RSA : le Sénat vote les 15 heures d’activité hebdomadaire obligatoire pour les allocataires

Lors de l’examen du projet de loi « Plein Emploi », la majorité sénatoriale a durci le texte du gouvernement en instaurant une durée minimale hebdomadaire « d’activité » de 15 heures pour les bénéficiaires du RSA ainsi qu’à d’autres bénéficiaires des allocations chômage. Une mesure « infantilisante » et « dissuasive » pour la gauche, qui ne s’est pas non plus rangée à la rédaction du gouvernement plus ouverte sur la durée effective.
Louis Mollier-Sabet

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C’est une promesse de campagne d’Emmanuel Macron qui a finalement été votée contre l’avis du gouvernement. Le candidat Macron avait alors proposé de conditionner le RSA à « 15h – 20h d’activité » par semaine, une disposition qui était, en tant que telle absente du projet de loi « Plein Emploi », dont l’examen a débuté ce lundi au Sénat. Seulement, lors de l’examen en commission, la majorité sénatoriale de droite et du centre a réintroduit cette mesure à l’article 2 du projet de loi qui harmonisait les « droits et les devoirs » de l’ensemble des demandeurs d’emploi et des allocataires du RSA dans un « contrat d’engagement » entre l’allocataire et l’organisme de référence.

Selon la rédaction de la commission, confirmée en séance, pour être conclu entre les deux parties, ce « contrat d’engagement » devra fixer « une durée hebdomadaire d’activité d’au moins 15 heures, pour traduire l’intensité de l’accompagnement du demandeur d’emploi. » Ce ne sont ainsi pas simplement les allocataires du RSA qui seront finalement concernés, « même si ceux-ci doivent être mobilisés en priorité, mais à tous les demandeurs d’emploi signataires d’un contrat d’engagement et nécessitant un accompagnement, notamment les bénéficiaires de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) et les autres chômeurs de longue durée », précise la commission des Affaires sociales

« Nous voulions laisser la main aux organismes de référence »

Un dispositif qui n’a pour le moment pas convaincu le gouvernement. « Il ne s’agit pas de bénévolat obligatoire, mais bien d’un accompagnement, c’est pour ça que nous ne voulions pas en fixer les modalités dans la loi ou par du réglementaire, et laisser la main aux organismes de référence », a ainsi souligné Olivier Dussopt. Le ministre du Travail a aussi soulevé le risque qu’un bassin d’emploi ne soit pas en mesure de fournir 15 heures d’activité « adaptées » à tous les demandeurs d’emploi, ce qui ouvrirait à des problèmes d’équité, voire donnerait le flanc aux allocataires pour se retourner juridiquement contre l’Etat.

Plus fondamentalement, Olivier Dussopt a aussi défendu la nécessité d’une « atteinte progressive » de ce qui reste la « cible » du gouvernement de 15h à 20h d’activité, mais qui peut être une « marche difficilement accessible du premier coup » pour certains allocataires, a rappelé le ministre. « Notre proposition illustre à la fois la volonté de tenir compte des difficultés des plus éloignés, tout en permettant une intensité progressive et que la barre des 15h soit atteinte moins brutalement », a ainsi conclu Olivier Dussopt.

« Un peu de courage politique, assumez ce que vous demanderez demain aux allocataires du RSA »

Un retour au « en même temps » originel loin d’être couronné de succès, et qui rappelle les débuts du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, où – au Sénat – le gouvernement s’était souvent retrouvé pris en tenaille dans les clivages de « l’Ancien monde. » En l’occurrence, la majorité sénatoriale et la rapporteure LR du projet de loi, Pascale Gruny, ont défendu la rédaction de la commission, notamment puisque les signataires de ce « contrat d’engagement » auront « besoin de ce lien social, de se créer un réseau », d’après elle, et que « pour ceux qui sont proches de l’emploi », ces 15 heures d’activité seront « vite atteintes » par des recherches d’emploi notamment.

À gauche, en revanche, les groupes socialistes, communistes et écologistes ont tous fustigé une « mesure inutilement coercitive et bien trop rigide pour une partie des allocataires et leurs conseillers », selon les mots de la sénatrice écologiste Raymonde Poncet-Monge, qui ne sera d’après elle en outre « pas applicable. » La sénatrice socialiste Corinne Féret a, quant à elle, fustigé l’attitude « hypocrite » du gouvernement : « Au moins dans la position de la rapporteure, il n’y a pas d’hypocrisie, les choses sont posées. Au début vous avez affiché ces heures d’activité, maintenant il faudrait attendre la fin des expérimentations. Un peu de courage politique, assumez ce que vous demanderez demain aux allocataires du RSA. »

« Vous cédez à la mélenchonnisation des esprits »

Une charge qui a visiblement échaudé Olivier Dussopt, qui lui a retourné le compliment. « J’ai le sentiment que la seule chose qui compte pour vous Mme Féret c’est de vous opposer au gouvernement », a affirmé le ministre alors que son amendement allait d’après lui « dans le même sens » que ceux de la gauche, dont le but était de supprimer la référence aux « 15 heures d’activité hebdomadaire. » Signe d’après le ministre du Travail que le groupe socialiste au Sénat « cédait d’une certaine façon à la mélenchonnisation des esprits. »

Les débats sur le RSA se poursuivront ce mardi 11 juillet, avec une configuration semblable à ce lundi soir sur la question des sanctions applicables aux bénéficiaires du RSA. Dans son projet de loi, le gouvernement avait initialement créé une mesure de « suspension-remobilisation » dont le principe était de suspendre le RSA aux bénéficiaires qui auraient rompu leur contrat d’engagement, mais de verser rétroactivement les mois non perçus en cas de mise en conformité. La majorité sénatoriale a durci les conditions en commission en limitant à trois mois de RSA le versement rétroactif à l’issue d’une suspension-remobilisation. La gauche continuant de dénoncer une « infantilisation » et un « mépris » des allocataires.

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