Lutte contre le harcelement a la Cite Mixte du Parc Imperial a Nice
Cours d'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle/Credit:SYSPEO/SIPA/2411121918

Rentrée scolaire : l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle entre en application

Ce lundi 1er septembre 2025, près de 12 millions d’élèves, de la maternelle au lycée, ont repris le chemin de l’école avec une nouveauté, l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS) devient une matière à part entière.
Emma Bador-Fritche

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Dans les salles de classe, l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS) fait désormais son entrée aux côtés des matières traditionnelles. Ce lundi 1er septembre, elle s’installe désormais officiellement dans les programmes et devient une discipline obligatoire. Il s’agit de la mise en œuvre tardive d’une loi adoptée il y a plus de vingt ans. Pour la première fois, tous les établissements du territoire, publics comme privés, devront assurer cet enseignement de la maternelle au lycée. Publié au Bulletin officiel de l’Éducation nationale en février 2025, ce nouveau cadre met fin à plus de vingt ans d’une loi restée largement inappliquée. S’il est présenté comme un outil de prévention contre les violences sexistes et sexuelles et de protection des enfants, il continue toutefois de susciter des critiques politiques et idéologiques.

Une loi de 2001 enfin appliquée

Depuis 2001, la loi prévoyait trois séances annuelles d’éducation à la sexualité. Mais selon le Conseil économique, social et environnemental (Cese), moins de 15 % des élèves en bénéficiaient, faute de formation des enseignants et de directives nationales claires.  Avant sa publication le 6 février 2025 au Bulletin officiel, le programme a suscité de fortes pressions de la part de milieux conservateurs, qui ont cherché à infléchir le ministère. Associations de parents d’élèves, élus de la droite catholique et de l’extrême droite, ainsi que certains médias, ont dénoncé des formulations jugées « militantes » sur les questions de genre. Le ministère a dû trouver un équilibre entre ces critiques et les attentes des enseignants, qui réclamaient des outils pédagogiques adaptés.

Héritier d’une promesse faite en 2023 par Pap Ndiaye, alors ministre de l’Éducation, le Conseil supérieur des programmes a été chargé d’élaborer un projet éducatif en juin 2023, un travail retardé par la succession de ministres à l’Éducation nationale. Le programme fixe désormais des attendus clairs : « Apprentissage du respect de l’intimité corporelle », « éducation au consentement », « égalité entre filles et garçons », « lutte contre les discriminations liées au genre et à l’orientation sexuelle », « protection des mineurs contre la pornographie », et contribution au « repérage de l’inceste ». Conscient des inquiétudes que ce nouveau programme peut susciter, le ministère de l’Éducation a tenu à rassurer. La ministre Élisabeth Borne a annoncé que des réunions de rentrée seraient organisées dans chaque établissement afin de présenter les contenus aux parents, de répondre à leurs interrogations et, selon ses mots, de « lever toutes les fausses nouvelles qui circulent » autour de l’EVARS.

Un contenu progressif et adapté à l’âge

Le programme a été conçu de manière progressive et respectueuse de la maturité des élèves. En maternelle, les activités portent sur la découverte du corps, l’expression des émotions, la reconnaissance de l’intimité et les premières bases de l’égalité entre filles et garçons. Les enfants de trois à cinq ans apprennent ainsi à dire oui ou non, à exprimer ce qui les met mal à l’aise et à respecter le consentement de leurs camarades. En primaire, les enseignements s’élargissent aux changements liés à la croissance, à la protection de l’intimité et à l’identification des discriminations sexistes. Au collège, de nouvelles thématiques apparaissent, telles que la puberté, l’identité de genre, la santé sexuelle, la prévention des violences, mais aussi une initiation critique face aux contenus pornographiques, abordés dès la 6ᵉ. La sexualité proprement dite est traitée à partir de la 4ᵉ. Au lycée, l’accent est mis sur la responsabilité individuelle, la liberté d’exprimer et de refuser son consentement, la prévention des infections sexuellement transmissibles (IST), la protection de l’intimité dans l’usage des réseaux sociaux et la lutte contre les discriminations LGBTphobes.

Trois séances de deux heures sont prévues chaque année. Elles peuvent être animées par les enseignants, mais aussi par des associations agréées, notamment le Planning familial, déjà impliqué dans plus de 3 600 établissements. Pour faciliter les échanges, des règles de confidentialité sont posées, comme la possibilité de poser des questions de manière anonyme. Un accompagnement spécifique est prévu pour les élèves victimes de violences.

Un programme sous le feu des critiques

Pour la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Civiise), l’EVARS répond à une urgence. L’instance rappelle qu’en France, toutes les trois minutes, un enfant est victime d’agression sexuelle, soit 160 000 mineurs chaque année. Dans un communiqué publié en novembre 2024, elle a salué le programme, le jugeant nécessaire pour protéger les enfants et libérer la parole.

Mais la contestation demeure. Des associations conservatrices et des élus de droite et d’extrême droite dénoncent une intrusion dans le rôle éducatif des familles. Leur recours devant le Conseil d’État a été rejeté en juin, ouvrant la voie à l’application dès cette rentrée. En décembre 2024, une centaine de sénateurs Les Républicains a signé une tribune dans Le Figaro qualifiant le programme « d’inacceptable en l’état ». Le débat traverse même la majorité. En janvier, lors des questions au gouvernement au Sénat, Alexandre Portier, ministre délégué à la Réussite scolaire, a dû réaffirmer que « la théorie du genre ne trouvera pas sa place dans nos écoles », répondant à une interpellation du sénateur LR Max Brisson.

Une mise au point qui illustre les tensions politiques et idéologiques qu’entraîne ce nouveau programme.

Partager cet article

Pour aller plus loin

Dans la même thématique

Rentree scolaire avec Uniforme Ecole Ronchese Nice
4min

Éducation

Salaire des enseignants : le rendez-vous manqué de la rentrée 2025

Ce vendredi marque la pré-rentrée des 850 000 enseignants. Si le budget 2025 de l’Éducation nationale a été rehaussé, la question centrale des salaires reste sans réponse. Selon les derniers chiffres ministériels, la hausse enregistrée entre 2022 et 2023, est jugée trop faible par les syndicats pour enrayer la crise de la profession.

Le

Paris: E.. Borne conference de presse de rentree scolaire
3min

Éducation

Rentrée scolaire : les mathématiques font leur grand retour au baccalauréat

À l’occasion de sa conférence de presse de rentrée, la ministre de l’Éducation nationale, Élisabeth Borne, a détaillé sa feuille de route. Parmi les mesures phares, une révision en profondeur des modalités d’évaluation du baccalauréat et le retour des mathématiques dans les épreuves anticipées.

Le

COLOMBES: une ecole elementaire face a la canicule
8min

Éducation

Canicule et écoles fermées : pourquoi la France tarde-t-elle à adapter ses bâtiments scolaires aux fortes chaleurs ?

Face à la canicule, plusieurs collectivités ont préféré laisser leurs établissements scolaires fermés, les bâtiments étant souvent mal adaptés à la chaleur. Depuis 2019, la loi impose aux bâtiments publics des objectifs en matière de consommation d’énergie et d’isolation thermique, mais l’adaptation du parc scolaire, qui devrait mobiliser plusieurs dizaines de milliards d’euros sur la décennie, reste un défi de taille.

Le

Back to school in Bordeaux
7min

Éducation

« On amuse la galerie », « ça m’agace », « regret sur le périmètre » : la convention citoyenne sur les temps de l’enfant passe mal chez les sénateurs

Voulue par Emmanuel Macron, la convention citoyenne sur les temps de l’enfant doit mener une réflexion notamment sur la question sensible des rythmes scolaires, dont la durée des grandes vacances. Au Sénat, les sénateurs pointent soit le principe même de la convention, ou regrettent un champ de travail trop restreint, ou tombant à côté.

Le

La sélection de la rédaction

Paris: Handover Ceremony at The Education Ministry
7min

Éducation

Education sexuelle : le ministre Alexandre Portier recadré par Anne Genetet sur « la théorie du genre »

La ministre de l’Education nationale, Anne Genetet, s’est démarquée des propos tenus par son ministre délégué, Alexandre Portier, sur le futur programme d’éducation à la vie sexuelle et affective, qu’il accuse de servir de véhicule à la prétendue « théorie du genre ». « Ce programme n’a pas d’idéologie », a assuré la macroniste auprès de BFMTV. Une dissonance qui rappelle que les deux locataires de la rue de Grenelle sont issus d’horizons politiques différents.

Le

Rentrée scolaire : l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle entre en application
3min

Éducation

Refonte des cours sur l’éducation à la vie affective et sexuelle : « Ce programme en l’état, n’est pas acceptable », estime le ministre en charge de la réussite scolaire 

Lors des questions d’actualité au gouvernement, le sénateur Max Brisson a interpellé le ministre en charge de la réussite scolaire sur la rédaction du programme sur l’éducation à la vie affective et sexuelle dénonçant le “wokisme” supposé du texte. Pourtant, le programme n’a pas encore été dévoilé, ni approuvé par le Conseil supérieur des programmes.

Le