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Agriculture : une commission d’enquête du Sénat propose de supprimer l’Agence Bio pour intégrer ses missions au ministère

« La coquille de l’Agence Bio apporte peu pour poursuivre et atteindre ses objectifs » de valorisation du bio, soutient la sénatrice LR Christine Lavarde, rapporteure de la commission d’enquête du Sénat sur les agences. Mais le sujet est sensible. « C’est purement scandaleux », dénonce le sénateur des Ecologistes, Daniel Salmon.
François Vignal

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C’est la 52e des 61 propositions de la commission d’enquête du Sénat sur les missions des agences et opérateurs de l’Etat : « Supprimer l’Agence Bio et réinternaliser ses missions ». La rapporteure de la commission, la sénatrice LR Christine Lavarde, a bien souligné, ce jeudi matin, qu’il ne fallait pas attendre des milliards d’euros d’économies par la suppression des agences, sauf à couper dans les politiques publiques. Elle défend avant tout des mutualisations, fusions, voire même quelques suppressions avec réinternalisation des politiques. C’est le cas de l’Agence Bio.

« Cette agence ne gère qu’une petite partie du financement public à l’agriculture bio, qui bénéficie de près de 700 millions d’euros »

« Cette agence ne gère qu’une petite partie du financement public à l’agriculture bio, qui bénéficie de près de 700 millions d’euros de crédits nationaux et européens en 2025. En conséquence, l’existence de cette agence ne se justifie pas et ses missions pourraient aisément être assumées par le ministère chargé de l’agriculture. La commission d’enquête propose donc de supprimer l’Agence Bio en tant qu’entité distincte de l’Etat et de ramener ses activités dans le ministère », peut-on lire dans le rapport.

Son « budget est extrêmement faible », avec « un peu plus de 20 millions d’euros, quand le soutien de l’Etat à l’agriculture biologique s’élève à plus de 700 millions d’euros », a développé ce matin Christine Lavarde lors d’une conférence de presse. Pour la sénatrice LR, il conviendrait de « remettre cette politique dans un organisme plus important, comme France AgriMer. […] La coquille de l’Agence Bio apporte peu pour poursuivre et atteindre ses objectifs », qui sont « de faire un plan de communication pour valoriser l’agriculture biologique ». Autrement dit, l’Agence Bio pourrait être supprimée, mais ses missions conservées. Reste à voir si les crédits le seraient, ou si ce serait l’occasion de quelques économies, alors que le gouvernement cherche plus de 40 milliards d’euros pour le prochain budget…

Le Sénat a déjà tenté de supprimer l’Agence Bio lors du dernier budget

Cette proposition de supprimer l’Agence Bio n’est pas anodine. On sait que le sujet est très symbolique, et par conséquent très sensible. Lors du dernier budget, la majorité sénatoriale avait justement supprimé l’agence, suscitant la polémique. L’Agence Bio avait finalement été conservée par le gouvernement dans la version finale du texte, mais amputée de 64 % de ses crédits, après le 49-3.

Auditionnée par la commission d’enquête au mois de mai, la directrice de l’Agence Bio, Laure Verdeau, avait tiré la sonnette d’alarme. Elle expliquait que l’agence avait déjà vu son « contrat d’objectifs et de performance » (COP) tronqué de presque 10 millions d’euros, passant de 18 à 8 millions de budget. « Une fois que nous aurons distribué les subventions attribuées l’année dernière, il nous restera 3 millions d’euros, pour 25 millions d’euros de demandes de subventions », expliquait la responsable de l’agence. Et d’alerter sur les conséquences de cet étau budgétaire, devenant un enjeu de survie pour l’Agence Bio : « On ponctionne notre trésorerie, nous avons plus ou moins un an d’espérance de vie devant nous. Mais après… »

« C’est une chasse à tout ce qui ressemble à la transition agroécologique »

S’il faudra attendre sûrement le prochain budget pour connaître le devenir de l’agence, la proposition de la commission d’enquête du Sénat passe mal chez les défenseurs du bio. « Je pense que c’est purement scandaleux. Car effectivement aujourd’hui, c’est une chasse à tout ce qui ressemble à la transition agroécologique. Ce n’est qu’un élément de plus parmi tous les reculs de ce gouvernement et les gouvernements précédents », réagit le sénateur Les Ecologistes d’Ille-et-Vilaine, Daniel Salmon, échaudé par le vote, la veille, par le Sénat, des conclusions de la CMP sur la proposition de loi Duplomb sur l’agriculture, qui réautorise les néonicotinoïdes.

« Ça avait commencé par l’arrêt de l’aide au maintien et on coupe en permanence dans le budget de l’agriculture bio. Or c’est la seule voie aujourd’hui pour se passer des engrais de synthèse, qui viennent en grande partie de Russie, qui sont de grands émetteurs de gaz à effet de serre, et pour se passer des pesticides qui nous empoisonnent dont les coûts cachés se chiffrent en dizaines de milliards d’euros », dénonce l’écologiste.

« On ne peut qu’être angoissé »

Présent en séance lors de la suppression de l’agence par la majorité sénatoriale de droite et du centre, Daniel Salmon rappelle que « le gouvernement avait donné un avis de sagesse. Depuis, il n’y a pas de signes forts pour aller en sens inverse, malgré parfois quelques déclarations de la ministre qui veut faire croire qu’elle soutient encore l’agriculture bio. Mais on voit bien pour qui ils roulent, avec le vote de la loi Duplomb au Sénat ».

S’il n’est pas « contre le toilettage ou la mutualisation de structures », l’écologiste soutient que « le bio a besoin de son indépendance et de travailler sur son image, écornée à coups de discours populistes, qui en ont fait pratiquement l’agriculture à abattre ». Il reconnaît que Christine Lavarde, au sein des LR, « est certainement l’une qui a encore une conscience écologique, mais avec un gouvernement qui n’en a nullement ». Pour Daniel Salmon, « on ne peut qu’être angoissé, car tout va dans le mauvais sens avec ce gouvernement ».

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