Vers la fin d’un feuilleton. Le patronat et plusieurs syndicats sont parvenus à s’entendre sur de nouvelles règles sur l’assurance chômage et l’emploi des seniors. Ils ont également convenu d’un troisième accord sur le dialogue social. « Nous avons réussi à aboutir au terme d’une négociation flash », a salué le représentant du Medef Hubert Mongon au terme des discussions. Les organisations patronales ont fait état d’une majorité d’avis favorables sur les accords, avec quelques nuances. A l’image d’Éric Chevée, vice-président de la CPME (Confédération des petites et moyennes entreprises), qui a jugé que l’accord sur l’assurance chômage « ne pose pas de problèmes », mais s’est montré beaucoup plus critique sur celui des seniors qu’il n’estime « pas équilibré ».
Du coté des syndicats, la délégation CFDT a donné un avis favorable sur les trois textes. La CFTC aussi. La CGT s’est pour sa part montrée plus réticente. Elle dénonce un accord sur l’assurance chômage qui « tape dur » et regrette de « petits gains sur les séniors ». La CFE-CGC a précisé qu’elle ne signerait pas l’accord sur l’assurance chômage, mais les deux autres, tandis que FO réserve encore son appréciation.
« On est partis de très loin »
L’année dernière, les mêmes représentants n’étaient pas parvenus à trouver un consensus sur l’emploi des seniors. Ce qui avait compromis l’ensemble du texte sur l’assurance chômage. Dès lors, l’Etat voulait reprendre la main. Gabriel Attal avait même préparé un sévère tour de vis sur les droits des chômeurs. Il devait permettre de faire entre 4 et 5,4 milliards d’euros par an. Finalement, la dissolution a rebattu les cartes et Michel Barnier a préféré laisser une deuxième et dernière chance aux partenaires sociaux. « Je salue la volonté du gouvernement de leur redonner la parole. Ce n’était pas le cas de tous les gouvernements depuis 2018 », félicite Frédérique Puissat, sénatrice Les Républicains de l’Isère. « Ce qui est positif, c’est la capacité à aboutir sur des négociations paritaires. C’est extrêmement compliqué et on est partis de très loin. Il ne faut pas que les parlementaires dénaturent leur travail maintenant », ajoute-t-elle.
Le nouveau protocole est ficelé par le biais d’un avenant à l’accord qui avait été conclu en novembre 2023. Ce dernier n’avait pas reçu le feu vert du gouvernement de Gabriel Attal. Il doit maintenant aboutir à une nouvelle « convention » régissant les conditions d’indemnisation des demandeurs d’emploi pendant quatre ans, à compter du 1er janvier 2025. Il devrait entraîner une réduction des dépenses de près de 2,48 milliards d’euros sur la période 2025-2028. A terme, il rapportera 1,7 milliard chaque année. Ce qui va au-delà des attentes exprimées par Astrid Panosyan-Bouvet. La ministre du travail avait demandé aux négociateurs de trouver des mesures pour « générer annuellement 400 millions d’euros d’économies supplémentaires ».
Dans un communiqué, la ministre salue « la réussite de la négociation des partenaires sociaux et les points d’accord trouvés sur l’assurance chômage et l’emploi des seniors ». Elle souligne « combien les partenaires sociaux sont des acteurs incontournables de la vie démocratique, sociale et économique du pays ».
Concrètement, le texte conditionne l’ouverture des droits à l’assurance chômage. Il faudra maintenant avoir travaillé au moins cinq mois, et non six, au cours des 24 derniers mois. Cette mesure a un coût de quelque 440 millions d’euros sur quatre ans pour le régime. « Ma première impression est mi-figue mi-raisin sur ces accords. Mais la réduction du temps de travail pour les primo accédants fait partie des petites avancées », note Monique Lubin, sénatrice socialiste des Landes.
Les transfrontaliers particulièrement visés
L’accord s’attaque aussi à l’indemnisation des travailleurs transfrontaliers. Elle représente un surcoût d’environ 800 millions d’euros par an pour l’assurance chômage, selon les chiffres de l’Unedic. Les droits de ces travailleurs sont calculés en fonction de leurs salaires à l’étranger, nettement plus élèves qu’en France. Le projet d’accord entend appliquer un coefficient à leurs droits en fonction du niveau de salaire du pays dans lequel ils ont travaillé. Ce qui devrait entraîner une baisse importante de leur indemnisation dans la grande majorité des cas. Les signataires demandent par ailleurs une révision de la notion « d’offre raisonnable d’emploi » pour que les frontaliers ne puissent pas refuser un poste dans l’hexagone sans perdre leurs prestations. Au global, 1,4 milliard d’euros sur quatre ans devraient pouvoir être dégagés.
Une bonne mesure pour Olivier Henno, secrétaire général de l’UDI, qui félicite généralement des accords qui « vont dans le bon sens, tant sur la forme que le fond ». Il pointe « des abus » des transfrontaliers. « Certaines personnes travaillent 6 mois en Suisse et bénéficient de 6 mois de chômage élevé en France. Ça me paraît injuste en termes de solidarité nationale », indique le sénateur du Nord.
Sur le même sujet, Frédérique Puissat va soutenir un amendement de Christine Lavarde, sénatrice LR des Hauts-de-Seine. Il sera déposé dans le projet de loi de finances de la sécurité sociale (PLFSS) et visera à davantage serrer la vis sur les travailleurs transfrontaliers. « Il s’attaquera notamment aux placements financiers de ces travailleurs. On ne peut pas se permettre de perdre de la main-d’œuvre et des fonds chaque année », tance la sénatrice de l’Isère. Cet amendement pourrait rapporter un milliard d’euros par an.
L’indemnisation plus longue des seniors relevée
Du coté des seniors, les bornes d’âge ouvrant le droit à une indemnisation plus longue sont relevées de deux ans. La mesure rapporterait 350 millions d’euros sur quatre ans. Le palier ouvrant droit à 22,5 mois d’indemnisation au maximum passe ainsi de 53 à 55 ans et celui donnant droit à 27 mois de 55 à 57 ans. Pour les autres demandeurs d’emploi, la durée d’indemnisation maximum est de 18 mois. « Ces changements sont paradoxaux pour les demandeurs d’emploi les plus âgés, parce que c’est après 50 ans que ça devient compliqué de trouver un emploi », s’agace Monique Lubin, élue socialiste des Landes.
Cependant, afin de tenir compte de la situation particulière des seniors, la dégressivité de l’allocation chômage, qui concerne les hauts revenus, ne sera plus appliquée à partir de 55 ans, contre 57 ans jusqu’ici. Le projet d’accord prévoit aussi de décaler l’âge à compter duquel le maintien de l’allocation est possible jusqu’à obtention des conditions de liquidation de la retraite à taux plein. Ce dispositif de « maintien de droits », à compter de l’âge légal de la retraite sera décalé en cohérence avec l’évolution progressive de l’âge légal de départ à la retraite jusqu’à 64 ans en 2030. « Ça me paraît pertinent en termes d’acceptation de la réforme des retraites », souligne Olivier Henno, sénateur UDI du Nord.
Mensualisation, cotisations patronales…
Ensuite, l’allocation versée sera identique chaque mois sur la base de 30 jours, peu importe la durée du mois. Sur une année complète, les chômeurs perdront cinq jours d’indemnisation, et même six les années bissextiles. Une mesure qui doit rapporter 1,2 milliard sur quatre ans. Pour les demandeurs d’emploi qui créent ou reprennent une entreprise, le texte prévoit des dispositions pour limiter les « effets d’aubaine ». Jusqu’ici, un allocataire peut percevoir une aide dans certains cas alors qu’il a repris un CDI à temps plein. Cette modification doit rapporter 1,4 milliard d’euros sur quatre ans.
La cotisation patronale pour l’assurance chômage va aussi baisser. Elle passera de 4,05 % à 4 % du salaire brut. Cette mesure entrera en vigueur à compter du 1er mai 2025 et devrait coûter près de 1,5 milliard d’euros sur quatre ans. Frédérique Puissat applaudit cette petite modification. « C’est toujours bien. Ça ne va pas amortir les allègements de charges du PLFSS qui sont un vrai sujet pour les entreprises, mais dans ce contexte d’économies, c’est toujours ça », souligne la sénatrice Les Républicains de l’Isère. Le dernier secteur visé est celui des saisonniers. Pour mieux sécuriser leur situation sur le marché du travail, la condition d’affiliation est abaissée à 5 mois. Le plafond des périodes non travaillées prises en compte dans le calcul de l’allocation est également abaissé.