Saint Germain sur Ille : Deplacement Elisabeth Borne rentree scolaire

Pénuries de profs, pacte enseignant, fondamentaux : les défis de la rentrée scolaire 2023 

Remplacement des professeurs, Pacte enseignant, place des savoirs... Il n’y a pas que l’abaya en cette rentrée scolaire. Les promesses du nouveau ministre de l’Education nationale laissent pour l’instant les sénateurs dubitatifs.
Tâm Tran Huy

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Si la rentrée scolaire est dominée médiatiquement par l’annonce de l’interdiction de l’abaya, bien d’autres sujets sont autant de défis pour Gabriel Attal. Le nouveau ministre de l’Education nationale a multiplié les annonces depuis son arrivée rue de Grenelle, emboîtant le pas au Président de la République, qui se rend mardi dans un collège du Béarn, et qui a promis vendredi, lors d’un déplacement dans le Vaucluse, qu’il y aurait, en cette rentrée, « un professeur devant chaque classe ». Remplacement des professeurs, Pacte enseignant, place des savoirs fondamentaux… Les sénateurs sont loin d’être convaincus. 

Un enseignant devant chaque élève : « un marronnier de la rentrée » 

Ce lundi, le ministre de l’Education nationale et la Première ministre Elisabeth Borne ont répété la promesse présidentielle de faire le plein d’enseignants. La crise de recrutement est pourtant flagrante : au début du mois de juillet dernier, 3100 postes n’étaient pas encore affectés. Face aux journalistes, en déplacement en Ille-et-Vilaine, la cheffe du gouvernement a réaffirmé qu’il y aurait « un professeur devant chaque classe » et a souligné qu’il y avait eu plus de « candidats aux concours », liant ces nouvelles vocations à la « revalorisation des enseignants ». La sénatrice communiste Céline Brulin a du mal à y croire. « Vendredi à la pré-rentrée des enseignants, il manquait des effectifs chez les enseignants, chez les infirmières, dans les personnels administratifs et les personnels de vie scolaire », relate la sénatrice de la Seine-Maritime. L’élue ne voit pas non plus l’avenir de façon très optimiste : « Certains contractuels doivent être recrutés avec une formation extrêmement légère… et puis, il faut voir dans la durée. Certains contractuels vont abandonner, il y a des arrêts maladies, des formations. » 

Pour le sénateur LR Max Brisson, spécialiste des sujets d’éducation, « la dimension absolue de la promesse présidentielle fera qu’elle ne sera pas respectée. C’est un slogan politique simple, mais la réalité les rattrapera. » La réalité pour l’élu : n’importe quelle « vague de grippe » qui emportera avec elle la promesse d’enseignants pour tous. Même son de cloche pour Jacques Grosperrin qui voit un « marronnier de la rentrée » dans ces affirmations de l’exécutif. « On sait qu’il n’y aura pas de professeur tout le temps devant chaque élève. L’attractivité du métier n’est pas là », résume l’ancien professeur agrégé. « Je trouve cette injonction agaçante, car cela ne va pas améliorer l’attractivité du métier », abonde la socialiste Sylvie Robert qui s’interroge aussi sur « la formation des enseignants contractuels qui doivent permettre de pallier les emplois non pourvus. » 

Le Pacte enseignant : la solution miracle ?  

Pour augmenter le nombre d’enseignants remplacés, l’exécutif mise notamment sur le Pacte enseignant qui doit permettre à ces derniers d’effectuer des missions supplémentaires contre rémunération et notamment, des remplacements de courte durée. Objectif : que 30% des professeurs s’engagent en cette rentrée. « On est loin de cet objectif. Ce pacte n’est pas plébiscité par les enseignants car ils vont être payés en primes, ce qui ne représente pas une revalorisation structurelle conséquente. Nos professeurs ont déjà beaucoup de travail et il faut reconnaître qu’ils le font bien », juge Sylvie Robert. Bien, mais peut mieux faire, selon Max Brisson : « Que les professeurs assurant des remplacements soient rémunérés, va faciliter les choses. Les injonctions du Président de la République font que le système est en train de réagir. Mais ce n’est pas le fond du problème. »  

Le fond du problème, pour son collègue Jacques Grosperrin, « c’est la reconnaissance de ces enseignants, il faut les honorer, les reconnaître et les protéger ». Et de déplorer que le plus beau métier du monde soit devenu « difficile, où ça change tout le temps, où on ne laisse pas les enseignants enseigner, un métier devenu dangereux et de plus en plus soumis aux parents d’élèves. » Le sénateur LR voit surtout dans le Pacte enseignant une forme de pis-aller qui permet de remplacer les enseignants en évitant « la création de postes dans la mesure où la démographie scolaire va baisser ». Il juge la solution « discriminatoire » puisque les enseignants du primaire ne pourront pas remplacer leurs collègues facilement, contrairement à ceux du secondaire. 

 

Retour aux fondamentaux : retour aux solutions de la droite ? 

 

Lors de rentrée politique, Gabriel Attal a annoncé un « choc des savoirs » , insistant sur les savoirs fondamentaux : deux heures par jour seront consacrées à la lecture en CP, l’accent sera mis sur l’écriture en CM1 et CM2, le soutien en maths sera renforcé en 6e. « L’objectif est bon et les mesures préconisées sont bonnes », reconnaît Max Brisson, pour qui il faut aller toutefois plus loin. Dans son viseur par exemple, la méthode globale de lecture : « Il y a des méthodes pédagogiques qui ont fait beaucoup de mal », souligne l’ancien inspecteur général de l’Education nationale, qui insiste aussi sur l’importance de redonner leur autorité aux enseignants face aux parents d’élèves. « La place du Conseil de classe doit être souveraine et pas seulement donner un avis », estime-t-il. 

 

La sénatrice Sylvie Robert craint, quant à elle, que l’accent mis sur les savoirs fondamentaux se fasse au détriment d’autres matières : « Les savoirs fondamentaux c’est très bien, mais l’expérience de terrain dans les établissements de mon département, l’Ille-et-Vilaine, montre que l’éducation culturelle et artistique est aussi importante pour donner confiance à l’élève et qu’il se sente bien à l’école. »  

 

L’école, « réceptacle de nombreuses turpitudes politiciennes » 

 

Jacques Grosperrin croit surtout en une solution déjà expérimentée par l’exécutif : le dédoublement des classes. C’est dans cette direction-là qu’il faudrait, selon lui, poursuivre alors que les ministres se succèdent et proposent chacun leur plan. « Le problème, c’est qu’il faut du temps pour apprécier les résultats d’une réforme. Le temps politique n’est pas celui de l’école » souligne l’élu. 

 

Même constat pour la communiste Céline Brulin, qui fustige ces « annonces tous les deux mois qui viennent contredire l’annonce précédente et « l’Education nationale qui est le réceptacle de nombreuses turpitudes politiciennes. Le discours du ministre et de ses prédécesseurs est contredit par les actions mises en place : « Ils ont été capables de tenir ce discours et de supprimer les mathématiques en même temps pour de nombreux lycéens. Et en cette rentrée, ils sont capables de retirer ces savoirs fondamentaux dans les lycées professionnels puisque l’augmentation des temps de stages va réduire le nombre d’heures de français, de mathématiques et d’histoire géo. C’est de la com, des slogans, la réalité est toute autre. » 

 

Les épreuves de spécialité du Bac repoussées du mois de mars au mois de juin, illustrent ce manque de continuité dans les politiques éducatives selon son collègue LR du Doubs. « Il y a plein de rétropédalages », résume Jacques Grosperrin. « Il était évident de remettre des maths et de mettre les épreuves de spécialité au mois de juin. C’est la reconquête du 3e trimestre. Ce sont de bonnes mesures mais on est dans le rétropédalage et pas dans l’anticipation. » 

 

 

Faire de la France une grande nation sportive : « Ce n’est pas à un an des JO qu’on s’intéresse à cela » 

Mardi, Emmanuel Macron doit à nouveau consacrer un déplacement à l’éducation. Lui qui a déclaré, dans un entretien au Point, que l’éducation était du « domaine réservé » du Président de la République, sera dans le Béarn et mettra le cap sur l’activité sportive des jeunes. « Construire une nation sportive » passe, pour le gouvernement, par plus d’éducation physique au collège : 2h supplémentaires par semaine pour les élèves, sur la base du volontariat des enseignants. Une expérimentation est déjà menée dans 170 établissements qui doivent passer à 700 en cette rentrée scolaire. Pour Jacques Grosperrin, professeur agrégé d’éducation physique, ce discours est à directement relier aux JO de Paris 2024 : « Ça me fait penser à De Gaulle en 1960 parce qu’on n’avait remporté aucune médaille de Rome. Ce n’est pas à un an des JO qu’on s’intéresse à cela. Cela fait 7 ans qu’il est élu… ». Le manque de résultats sportifs dans certaines disciplines, dernièrement l’athlétisme, est surtout à lier à certaines fédérations sportives et non au manque de pratique sportive à l’école. Le sénateur souligne par ailleurs la différence entre sport et éducation physique. « Pour les professeurs d’éducation physique, le sport est surtout un moyen de faire passer des objectifs pédagogiques et pas une fin en soi. » Bref, le gouvernement se trompe de cible s’il espère bâtir une nation sportive en intervenant sur la pratique scolaire. 

Qui est le ministre de l’Education nationale ?  

En cette rentrée, les sénateurs de l’opposition se demandent aussi qui est le vrai ministre de l’Education nationale. Est-ce Gabriel Attal, fraîchement nommé, qui multiplie les prises de paroles, les déplacements, les annonces ? Est-ce le président de la République, qui s’est rendu vendredi dernier dans le Vaucluse et qui demain, sera dans un collège du Béarn ? Est-ce Elisabeth Borne, qui, ce matin, aux côtés de Gabriel Attal, s’est à nouveau exprimée sur l’organisation de la rentrée et sur les abayas ? Max Brisson s’interroge sur cette offensive médiatique menée à trois voix. Jacques Grosperrin a lui côtoyé le ministre de près alors qu’il était encore jeune député et se rappelle : « Dans le cadre de la loi Orientation et réussite, Gabriel Attal et moi étions rapporteurs de Parcoursup. Il connaît donc ces dossiers… Mais pourra-t-il être ministre de l’Education nationale ? » Alors que son prédécesseur Pap Ndiaye a eu bien du mal à marquer les esprits, le nouveau locataire de la rue de Grenelle n’a pas du tout le même problème. Mais le ministre aura-t-il les coudées franches ou sera-t-il sous tutelle ? Telle est la question. 

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