Moins de deux mois après l’annonce d’Emmanuel Macron, la convention citoyenne sur les temps de l’enfant s’est ouverte ce vendredi. Une annonce qui avait alors été parasitée par les déclarations de son premier ministre, François Bayrou, qui demandait un référendum sur les finances publiques. « Il me paraît nécessaire de faire en sorte que l’organisation des journées de nos élèves soit plus favorable à leur développement et aux apprentissages, qu’un équilibre soit trouvé aussi pour faciliter la vie des familles », avait dit le chef de l’Etat au Parisien, le 3 mai dernier.
Un panel de 130 Français tirés au sort va maintenant devoir répondre à la question « comment mieux structurer les différents temps de la vie quotidienne des enfants afin qu’ils soient plus favorables à leurs apprentissages, à leur développement et à leur santé ? » Au menu des sept sessions de réflexion, qui se tiendront au Conseil économique, social et environnemental (CESE) : rythmes scolaires, nombre de semaines de vacances, mais aussi accès à la culture. Emmanuel Macron a déjà fait part de ses critiques sur la longueur des grandes vacances. « Il y a beaucoup de pays qui ne partent en vacances qu’à partir du 14 juillet. On a des vacances qui sont très, très longues l’été », avait estimé en février le Président.
« Ce pays fonctionne particulièrement mal pour que le Président arrive à s’intéresser aux vacances scolaires »
Après les conventions citoyennes sur le climat et celle sur la fin de vie, cette nouvelle convention, dont les travaux se termineront en novembre, va-t-elle déboucher sur quelque chose ? Avant les questions de fond, son principe même interroge certains parlementaires, à l’image du sénateur LR Max Brisson, membre de la commission de la culture et de l’éducation. « Qu’est-ce que le président de la République vient faire sur ces sujets ? » demande le sénateur des Pyrénées-Atlantiques. « Franchement, ce pays fonctionne particulièrement mal pour que le Président arrive à s’intéresser aux vacances scolaires », lance le sénateur, qui y voit une « pratique présidentielle de contournement des corps intermédiaires. Le Président fait de la mousse ».
« Ça m’agace au plus haut point », pointe aussi la sénatrice Horizons (ex-LR), Laure Darcos, « ça m’énerve, car j’ai l’impression que les parlementaires sont floués de leur pouvoir démocratique et de leur responsabilité démocratique de pouvoir être les porte-parole de nos citoyens ». Avec en plus des membres de la convention qui risquent d’être « frustrés », s’ils font des propositions « pas applicables » ou « déjà appliquées ».
« L’outil de la convention citoyenne, qui permet de créer du consensus sur un sujet, est un outil important »
A l’inverse, la socialiste Colombe Brossel défend le principe. « L’outil de la convention citoyenne, qui permet de créer du consensus sur un sujet, est un outil important », soutient la sénatrice PS de Paris. Mais elle dénonce ici un périmètre qu’elle juge trop restreint.
« L’ensemble des sujets qui sont posés à l’école sont tellement importants, que l’école elle-même, pas seulement les temps de l’enfant, aurait mérité une convention citoyenne. C’est une revendication portée notamment par la FCPE, pour parler organisation de l’école, mixité, réussite des élèves aussi et parler des temps, mais sans saucissonner chacun des sujets. De ce point de vue, c’est une occasion manquée. On a besoin de parler des temps de l’enfant, c’est un sujet important. Mais en parler sans parler des conditions de réussite de tous les élèves, c’est passer à côté », pense la sénatrice socialiste. Elle ajoute : « J’ai un vrai regret sur le périmètre choisi. De mon point de vue, ça ne correspond pas à l’ampleur des sujets posés ».
« Si les difficultés de comportement des enfants, ça se réglait par les rythmes scolaires, ça se saurait »
Sur le fond, le sujet essentiel n’est pas là, selon Max Brisson. « La France a historiquement fait le choix de journées longues, plus longues qu’en Europe. L’école se portait bien avec ce choix-là. Il n’y a pas de corrélation entre la crise de l’école et ce choix historique », soutient le sénateur LR. « On peut améliorer les temps scolaires, mais le système anglo-saxon n’est pas notre culture », avance Max Brisson, qui ajoute qu’« imaginer que c’est ça qui va améliorer les performances de notre école, c’est tromper les gens ». « Si les difficultés de comportement des enfants, ça se réglait par les rythmes scolaires, ça se saurait. On amuse la galerie », lance encore le sénateur LR.
Après, « réduire les vacances, repasser à la semaine de quatre jours et demi, ça ne me gêne pas, mais est-ce la priorité de l’école ? » demande Max Brisson, selon qui « il faut plutôt s’interroger sur les modes d’apprentissage en cours aujourd’hui, la question des méthodes pédagogiques, le temps consacré aux savoirs fondamentaux, la multitude d’enseignements supplémentaires qu’on a introduit. C’est le contenu du temps en classe qui m’intéresse, beaucoup plus que sa répartition ».
Changez les grandes vacances et « vous aurez tout le milieu touristique contre vous »
Si Laure Darcors met elle en garde sur les effets d’un changement des rythmes scolaires, « au moment où on a une vraie crise de vocation des professeurs », elle n’y voit pas que du négatif. « Je ne comprends pas pourquoi les pays anglo-saxons ou l’Allemagne y arrivent, et nous pas, à garder l’apprentissage des fondamentaux le matin et à réserver l’après-midi aux pratiques culturelles ou sportives. Les enfants seraient beaucoup plus équilibrés », pense l’élue de l’Essonne.
Quant au sujet des grandes vacances trop longues, « c’est un serpent de mer ». Et là encore, un sujet difficile. « Mon mari (Xavier Darcos, ndlr), quand il était ministre de l’Education nationale, avait déjà demandé la reconquête du mois de juin. Car dans les collèges et lycées, qui organisent des examens, les autres sont quasiment en vacances le 10 juin. Il avait demandé aux communes d’utiliser d’autres lieux publics pour organiser les examens. Cela a duré une saison », se rappelle-t-elle. Et en cas de grandes vacances plus courtes, « vous aurez tout le milieu touristique contre vous », prévient Laure Darcos.
« La scolarisation à quatre jours et demi, pour les enfants des classes populaires, est un facteur de réussite en plus »
Avec l’enjeu de la mixité scolaire en tête, Colombe Brossel, défend la semaine de 4 jours et demi. « Je suis élue d’une ville, Paris, qui a maintenu la scolarisation à quatre jours et demi, considérant que pour les enfants des classes populaires, c’est un facteur de réussite en plus. Et ça permet d’avoir plus de 80 % de gamins de Paris qui peuvent avoir accès à des activités gratuites, un vrai projet d’éducation populaire », soutient la sénatrice PS.
Quant à l’organisation de la journée, elle souligne que « des médecins disent qu’il faudrait décaler à 9 heures du matin le début de la classe, car les jeunes ont besoin de dormir. Je ne suis pas sûre qu’on ait besoin d’une convention citoyenne pour le dire ». La sénatrice PS pourra développer son point de vue, début juillet, au CESE, quand elle ira, en tant que parlementaire, apporter la vision des sénateurs socialistes.