Tractor plowing fields -preparing land for sowings

Budget 2024 : le gouvernement renonce à la hausse des taxes sur les pesticides et l’irrigation en agriculture

Après une réunion avec des représentants de la FNSEA, Elisabeth Borne a décidé de renoncer à la hausse d’une taxe sur la vente de pesticides et d’une redevance sur l’irrigation, initialement prévues dans le budget 2024. Ces augmentations devaient au départ financer le plan eau, annoncé en mars dernier par Emmanuel Macron. Au Sénat, si certains saluent une bonne nouvelle pour les agriculteurs, d’autres s’inquiètent pour la pérennité du plan eau.
Rose Amélie Becel

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Mardi 5 décembre, les présidents de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs, Arnaud Rousseau et Arnaud Gaillot, avaient rendez-vous avec la Première ministre. Sur la table des discussions à Matignon, la question de la hausse des charges qui pèsent sur la profession, dénoncée depuis plusieurs semaines lors de manifestations d’agriculteurs partout en France. À l’issue de cette rencontre fructueuse, Elisabeth Borne a annoncé que le gouvernement renonçait à la hausse des taxes sur les pesticides et sur l’irrigation, inscrites dans le projet de loi de finances pour 2024.

« C’est une mesure de bon sens, on ne peut pas dire d’un côté qu’on veut une agriculture compétitive et de l’autre augmenter les charges. Ces taxes s’additionnent à beaucoup d’autres qui pèsent déjà sur les agriculteurs », estime le sénateur LR Laurent Duplomb. Fin novembre, l’article 16 du projet de loi de finances qui contenait ces hausses de taxes avait déjà été supprimé par la chambre haute, en raison d’un amendement du rapporteur général de la commission des finances Jean-François Husson (LR).

« La hausse de cette redevance était incompréhensible »

La première mesure initialement proposée par le gouvernement prévoyait une augmentation de 20 % de la redevance pour pollution diffuse (RPD), une taxe perçue sur les ventes de pesticides. En application du principe pollueur-payeur, cette redevance sert à financer les programmes de traitement des eaux des Agences de l’eau ainsi que les mesures du plan Ecophyto, qui prévoit de réduire de moitié l’usage des pesticides d’ici à 2030. La hausse de la RPD devait ainsi rapporter 37 millions d’euros de recettes supplémentaires en 2024.

« Les agriculteurs contribuent déjà à hauteur de 180 millions d’euros aux politiques de réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires via la RPD. Aujourd’hui, nous avons déjà supprimé quasiment – pour ne pas dire toutes – les molécules dangereuses, la hausse de cette redevance était incompréhensible », défend Laurent Duplomb.

Pour autant, selon une étude sur la qualité de l’eau potable, produite en 2021 par l’UFC-Que Choisir, les pollutions agricoles restent le premier facteur de contamination de l’eau potable en France. « Le coût de la dépollution des pollutions agricoles représente entre 750 millions et 1,3 milliard d’euros par an, intégralement financé par les consommateurs via leurs factures d’eau », ajoute le rapport. Un constat partagé par le sénateur écologiste Daniel Salmon, qui ne cache pas « une vraie colère » face au rétropédalage de la Première ministre : « Après les décisions de réautorisation du glyphosate au niveau européen, le gouvernement envoie de nouveau le très mauvais signal que la question de la réduction des pesticides n’est pas prioritaire ».

« Une véritable menace pour le financement du plan eau »

La seconde mesure à laquelle le gouvernement a renoncé devait permettre d’augmenter le montant de la redevance pour le prélèvement de l’eau par les agriculteurs irrigants, pour un total de 10 millions d’euros de recettes. Selon un rapport de la Cour des comptes publié cet été, la contribution de l’agriculture à cette redevance s’établit aujourd’hui à 6 %, alors que le secteur représente 58 % de la consommation d’eau sur le territoire.

La hausse de ces deux taxes sur le secteur agricole devait ainsi permettre de financer une partie du plan eau. Annoncé par Emmanuel Macron en mars dernier, il vise à encourager une meilleure gestion de la ressource pour parvenir à 10 % d’économie d’eau d’ici 2030. Dans son volet finances, le plan prévoit de doter les Agences de l’eau de 475 millions d’euros supplémentaires chaque année. Pour le sénateur socialiste Hervé Gillé, auteur cet été d’un rapport d’information sur la gestion de l’eau, l’annonce d’Elisabeth Borne sonne ainsi comme « une véritable menace pour le financement du plan eau ». Pourtant, selon le sénateur, la hausse des dotations à destination des Agences de l’eau est nécessaire pour mener une politique de sobriété, alors que la ressource en eau se raréfie : « Un des sujets les plus importants aujourd’hui, c’est qu’environ un cinquième de l’eau se perd en raison de fuites dans les réseaux. Mais financer leur rénovation est très coûteux, c’est ce que doit permettre la hausse des redevances. »

Au final, les annonces d’Elisabeth Borne épargnent ainsi le secteur agricole d’une contribution au financement du plan eau. Une question reste donc pour le moment en suspens : qui payera la facture ? « Soit les objectifs du plan eau risquent d’être amoindris, soit cette hausse des redevances devra peser davantage sur les usagers lambdas ou sur les industriels », analyse Hervé Gillé. Une nouvelle hausse des factures d’eau pour les ménages n’est donc pas à exclure.

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