Voir le verre à moitié plein. Le ministre de l’Enseignement supérieur, Philippe Baptiste, s’est agacé mercredi face au tableau, parfois très sombre, que les universités françaises dressent de leur situation budgétaire, alors qu’elles sont soumises à un nombre grandissant de charges. Auditionné par la commission de la culture du Sénat, afin de présenter les crédits alloués à son portefeuille dans le projet de loi de finances pour 2026, le ministre a reconnu certaines « tensions », tout en « essayant de relativiser » face à une situation globale qui « n’est pas systématiquement dramatique ». « Ce n’est pas Zola non plus », a-t-il taclé.
« Oui, évidemment on a un certain nombre d’établissements qui sont en difficulté budgétaire », a concédé Philippe Baptiste. « Il y en a beaucoup qui nous disent, en début d’année, qu’ils sont dans le rouge et qui votent un budget initial en déficit. Mais très peu, en fin d’année, atterrissent sur un budget déficitaire. Ce que je veux dire c’est qu’il y a très souvent des sous-exécutions massives des budgets et donc une très grande différence entre le budget initial et l’atterrissage », a-t-il expliqué.
Le coût de la protection sociale complémentaire estimé à 60 millions d’euros
Ce qui a mis le feu aux poudres : la mise en place progressive d’une protection sociale complémentaire obligatoire pour les agents de l’enseignement supérieur et de la recherche, conformément à un accord interministériel conclu en janvier 2022. Sur le papier, 50 % du coût de la mutuelle doit être pris en charge par l’employeur. Mais sans compensation de l’Etat, les universités vont devoir assumer seule cette nouvelle dépense. À cela s’ajoutent déjà la contribution au compte d’affectation spécial des pensions des agents publics (CAS), et les mesures dites « Guérini » sur la revalorisation du point d’indice des fonctionnaires.
« Je ne chercherai pas à vous mentir, il est objectivement vrai que nous avons un certain nombre de mesures obligatoires, qui sont nécessaires, mais qui ne sont pas intégralement financées. Cette année ce sera au plus 60 millions d’euros sur la protection sociale complémentaire […] À ce stade, je n’ai pas de solution évidente pour résoudre le problème », a reconnu le ministre. « Je voudrais quand même un tout petit peu, non pas minorer, mais relativiser le sujet.»
Cette somme-là correspond de mémoire à 0,3 % de la subvention pour charges de service public (SCSP) globale des établissements », une enveloppe de financement qui a pour but de couvrir les dépenses de personnels et les dépenses de fonctionnement courant. « Je ne veux pas dire que c’est facile à trouver, je veux dire que ça n’est pas non plus totalement inaccessible », a pointé Philippe Baptiste.
« La tendance est quand même assez inquiétante »
« Je sais que mes collègues universitaires n’aiment pas que je rappelle ce chiffre, mais nous avons aujourd’hui un niveau de trésorerie dans les universités de 5,6 milliards d’euros », a encore indiqué le ministre. « Sur ces 5,6 milliards d’euros, la majorité de ces sommes sont fléchées sur des projets et des programmes, c’est de la réhabilitation de bâtiments, des programmes de recherche, de la jouvence d’équipement, etc. Mais sur ces 5,6 milliards, plus d’un 1 milliard d’euros sont libres d’emploi. »
« On a quand même cinquante-huit des soixante-dix universités françaises qui disent avoir des budgets en déficit », lui a fait remarquer la sénatrice socialiste Karine Daniel.
« Je veux bien qu’à la marge, on ait des ajustements à opérer, mais la tendance est quand même assez inquiétante. En tout cas, on a de nombreuses alertes sur ce sujet.
Rénovation et agrandissement du parc immobilier
Les crédits alloués à l’Enseignement supérieur et à la recherche dans le projet de budget 2026 s’élèvent à 28,9 milliards d’euros, dont 15,6 milliards pour la formation supérieure et la recherche universitaire et 3,2 milliards d’euros pour la vie étudiante. Dans le détail, « la subvention pour charge de service public du CROUS va augmenter de 15 millions d’euros en 2026, ce qui la portera à 163 millions d’euros », a fait valoir le ministre.
45 000 nouvelles places au sein du parc de logements étudiants doivent voir le jour d’ici les deux prochaines années, dont 30 000 logements sociaux étudiants. « Des annonces sur les logements étudiants, on a eu l’occasion d’en faire dans les années précédentes, qu’on a eu beaucoup de mal à tenir. Celles-là, à ce stade, sont tenues grâce à une mobilisation des préfets, des recteurs, le soutien de la Banque des territoires et de l’ensemble des acteurs », s’est félicité Philippe Baptiste.