La réforme de l’assurance chômage « n’est pas une reprise en main » du gouvernement, selon Olivier Dussopt

La réforme de l’assurance chômage « n’est pas une reprise en main » du gouvernement, selon Olivier Dussopt

Le ministre du Travail a été auditionné au Sénat sur les chantiers de son ministère. Il a déclaré que le gouvernement était « attaché au paritarisme » et que la modulation des critères de l’assurance chômage ne toucherait pas au montant de l’indemnité.
Guillaume Jacquot

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Le risque d’une récession mondiale l’an prochain n’a pas entamé l’optimisme du ministre du Travail. Auditionné par la commission des affaires sociales du Sénat ce 28 septembre sur ses chantiers du moment, Olivier Dussopt a affirmé que l’objectif du plein-emploi en France restait le fil conducteur de son action. La cible est celle d’un taux de chômage « autour de 5 % ». Il est actuellement à 7,4 % (selon les dernières données de l’Insee), contre 9,5 % au début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron. « C’est la moitié du chemin qui a été parcourue », a fait valoir le ministre.

La nouvelle réforme de l’assurance chômage fait partie de la palette d’outils gouvernementale. « Elle n’est évidemment pas la seule pour répondre aux tensions de recrutements », a toutefois précisé Olivier Dussopt. Son projet de loi, qui vient de passer le stade de l’examen en commission à l’Assemblée nationale, vise à pouvoir prolonger les règles d’indemnisation fixées en 2019 par décret, après l’échec des négociations entre partenaires sociaux dans un cadre très contraint. Celles-ci expiraient au 1er novembre.

« Les critères seront fixés dans le cadre d’une concertation que j’ouvrirai dans les prochaines semaines »

Le texte en discussion prévoit, à l’article 1, de confier temporairement au gouvernement la définition des mesures d’application du régime d’assurance chômage, jusqu’au 31 décembre 2023. Le gouvernement veut continuer à les faire évoluer, en les rendant « plus incitatives ». L’idée est de moduler les critères du régime d’assurance chômage en fonction de la conjoncture économique et de l’état du marché de l’emploi. « Les critères seront fixés dans le cadre d’une concertation que j’ouvrirai dans les prochaines semaines avec les partenaires sociaux », a annoncé le ministre du Travail.

À titre d’exemple, Olivier Dussopt n’est « pas convaincu » que le taux de chômage soit le meilleur indicateur. Le rapport entre le nombre d’offres d’emploi et celui de demandeurs d’emploi serait plus pertinent à ses yeux. « De 2017 à 2022 par exemple, le nombre d’offres déposées auprès de Pôle Emploi est passé de 50 pour 1000 demandeurs d’emploi, à 170 pour 1 000. »

Si la loi est adoptée, Olivier Dussopt a indiqué qu’un décret serait publié d’ici la fin 2022. À ce stade, il a précisé que le montant mensuel de l’indemnité chômage ne serait « pas intégré » dans les paramètres susceptibles d’être modifiées en fonction de la conjoncture, contrairement à la durée ou aux conditions d’affiliation. Il souhaite également une « application différenciée » pour les départements d’Outre-mer, où les indicateurs économiques sont sensiblement différents.

« On ne voit pas très bien comment les choses peuvent se mettre en place de façon opérationnelle », selon la rapporteure

Pour la rapporteure Frédérique Puissat (LR), il reste toutefois des disparités importantes entre les bassins d’emploi au niveau de la métropole. La sénatrice ne voit pas non plus à quelle fréquence il serait opportun d’actualiser les critères. « On ne voit pas très bien comment les choses peuvent se mettre en place de façon opérationnelle. » Le ministre a reconnu que la territorialisation présentait une difficulté. « Elle m’a amené à reporter de quelques jours l’ouverture formelle de la concertation. J’ai demandé à mes services d’instruire plus en amont cette question. »

À l’issue de cette séquence sur les règles « contracycliques » des conditions d’accès aux indemnisations, le gouvernement ne devrait pas tout de suite refermer le dossier de l’assurance chômage. Olivier Dussopt a annoncé une « négociation sur la gouvernance de l’assurance chômage » au sens large, un sujet de préoccupation chez les partenaires sociaux et des gestionnaires de l’Unédic (lire notre article). Le gouvernement propose de soumettre trois grands types de scénario, excluant celui d’une « tout étatisation » du régime de l’assurance chômage. « Le paritarisme, nous y sommes attachés », a déclaré le ministre, en réponse au corapporteur Olivier Henno (Union centriste).

Devançant les critiques sur la méthode privilégiée par le gouvernement – à savoir la possibilité d’agir par décret sur les modalités de l’assurance chômage jusqu’au 31 décembre 2023 – le ministre a assuré que cette suspension du rôle attribué ordinairement aux partenaires sociaux était temporaire. « Nous avons limité cette suspension à 14 mois. Cela peut paraître long, mais à l’échelle administrative, nous savons tous que c’est relativement bref. » Le gouvernement explique être sorti du cadre classique à cause du calendrier. Pour être dans le temps avant la péremption du décret en vigueur, le gouvernement aurait dû remettre une lettre de cadrage aux partenaires sociaux, et ouvrir la négociation en pleine période électorale, entre la présidentielle et les législatives. « Ça n’était pas une période politique qui se prêtait à cela », s’est défendu le ministre.

Olivier Dussopt a également justifié le calendrier choisi par les autres chantiers menés en parallèle, à savoir la mue de Pôle Emploi en « France Travail », « l’accompagnement des bénéficiaires du RSA » ou encore une nouvelle convention entre l’État et l’Unédic. L’idée étant d’avoir un nouveau cadre cohérent au 1er janvier 2024. Pour la socialiste Monique Lubin, « ce projet de loi » sur l’assurance chômage, dont le Sénat sera saisi en octobre, est « très politique ». « Il n’est ni plus ni moins que la reprise en main du gouvernement sur l’assurance chômage ». Le ministre a contesté cette lecture. « Ça n’est pas notre volonté. Si c’était notre volonté, je n’ouvrirai pas une négociation interprofessionnelle sur la gouvernance et sur place du paritarisme. Il suffirait, et sous réserve que les parlementaires en soient d’accord, de modifier les règles par la loi. Ce n’est pas notre objectif. »

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