Au Sénat, la direction de l’Office français de la biodiversité fait part du « sentiment d’humiliation profonde » de ses agents

Depuis le début de la crise qu’ils traversent, les agriculteurs pointent fréquemment du doigt les relations tendues qu’ils entretiennent avec la police de l’environnement. Point central de leurs revendications : le désarmement des agents. Une « ligne rouge » pour la direction de l’OFB, auditionnée ce 20 mars au Sénat.
Rose-Amélie Bécel

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« Avec la crise agricole, nous venons de vivre des moments difficiles pour nos agents, qui se sont sentis attaqués, remis en cause dans leurs fonctions », a dénoncé ce mercredi devant les sénateurs Olivier Thibault, le directeur général de l’Office français de la biodiversité (OFB). « Les agents nous ont interpellé sur ce sentiment d’humiliation profonde qu’ils subissaient, de ne pas être reconnus dans leurs actions », s’est également inquiétée Sylvie Gustave dit Duflo, présidente du conseil d’administration de l’OFB.

Créé en 2020, l’office est chargé de veiller au respect des règles environnementales et joue notamment un rôle de police de l’environnement, sous la tutelle des ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique. Une mission de contrôle dénoncée par les syndicats agricoles majoritaires, dont les mobilisations ont eu lieu jusque devant les locaux de certaines agences.

Face à la colère des agriculteurs, Christophe Béchu a annoncé fin février une série de mesures pour « mieux organiser les relations entre l’OFB et les agriculteurs », proposant notamment à l’établissement de nouer des conventions localement avec les Chambres d’agriculture, ou encore de « constituer des volets de pédagogie » pour améliorer la perception des contrôles.

« Nos agents sont des policiers de l’environnement, pas des justiciers »

Fin janvier, la FNSEA et les Jeunes agriculteurs avaient adressé une liste de revendications à l’exécutif, parmi lesquelles figuraient le « désarmement des agents » de l’OFB. Si elle n’a pas été reprise par le gouvernement, de nombreux sénateurs ont profité de l’audition pour affirmer leur soutien à cette proposition, jugeant les méthodes de la police de l’environnement trop répressives.

Pierre-Jean Rochette, sénateur indépendant, a par exemple cité l’exemple d’un maire de son département de la Loire, « pris en charge dans des conditions dignes d’une série policière américaine », pour avoir « commis le crime d’arroser son stade de foot » en plein été. Daniel Gueret, sénateur Les Républicains, abonde dans le même sens : « En Eure-et-Loir, nous avons trois cas récents où des maires ont été convoqués comme de vulgaires délinquants, c’est inacceptable ! Le combat pour la biodiversité ne justifie pas cette façon de faire sur la forme. »

Sommée d’adopter une approche plus conciliante sur le terrain, c’est d’abord auprès des sénateurs que la direction de l’OFB a tenté l’exercice de pédagogie, rappelant notamment que la police de l’environnement n’a pas le pouvoir de placer des individus en garde à vue. « Nos agents sont des policiers de l’environnement, pas des justiciers. Lorsqu’ils procèdent à une convocation, il leur est imposé de procéder à un contradictoire, pas seulement à charge mais aussi à décharge. J’entends bien que, quand quelqu’un est convoqué, il a l’impression d’être au tribunal, mais ce n’est pas le cas », a expliqué Olivier Thibault.

Seulement 3 000 fermes contrôlées l’an dernier

La présidente du conseil d’administration de l’OFB l’a plusieurs fois affirmé, la remise en cause du port d’arme par ses agents est « une ligne rouge » : « La police de l’environnement reste une police, au-delà des contrôles sur les exploitations agricoles, elle intervient aussi pour lutter contre le braconnage, dans des missions contre les exportations illégales d’espèces… »

« Les agents de l’OFB sont ceux qui contrôlent le plus de personnes armées, puisque l’an dernier ils ont contrôlé plus de 45 000 chasseurs », ajoute Olivier Thibault, précisant que les agents « n’ont jamais sorti leur arme devant un agriculteur ». Le directeur général de l’office estime que la police de l’environnement suit « une formation initiale très poussée » au maniement des armes, sur une durée de neuf semaines. « Nos agents de terrain ont quatre formations obligatoires par an sur les gestes techniques d’intervention et le maniement des armes. Pour la police nationale, c’est deux fois par an, pour la gendarmerie ça doit être trois », indique-t-il.

Pour la direction de l’OFB, le sujet de l’armement des agents, mis en avant comme revendication principale des agriculteurs, n’est en réalité que marginal. Pour l’année 2023, seulement 3 000 fermes sur les 400 000 exploitations que compte la France ont fait l’objet de contrôles. « Nous passons une fois tous les 130 ans dans une exploitation pour des opérations de contrôles », affirme le directeur de l’OFB. Avec 1 700 agents sur tout le territoire, sénateurs et police de l’environnement s’accordent tout de même sur un point : l’agence manque de moyens, aussi bien humains que budgétaires, pour mener des actions plus pédagogiques et mieux perçues par les agriculteurs et les élus locaux. Sans renforcement de ces moyens, les annonces formulées par Christophe Béchu fin février risquent donc de rester lettre morte.

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