Les groupes de gauche ont fini par arracher une victoire dans les débats sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. En milieu de soirée ce 20 novembre, les socialistes ont réussi à faire adopter l’un de leurs amendements dans le volet recettes, après une succession de revers dans leur chasse aux niches sociales, notamment des éléments de rémunération exclus de l’assiette des cotisations sociales. Ils ont rappelé, tout comme leurs alliés écologistes et communistes, que chaque année 25,4 milliards d’euros de compléments de salaires étaient exonérés de toutes cotisations sociales, contribuant de fait aux équilibres financiers de la Sécu.
L’adoption a été rendue possible grâce à l’appui des centristes, sans doute encouragés par l’avis favorable à titre personnel de la rapporteure générale, Élisabeth Doineau (Union centriste), à condition de retravailler le dispositif dans la suite de la navette parlementaire.
L’amendement prévoit d’abaisser à 6 000 euros le plafond d’exemption des compléments de salaires, comme l’intéressement, la participation. Cet abaissement ne concernerait que les salaires supérieurs à 3 Smic (soit 5 405 euros brut ou 4 279 euros net). « Dans un contexte de déficit croissant, continuer à laisser filer ces exonérations au profit d’une minorité n’a plus aucun sens », a motivé la sénatrice socialiste Corinne Féret.
Il reprend une recommandation de la Cour des comptes, publiée dans un rapport de 2024 sur les niches sociales des compléments de salaires, qui appelle à mieux les « encadrer » et à les rapprocher du droit commun. Celle-ci préconise d’aligner les plafonds d’exemption des compléments de salaire de partage de la valeur en entreprise ceux de la prime de partage de la valeur (prime Macron).
« Ça tape les cadres et les ingénieurs […] Je ne peux pas être solidaire de cela », s’oppose le ministre Jean-Pierre Farandou
Actuellement, les plafonds annuels d’exemption des dispositifs de participation et d’intéressement atteignent, chacun, 75 % du plafond annuel de la Sécurité sociale, c’est-à-dire plus de 35 000 euros.
La commission des affaires sociales n’a pas exprimé d’avis positif ou négatif sur l’amendement, elle a sollicité l’avis du gouvernement. Jean-Pierre Farandou s’est montré défavorable à la proposition des socialistes « dans sa rédaction actuelle ». Sur la forme, il a d’abord rappelé que l’accord national conclu par les partenaires sociaux, sur le partage de la valeur, était encore récent. Ce dernier a été inscrit dans la loi il y a à peine deux ans. Sur le dispositif proprement dit, le ministre s’est montré encore plus sceptique. « Je trouve que le fait d’avoir limité à 3 Smic, c’est dommage […] Fois trois, ça tape les cadres et les ingénieurs qui font tourner les usines, les entreprises. Je ne peux pas être solidaire de cela », s’est opposé l’ancien patron de la SNCF.
A gauche, la position du ministre n’a pas manqué de faire réagir, sachant que plus tôt dans la soirée le gouvernement a soutenu le gel du barème de la contribution sociale généralisée, prélevée sur les pensions de retraite, allocations chômage et autres pensions d’invalidité. « Nous parlons de mettre à contribution celles et ceux qui ont des revenus beaucoup plus conséquents […] Cela nous semble être une mesure de justice fiscale », a défendu le socialiste Simon Uzenat.
Quoi qu’il en soit, la disposition est désormais dans le texte, qui cheminera au Parlement jusqu’en décembre. « Je ne dis pas qu’en l’état il est parfait », a fait savoir la rapporteure générale Élisabeth Doineau. Mais il faut se « donner le moyen aussi d’une négociation en commission mixte paritaire », a-t-elle insisté.