Manifestation contre l’autoroute A69. Demonstration against the A69 freeway

Autoroute A69 : après la mobilisation de ce week-end, où en est le projet ?

Les 21 et 22 octobre, les opposants au chantier de l’A69 étaient réunis pour une mobilisation sur le tracé de l’autoroute qui doit relier Castres à Toulouse. Où en est ce projet de plus en plus contesté ?
Rose Amélie Becel

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Ils étaient 10 000 selon les organisateurs, environ 5 000 selon la préfecture du Tarn, à manifester les 21 et 22 octobre, contre l’autoroute A69 entre Castres et Toulouse. Projet « anachronique » pour certains, « indispensable » pour d’autres, l’A69 n’en finit pas de diviser, notamment depuis le début des travaux en mars dernier. Atosca, constructeur du projet et exploitant de la future autoroute, espère sa mise en service pour 2025.

Longue de 53 kilomètres, cette 2 x 2 voies doit relier le bassin de Castres-Mazamet, dans le Tarn, à la métropole de Toulouse, en Haute-Garonne. Le trajet, d’une durée de près d’une heure et quart aujourd’hui via une route nationale gratuite, serait alors réduit à environ 45 minutes, selon le constructeur.

Un projet qui dure depuis près de 30 ans

Il faut remonter aux années 1990 pour voir les premières traces du projet routier. Selon le rapport d’enquête publique, publié en février 2023, l’Etat avait d’abord envisagé en 1994 un passage de la route en 2 x 2 voies. Mais à partir de cette date le projet piétine, seuls quelques travaux de contournement routiers sont réalisés dans deux communes. « Face à cette lenteur, l’Etat, avec l’assentiment des élus, a décidé de recourir à la concession pour accélérer la réalisation totale de la liaison », indique le rapport.

Après enquête, le projet est déclaré d’utilité publique en juillet 2018. Une étape administrative indispensable, qui permet notamment au constructeur de réaliser les expropriations nécessaires au déroulement du chantier. Ultime démarche administrative avant le début des travaux, l’autorisation environnementale a été délivrée au projet par les préfectures du Tarn et de la Haute-Garonne en mars dernier.

En septembre et octobre 2022, le Conseil national de protection de la nature puis l’Autorité environnementale – instances consultatives – avaient pourtant rendu des avis négatifs au sujet du projet autoroutier. Les recours juridiques contre l’A69 se sont ainsi multipliés, sans aboutir à une suspension du projet. Dernier en date, le 6 octobre, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté une requête en référé-suspension portée par quinze organisations, s’opposant à l’abattage de 200 arbres sur le chantier.

Désenclaver le sud du Tarn

Pour Philippe Bonnecarrère, sénateur centriste du Tarn, le projet est essentiel pour désenclaver le sud du département : « C’est un territoire qui n’a d’ouvertures que vers la métropole toulousaine, il est bordé par la montagne Noire qui bloque l’accès à la Méditerranée. Les autres villes moyennes de la région, Tarbes, Albi, Foix…sont reliées à Toulouse par une autoroute, Castres a les mêmes besoins. »

Dans une lettre de soutien publiée le 11 octobre, 900 élus du territoire – sénateurs, députés et maires – ajoutent à l’argument du développement économique celui de la sécurité routière. « Rien que depuis le début de l’année 2023, dans le Tarn, cinq personnes ont trouvé la mort au volant contre un arbre. L’A69 sécurisera les déplacements », indiquent-ils dans leur courrier.

L’opposition au projet d’autoroute est ainsi critiquée pour sa déconnexion avec les réalités du territoire. « L’opposition à l’A69 est une opposition de principe, nationale et non locale. Je conteste le fait que des gens qui ont accès à toutes les infrastructures autoroutières dans leur quotidien s’opposent à l’accès pour ceux qui n’en ont pas », dénonce Philippe Bonnecarrère.

Une autoroute trop chère ?

Thomas Dossus, sénateur écologiste du Rhône, ne partage pas le constat de son homologue. Présent lors de la manifestation des 21 et 22 octobre, mais également lors d’une mobilisation d’ampleur en avril dernier, l’élu dit avoir croisé de nombreux Tarnais et Tarnaises dans le cortège. « On ne désenclave pas un territoire avec une autoroute à 17 euros qui fait gagner 15 minutes de temps de trajet, les habitants ne sont pas dupes », conteste l’élu.

Pour relier Toulouse à Castres par l’autoroute, les automobilistes devront en effet débourser 8,47 euros, ce qui placerait l’A69 parmi les autoroutes les plus chères du pays. Le rapport d’enquête publique précédant l’autorisation environnementale du projet pointait d’ailleurs dans ses conclusions une « réserve » à ce sujet : « le coût du péage sera trop élevé voire inaccessible pour nombre d’usagers occasionnels mais aussi pour des utilisateurs réguliers bénéficiant de réductions, notamment par comparaison avec le cas de l’A68 ». Le rapport préconisait ainsi une réduction du coût du péage de 33 %, pour le moment non prise en compte.

Bataille d’opinions

Enfin, le projet est également décrié en raison de son impact environnemental. « Dérouler du bitume sur des hectares de zones agricoles, c’est un projet complètement anachronique et dangereux. La France s’engage dans une stratégie bas carbone et zéro artificialisation nette, mais à cette allure on ne tiendra pas nos objectifs », alerte Thomas Dossus. Un avis partagé par de nombreux scientifiques, à l’image des 200 chercheurs de l’Atécopol (Atelier d’écologie politique ) de Toulouse, auteurs d’une tribune demandant l’arrêt immédiat des travaux. « Alors que Toulouse a battu son précédent record de chaleur de pratiquement 2°C, et tandis que la France continue d’affirmer son souhait de respecter ses engagements climatiques internationaux, nous nous demandons sincèrement ce qui peut justifier de continuer un tel projet contre l’avis des scientifiques et des citoyen·nes », s’interrogent-ils.

Une opposition qui semble aussi se concrétiser dans l’opinion publique. Le 19 octobre, un sondage Ifop réalisé pour l’association Agir pour l’environnement auprès des habitants du Tarn et de la Haute-Garonne révèle que 61 % des habitants des deux départements sont favorables à l’abandon du projet. Ils sont également plus de 80 % à demander l’organisation d’un référendum local sur le sujet. Des chiffres critiqués par Philippe Bonnecarrère : « Si les opposants avaient souhaité recueillir l’avis des principaux concernés, ils auraient seulement sondé les 200 000 habitants du sud du Tarn. Les habitants du reste du département et de la Haute-Garonne bénéficient déjà d’un réseau autoroutier considérable. »

La question du référendum local n’est, dans tous les cas, pas à l’ordre du jour. Lundi 16 octobre, le ministre délégué chargé des Transports Clément Beaune l’a réaffirmé : « le gouvernement conduira le projet jusqu’à son terme ».

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