Dans les salles de classe, l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS) fait désormais son entrée aux côtés des matières traditionnelles. Ce lundi 1er septembre, elle s’installe désormais officiellement dans les programmes et devient une discipline obligatoire. Il s’agit de la mise en œuvre tardive d’une loi adoptée il y a plus de vingt ans. Pour la première fois, tous les établissements du territoire, publics comme privés, devront assurer cet enseignement de la maternelle au lycée. Publié au Bulletin officiel de l’Éducation nationale en février 2025, ce nouveau cadre met fin à plus de vingt ans d’une loi restée largement inappliquée. S’il est présenté comme un outil de prévention contre les violences sexistes et sexuelles et de protection des enfants, il continue toutefois de susciter des critiques politiques et idéologiques.
Une loi de 2001 enfin appliquée
Depuis 2001, la loi prévoyait trois séances annuelles d’éducation à la sexualité. Mais selon le Conseil économique, social et environnemental (Cese), moins de 15 % des élèves en bénéficiaient, faute de formation des enseignants et de directives nationales claires. Avant sa publication le 6 février 2025 au Bulletin officiel, le programme a suscité de fortes pressions de la part de milieux conservateurs, qui ont cherché à infléchir le ministère. Associations de parents d’élèves, élus de la droite catholique et de l’extrême droite, ainsi que certains médias, ont dénoncé des formulations jugées « militantes » sur les questions de genre. Le ministère a dû trouver un équilibre entre ces critiques et les attentes des enseignants, qui réclamaient des outils pédagogiques adaptés.
Héritier d’une promesse faite en 2023 par Pap Ndiaye, alors ministre de l’Éducation, le Conseil supérieur des programmes a été chargé d’élaborer un projet éducatif en juin 2023, un travail retardé par la succession de ministres à l’Éducation nationale. Le programme fixe désormais des attendus clairs : « Apprentissage du respect de l’intimité corporelle », « éducation au consentement », « égalité entre filles et garçons », « lutte contre les discriminations liées au genre et à l’orientation sexuelle », « protection des mineurs contre la pornographie », et contribution au « repérage de l’inceste ». Conscient des inquiétudes que ce nouveau programme peut susciter, le ministère de l’Éducation a tenu à rassurer. La ministre Élisabeth Borne a annoncé que des réunions de rentrée seraient organisées dans chaque établissement afin de présenter les contenus aux parents, de répondre à leurs interrogations et, selon ses mots, de « lever toutes les fausses nouvelles qui circulent » autour de l’EVARS.
Un contenu progressif et adapté à l’âge
Le programme a été conçu de manière progressive et respectueuse de la maturité des élèves. En maternelle, les activités portent sur la découverte du corps, l’expression des émotions, la reconnaissance de l’intimité et les premières bases de l’égalité entre filles et garçons. Les enfants de trois à cinq ans apprennent ainsi à dire oui ou non, à exprimer ce qui les met mal à l’aise et à respecter le consentement de leurs camarades. En primaire, les enseignements s’élargissent aux changements liés à la croissance, à la protection de l’intimité et à l’identification des discriminations sexistes. Au collège, de nouvelles thématiques apparaissent, telles que la puberté, l’identité de genre, la santé sexuelle, la prévention des violences, mais aussi une initiation critique face aux contenus pornographiques, abordés dès la 6ᵉ. La sexualité proprement dite est traitée à partir de la 4ᵉ. Au lycée, l’accent est mis sur la responsabilité individuelle, la liberté d’exprimer et de refuser son consentement, la prévention des infections sexuellement transmissibles (IST), la protection de l’intimité dans l’usage des réseaux sociaux et la lutte contre les discriminations LGBTphobes.
Trois séances de deux heures sont prévues chaque année. Elles peuvent être animées par les enseignants, mais aussi par des associations agréées, notamment le Planning familial, déjà impliqué dans plus de 3 600 établissements. Pour faciliter les échanges, des règles de confidentialité sont posées, comme la possibilité de poser des questions de manière anonyme. Un accompagnement spécifique est prévu pour les élèves victimes de violences.
Un programme sous le feu des critiques
Pour la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Civiise), l’EVARS répond à une urgence. L’instance rappelle qu’en France, toutes les trois minutes, un enfant est victime d’agression sexuelle, soit 160 000 mineurs chaque année. Dans un communiqué publié en novembre 2024, elle a salué le programme, le jugeant nécessaire pour protéger les enfants et libérer la parole.
Mais la contestation demeure. Des associations conservatrices et des élus de droite et d’extrême droite dénoncent une intrusion dans le rôle éducatif des familles. Leur recours devant le Conseil d’État a été rejeté en juin, ouvrant la voie à l’application dès cette rentrée. En décembre 2024, une centaine de sénateurs Les Républicains a signé une tribune dans Le Figaro qualifiant le programme « d’inacceptable en l’état ». Le débat traverse même la majorité. En janvier, lors des questions au gouvernement au Sénat, Alexandre Portier, ministre délégué à la Réussite scolaire, a dû réaffirmer que « la théorie du genre ne trouvera pas sa place dans nos écoles », répondant à une interpellation du sénateur LR Max Brisson.
Une mise au point qui illustre les tensions politiques et idéologiques qu’entraîne ce nouveau programme.