Création d’un CDI senior : la ministre Astrid Panosyan-Bouvet veut « en finir avec ce gâchis du sous-emploi »

Auditionnée par le Sénat, la ministre du Travail a défendu le projet de loi qui transpose l’accord conclu entre partenaires sociaux sur « les salariés expérimentés ». Il crée « un CDI spécifique » par « un contrat de valorisation de l’expérience, destiné aux demandeurs d’emploi de 60 ans et plus ». Il accorde à l’employeur une « exonération de cotisation sur l’indemnité de mise à la retraite ».
François Vignal

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C’est un trois en un. Le Sénat s’apprête à examiner, en premier, un texte qui transpose l’accord signé entre partenaires sociaux sur l’emploi des seniors, rebaptisé « salariés expérimentés », l’accord sur le dialogue social, ainsi qu’un troisième accord sur l’assurance chômage. Avec, cerise sur le gâteau, ou plutôt en guise de « paquet-cadeau surprise », ironise la sénatrice des Ecologistes, Raymonde Poncet-Monge, un article qui ouvre la possibilité au gouvernement de reprendre le fruit des discussions en cours sur les transitions professionnelles. Un article qui passe mal chez les sénateurs, on va le voir.

C’est donc le Sénat qui ouvre le bal, avant l’Assemblée, sur ce package qu’est le projet de loi « portant transposition des accords nationaux interprofessionnels en faveur de l’emploi des salariés expérimentés et relatif à l’évolution du dialogue social », son nom officiel. Après son passage en commission le 28 mai prochain, il sera à l’ordre du jour de la séance publique le 4 juin prochain, a précisé le président LR de la commission des affaires sociales, Philippe Mouiller.

« Un sujet important, celui de l’emploi des seniors »

« C’est un projet de loi important », car il transpose l’accord « intervenu entre partenaires sociaux, le 14 novembre, traitant de sujets importants, en particulier celui de l’emploi des seniors », a souligné d’emblée la ministre du Travail et de l’Emploi, Astrid Panosyan-Bouvet, lors de son audition par la commission, mercredi 21 mai.

Sur les travailleurs expérimentés, on parle en réalité ici des plus de 50 ans. On comprend pourquoi l’expression est plus adaptée que de parler de seniors. L’objectif est « de changer la loi mais aussi de changer les regards et les pratiques, pour en finir avec ce gâchis du sous-emploi des plus de 50 ans dans notre pays », lance Astrid Panosyan-Bouvet, rappelant que « l’âge est la première discrimination sur le marché du travail ». « Les plus de 50 ans ont trois fois moins de chance d’être recrutés », pointe la membre du gouvernement.

CDI pour les plus de 60 ans : un coût de « 123 millions d’euros »

Concrètement, l’accord, et donc le texte, prévoit « l’expérimentation pour 5 ans d’un contrat de valorisation de l’expérience, destiné aux demandeurs d’emploi de 60 ans et plus », explique la ministre. Ils pourront ainsi « bénéficier d’un CDI spécifique et les entreprises ont en contrepartie une sécurité et un avantage. La sécurité, c’est la certitude de voir le salarié partir à la retraite, quand il a atteint l’âge légal de départ à taux plein, et l’avantage, c’est l’exonération de cotisation sur l’indemnité de mise à la retraite. C’était une demande des organisations patronales ».

Coût estimé de la mesure : « 123 millions d’euros », selon la ministre. Moins que les 800 millions d’euros, qui était le coût estimé à l’époque par le gouvernement pour le « CDI senior », idée pour laquelle l’ex-sénateur LR, René-Paul Savary, « avait beaucoup bataillé », lui a rendu hommage la sénatrice LR Frédérique Puissat, corapporteure du texte avec sa collègue du groupe LR, Anne-Marie Nedelec. Le gouvernement avait à l’époque refusé ce CDI senior.

Transposition de l’accord sur l’assurance chômage, qui abaisse de 6 à 5 mois la durée d’affiliation pour les premières inscriptions

Autre mesure : le texte « facilite » les aménagements de fin de carrière, en « simplifiant le système des retraites progressives, d’un point de vue administratif ». Une mesure « accessible aux salariés du privé comme aux agents des trois fonctions publiques », précise la ministre.

Côté dialogue social, l’accord prévoit notamment de « limiter le nombre de mandats successifs pour les membres élus qui siègent dans les comités sociaux et économiques.

Quant à l’accord sur l’assurance chômage, la ministre rappelle que le gouvernement n’avait pas agréé un premier accord de novembre 2023. Michel Barnier avait ensuite demandé en octobre 2024 aux partenaires sociaux de reprendre les négociations. Ils sont parvenus à un nouvel accord en décembre 2024. Ce dernier « permet 1,5 milliard d’euros d’économies par an. Et il permet d’améliorer les droits des saisonniers et des primo entrants, qui sont à 65 % les jeunes », souligne Astrid Panosyan-Bouvet, par un « abaissement de la durée d’affiliation des personnes s’inscrivant pour la première à l’assurance chômage de 6 à 5 mois ».

« On n’aime pas trop être dépossédés de nos prérogatives »

Vient enfin un article plus polémique, l’article 10, sur les transitions professionnelles. « Syndicats et patronat sont autour de la table » actuellement, explique la ministre, dont l’idée est de « pouvoir embarquer cet accord dans le projet de loi, s’il est conclusif ». « Le gouvernement s’engage à déposer un amendement si un tel accord intervient, en respect parfait de l’accord », assure la ministre.

Mais la sénatrice Frédérique Puissat pointe un article qui autorise le gouvernement à légiférer par ordonnance. « On n’aime pas trop être dépossédés de nos prérogatives », prévient la sénatrice de l’Isère. Alors que les partenaires sociaux ont promis de trouver un accord « avant le 15 juin », Frédéric Puissat souligne que les sénateurs ne pourront pas, dans ce cas, se prononcer sur l’accord. Pour tenter de les rassurer, la ministre a assuré vouloir transposer « le plus fidèlement l’accord ». Astrid Panosyan-Bouvet entend plancher sur le sujet « avec les rapporteures et tous ceux qui voudront y travailler », « en très bonne intelligence et esprit constructif ».

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