ZAD AUROROUTE

Autoroute Toulouse-Castres : « C’est un projet en contradiction totale avec les engagements récents de la France » estime le sénateur écologiste Thomas Dossus

Ce samedi 22 avril, plusieurs associations écologistes se rejoignent à Saïx pour protester contre la construction d’une autoroute entre Toulouse et Castres. Après les événements de Sainte-Soline, le rassemblement est particulièrement scruté par les pouvoirs publics.
Henri Clavier

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Le projet, qui vise à relier Toulouse et Castres par une autoroute d’une cinquantaine de kilomètres, est né il y a une quarantaine d’années. Il découle d’une demande des sud Tarnais qui estime subir un enclavement de son territoire. Alors que la région est économiquement très liée à l’agglomération toulousaine, les habitants de Castres pointent le fait que leur ville reste l’une des seules agglomérations de plus de 100 000 habitants à ne pas être reliée à la capitale régionale par une autoroute. Le projet débute finalement le 6 mars 2023 et doit se conclure en 2025. Si, selon un sondage Odoxa, 75 % des habitants du sud Tarn sont favorables à la construction de l’autoroute, le projet ne fait pas l’unanimité dans la région.

Le projet génère une contestation importante, notamment à cause du tracé de l’autoroute qui empiète sur plusieurs zones humides et prévoit la perte d’un peu plus de 300 hectares de terres agricoles. Depuis plusieurs mois, le collectif « La voie est libre » organise des actions d’opposition au projet d’autoroute. En octobre une marche avait été organisée sur le tracé de l’autoroute. « La voie est libre » a reçu le soutien de plusieurs associations écologistes (Extinction rébellion, France Nature environnement ou les soulèvements de la Terre) mais aussi de partis politiques (EELV, LFI) et d’élus locaux, notamment des maires dont les communes se trouvent sur le tracé du projet d’autoroute.

« L’enjeu c’est le désenclavement de tout le sud du Tarn »

Mais alors ce projet d’autoroute est-il vraiment nécessaire ? « L’enjeu c’est le désenclavement de tout le sud du Tarn, Castres a connu un gros développement économique mais aujourd’hui la liaison avec Toulouse est indispensable pour désenclaver le territoire », estime Pierre Médevielle, sénateur Les Indépendants – République et Territoires de Haute-Garonne, également vice-président de la commission de l’aménagement du territoire au Sénat. Par ailleurs l’autoroute présenterait d’autres avantages comme « un renforcement de la sécurité sur la route puisqu’il s’agit actuellement d’une portion dangereuse » et un « gain de 25 minutes sur un trajet », appuie Pierre Médevielle.

La Direction régionale de l’environnement de l’aménagement et du logement (DREAL) d’Occitanie, services déconcentrés de l’Etat en charge de la gestion des politiques d’aménagement du territoire,  pointe effectivement une route particulièrement sujette aux accidents de circulation mais annonçait un gain de temps de 35 minutes. Une estimation optimiste, loin d’être partagée puisque selon Thomas Dossus, sénateur Ecologie – Solidarité et Territoires du Rhône, « le projet ne permet de gagner entre 10 et 15 minutes ». « Les alternatives n’ont jamais été sérieusement étudiées », regrette Thomas Dossus qui déplore l’impact environnemental du projet. Surtout, dans un contexte de réduction globale des émissions de gaz à effet de serre, les alternatives sont bien connues. « Il y a des alternatives évidentes avec le ferroviaire dont la cadence peut tout à fait être renforcée, on pouvait aussi développer cette solution pour le fret », explique Thomas Dossus.

« La solution ferroviaire n’était pas suffisante, il aurait fallu des investissements énormes pour la ligne et puis ce n’est pas une ligne à grande vitesse entre Toulouse et Castres », estime Pierre Médevielle qui martèle « la nécessité de l’interconnexion avec la métropole ».

« Si on répond à chaque problème d’enclavement par un projet routier, on prépare les futurs Gilets Jaunes »

Entre les deux camps, la communication reste difficile, et reflète avant tout une différence de priorités. « Il s’agit d’un tronçon absolument essentiel, notamment pour le développement économique de la région », juge Pierre Médevielle qui estime que l’opposition au projet « est vécue comme une injustice pour les Castrais ».

Loin de remettre en cause la nécessité d’offrir une meilleure connexion entre Toulouse et Castres, les associations écologistes et les partis politiques opposés dénoncent, avant tout, la dimension anachronique du projet et les signaux contradictoires qu’il transmet.  « C’est un projet en contradiction totale avec les engagements récents de la France, que cela soit la réduction des émissions de gaz à effet de serre au niveau européen ou l’adoption du zéro artificialisation nette. Ce projet est anachronique, il faut sortir du « tout voiture », estime Thomas Dossus. Ce dernier explique que « chez EELV on a demandé un moratoire sur le sujet pour chaque projet routier afin d’évaluer si c’est vraiment utile pour le désenclavement. Ce sont des choses qui existent ailleurs comme en Ecosse ». Une logique qui consiste à envisager un projet routier seulement lorsqu’il connaît une forte valeur ajoutée pour la population, sans se faire au détriment de l’environnement et lorsque d’autres options ne peuvent être utilisées. Une démarche qui repose aussi surtout sur l’anticipation de la réduction du recours aux voitures. « Si on répond à chaque problème d’enclavement par un projet routier, on prépare les futurs Gilets Jaunes », prévient Thomas Dossus.

« Ça va impacter quelques zones humides, mais ça va être replanté au double, des efforts sont faits pour rendre à la nature ce qui est à la nature », rassure Pierre Médevielle, qui considère néanmoins « que l’opposition prend des formes trop radicales ».

« On met la pression sur les organisateurs pour décourager les participants »

Si l’importance et la médiatisation de la manifestation font largement penser à Sainte-Soline, le contexte devrait être différent. « Le lien est fait avec le préfet, la manifestation est déclarée et pacifique et tout va bien se passer », informe Thomas Dossus. Le 5 avril dernier, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin se voulait alarmiste en désignant l’autoroute Toulouse-Castres comme potentiel lieu d’installation d’une ZAD (Zone à défendre). Le ministre de l’intérieur a néanmoins souligné, ce matin sur Franceinfo, la différence entre les deux manifestations, celle contre l’autoroute Castres-Toulouse étant autorisée.

Une certaine méfiance domine pourtant. « On met la pression sur les organisateurs pour décourager les participants, comme le ministre l’a fait en parlant de ZAD. On espère que les policiers et gendarmes ne seront pas déployés pour générer des images violentes », met en garde Thomas Dossus qui avait interpellé Gérald Darmanin sur sa doctrine du maintien de l’ordre après les événements de Sainte-Soline.

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