, avec un cadre de respect et d’entraide. Cette méthode concerne trois niveaux d’âge, les 0-3 ans, les 3-6 ans et les 6-9 ans. C’est un travail quotidien qui peut aussi s’effectuer sur le temps périscolaire. Le but est de travailler avec tous les acteurs de la communauté éducative, y compris les parents sur un temps long. Nous devons aussi adapter certaines activités. Par exemple, au Danemark, le rapport au corps est différent. Les activités basées sur le massage sont plus sensibles en France. Donc, on va plutôt aller vers de l’automassage », explique David Brée, responsable éducation à la ligue de l’enseignement et chef opérationnel de la cité éducative de Paris 18e.
A noter que le jeu des 3 figures et la méthode danoise, « Fri for Mobberi », s’inscrivent dans le cadre de la prévention du harcèlement. Pour les cas de harcèlement avérés, peut s’appliquer alors la méthode dite de la préoccupation partagée, inventée en Suède dans les années 70, par le professeur de psychologie Anatol Pika. Il s’agit d’une série d’entretiens individuels avec les élèves harceleurs, non pas dans le but de leur faire reconnaître leur participation ou leurs responsabilités dans les brimades, mais de parvenir à leur faire partager une « préoccupation » pour la personne ciblée. Le but consiste à les amener à formuler eux-mêmes des suggestions avant que la situation ne s’enkyste et pour que l’intimidation cesse complètement.