Réforme de l’assurance chômage : au Sénat, la majorité de droite et du centre veut faire bloc pour conserver sa version du texte

Réforme de l’assurance chômage : au Sénat, la majorité de droite et du centre veut faire bloc pour conserver sa version du texte

Plongés dans les réunions préparatoires à la commission mixte paritaire sur la réforme de l’Assurance chômage, les sénateurs de droite et du centre entendent tout faire pour sécuriser dans leurs grandes lignes les durcissements qu’ils ont apportés en première lecture à la réforme du gouvernement. Ils pourraient toutefois concéder quelques ajustements.
Romain David

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Va-t-on s’orienter vers une guerre de position autour de la réforme de l’assurance-chômage, chaque camp refusant de faire un pas vers l’autre ? La commission mixte paritaire (CMP) qui doit faire un sort à ce projet de loi se tient mercredi. Députés et sénateurs devront se mettre d’accord sur une version commune du texte, alors que le Sénat a sensiblement durci, le 25 octobre dernier, la copie sortie du Palais Bourbon. « À ce stade, pas d’accord… », glissait mardi, en milieu de journée, la co-rapporteure LR du Sénat, Frédérique Puissat, en marge d’une réunion de groupe lors de laquelle Les Républicains se sont accordés pour faire preuve de fermeté sur ce texte. Aussi, les discussions préparatoires entre les différentes parties devraient se poursuivre dans la soirée.

« Mon objectif, c’est de faire en sorte que la majorité du Sénat tienne. Nous devons être alignés avec nos alliés centristes pour que la majorité soit au diapason », explique Frédérique Puissat. Quelques jours seulement après avoir dû renoncer à plusieurs des garde-fous qu’elle avait posés sur le projet de loi pour les énergies renouvelables, parfois au terme de débats lunaires, la droite sénatoriale entend faire montre de sa détermination. Il faut dire que cette dernière, consciente du rapport de force que LR et ses alliés centristes peuvent instaurer lors de la CMP, avec cinq élus siégeant sur les 14 parlementaires qui la composent - soit autant que la majorité présidentielle -, est à l’origine de la majeure partie des modifications apportées par la Chambre haute à la réforme de l’assurance-chômage. « Que l’on bascule d’un côté ou de l’autre, c’est l’histoire que nous allons écrire », lance l’élue iséroise.

Le bonus-malus sur les contrats courts assoupli

Parmi ces modifications, deux principaux points d’achoppement pour l’exécutif. Les sénateurs ont notamment voulu priver d’assurance chômage, d’une part les intérimaires qui n’accepteraient pas un CDI proposé sur le poste déjà occupé, d’autre part les demandeurs d’emploi en CDD qui refuseraient trois propositions de CDI dans la même année. « Je considère que ces deux amendements portent des risques identiques », a averti Olivier Dussopt, le ministre du Travail, dans un entretien accordé vendredi au quotidien Ouest France. « Le premier est d’inciter des demandeurs d’emploi à ne pas accepter des contrats courts ou des missions d’intérim de peur finalement d’être enfermés dans un emploi qu’ils auraient pris pour des raisons alimentaires, temporaires et sans nécessairement souhaiter y construire leur vie professionnelle », explique-t-il. « La deuxième raison est que je considère qu’un salarié qui est allé au bout de l’engagement contractuel qu’il a signé, n’a pas à être sanctionné. »

Autre sujet de crispation : l’allègement du système expérimental de bonus-malus mis en place en 2019, et qui module le taux de contribution des entreprises à l’assurance-chômage en fonction du nombre de fins de contrat donnant lieu à une inscription à Pôle emploi. Les sénateurs ont exclu de ce dispositif les fins de CDI et les missions d’intérim, pour ne conserver que les fins de CDD de moins d’un mois. Un détricotage trop important, estime le gouvernement. « Nous considérons que cette réforme est utile, elle n’a qu’un an et elle doit être pérennisée. C’est pour cela que nous avons inscrit dans le projet de loi sa prolongation jusqu’au 31 août 2024 », a plaidé Olivier Dussopt, toujours dans les colonnes d’Ouest France.

En revanche, sur l’abandon de poste, désormais assimilé à une démission après adoption d’un amendement déposé par les députés LR, le ministre a salué les conditions « d’encadrement » apportées par la commission des Affaires sociales du Sénat.

Vers un retour à une gestion paritaire du système assurantiel ?

La Haute Assemblée a également voulu rouvrir la voie à une gestion paritaire du système. Si le principal enjeu du texte est de permettre à l’exécutif d’agir par décret pour pouvoir moduler les règles de l’assurance chômage en fonction de la conjoncture, les sénateurs ont raccourci ce délai d’intervention, le faisant passer du 31 décembre 2023 dans la première version du texte au 31 août 2023. Surtout, ils remplacent « la lettre de cadrage » définissant la procédure de négociation d’un accord par un simple « document d’orientation », afin de redonner de l’oxygène aux partenaires sociaux. « Nous sommes lucides sur le fait que certains, au sein de la majorité présidentielle, ne croient plus à la gestion paritaire. Mais je pense que, sur ce point, le gouvernement peut nous entendre », glisse le sénateur UDI Olivier Henno, l’autre co-rapporteur du texte. En fin de journée, les députés de la majorité présidentielle semblaient effectivement prêts à accepter un compromis sur ce point, selon une source parlementaire.

Le retrait des prestations après plusieurs refus de CDIsation fait également partie des lignes rouges définies par la majorité sénatoriale. « Sur le principe. Ce qui ne veut pas dire que nous sommes fermés à certains ajustements », nuance Frédérique Puissat. « Peut-être que l’on pourra encore bouger sur le nombre de refus, il ne s’agit pas d’être excessif, mais avec cette mesure, c’est la question de l’incitation au travail qui est posée », insiste Olivier Henno. Le centriste est prêt aussi à lâcher du lest sur l’assouplissement du bonus-malus. « À titre personnel, je ne crois pas à ce dispositif. Il n’est ni juste, ni efficace. Mais dans la mesure où il a été peu testé à cause du covid-19, allons jusqu’au bout de la mise en œuvre. Nous procéderons à une évaluation fin 2023. »

« Il ne s’agit pas de céder sur l’ensemble des acquis du Sénat - il faudra bien que la majorité présidentielle accepte de reprendre une partie de nos marqueurs -, mais il serait dommage que cette CMP ne soit pas conclusive », poursuit Olivier Henno. Le cas échéant, le texte retournerait à l’Assemblée nationale dans la version antérieure aux modifications du Sénat. « Les députés LR m’ont prévenu, cette fois ils ne voteront plus le texte du gouvernement », avertit Frédérique Puissat.

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