Comme certains ministères, le ministère du Travail va contribuer fortement à l’effort budgétaire prévu sur le champ de l’État, dans l’état actuel du projet de loi de finances. Avec 2,3 milliards d’euros de coupes, c’est une nouvelle diminution de 12 %, qui s’ajoute à un effort déjà notable l’an dernier. La politique de l’apprentissage est particulièrement touchée (relire notre article). « Ça fait bien partie des thèmes d’optimisation que l’on veut poursuivre, qui nous permettent de penser qu’on peut faire quasiment aussi bien avec un peu moins », a estimé ce 28 octobre le ministre du Travail et des Solidarités, Jean-Pierre Farandou, auditionné devant la commission des affaires sociales du Sénat.
Ce nouveau tour de vis sur cette politique, qui a connu un franc succès avec le franchissement l’an dernier de la barre du million de jeunes en alternance, inquiète au Sénat. « En soi, cela ne nous pose pas de problème puisqu’on doit s’inscrire dans cette trajectoire de baisse de la dépense. Ce qui est plus un souci, notamment sur ce budget qui est quand même un écosystème avec un certain nombre de partenaires, c’est l’absence de trajectoire et peut-être de cap », a soulevé Frédérique Puissat (LR), rapporteure pour avis de ce budget.
« Le pari, c’est qu’on arrive à tenir la politique », considère le ministre
L’an dernier, la majorité sénatoriale avait recentré le dispositif, en restreignant les aides accordées aux entreprises de plus de 250 salariés pour les embauches de nouveaux alternants. « Nous avions convenu, l’année dernière en 2025, de baisser fortement l’aide aux entreprises, et ça ne posait aucune difficulté. On s’était dit : en 2026, on fait une pause. Or, le budget de 2026 est exactement dans la même épure », a objecté la sénatrice de l’Isère.
« L’intention n’est pas de mettre à mal l’apprentissage […] Le pari, c’est qu’on arrive à tenir la politique », a voulu rassurer le ministre. En revanche, le gouvernement a bien l’intention de mieux cibler cette politique dont le succès ne se dément pas, mais dont le coût s’est envolé au fil des années. « Elle a été, quand même, très fortement financée par l’État, puisqu’on est monté à un pic à 16 milliards d’euros en 2024. On tasse un peu l’effort, à 12-13 milliards d’euros », a mis en perspective le ministre.
L’an dernier, la signature de nouveaux contrats s’est stabilisée, avec « une petite décrue de 3 % », selon le ministre. Le gouvernement est désormais dans l’attente de statistiques de la récente rentrée, d’ici deux à trois semaines. Le projet de budget « anticipe un peu sur une baisse des volumes de manière non dite », a admis Jean-Pierre Farandou, qui appelle à encore un peu de patience. « Il y a un sujet de bouclage qui n’est pas complètement finalisé. Les travaux, d’ailleurs, qui sont conduits aussi bien au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, dans les deux chambres, seront clés là-dessus. Retenez que la politique publique de l’apprentissage est bien maintenue dans les priorités du gouvernement. Après, la question, c’est : l’ajustement est-il tenable ou pas ? »
« Il n’est illégitime de demander aux employeurs une taxe modérée de 8 % » sur les titres-restaurant
Autre point de tension, dans le projet de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, cette fois : l’instauration d’une contribution patronale de 8 % sur les compléments de salaires comme les titres-restaurants. Plusieurs sénateurs et sénatrices sont montés au créneau pour dénoncer un « mauvais coup porté au pouvoir d’achat des travailleurs », comme la socialiste Annie Le Houerou.
« Pourquoi avons-nous l’idée saugrenue de mettre une taxe sur les tickets-restaurant, les chèques-vacances et les avantages sociaux gérés par les CSE ? Quelle drôle d’idée » a ironisé l’ancien patron de la SNCF. L’ancien dirigeant a estimé que les titres-restaurant ont été « dévoyés » de leur vocation initiale (à la faveur de récentes réformes) et qu’une taxe de 8 % restait « modérée » pour une rémunération qui s’apparente à du salaire. « Donc à partir de là, il n’est pas illégitime — après, le débat peut avoir lieu sur l’acceptabilité de la mesure, je l’entends — de demander aux employeurs, pas aux bénéficiaires, une taxe modérée de 8 %. Si c’était du salaire, ce serait 40 % ! »
Le ministre a évoqué trois scénarios possibles sur ce dispositif. « Ou on tient bon, on verra si ça tient, ou on compose à l’intérieur de ce périmètre, et on est prêts à discuter, ou on trouve d’autres niches […] Je suis ouvert aux trois, et je compte sur votre sagacité pour nous faire des propositions. » Lundi soir, une majorité de députés de la commission des affaires sociales a fait le choix de retirer l’article en question. Reste à voir ce qu’il en adviendra en hémicycle, qui repartira du projet de loi déposé par le gouvernement. Le Sénat, lui, se prononcera dans la deuxième quinzaine de novembre.