« Ça brûle au Canada, ça brûle en Suède, on va tous brûler sauf si on fait des lois pour nous protéger sur le long terme », alerte cette eurodéputée suédoise 

Alors que début juin des records mondiaux de températures ont été relevés par le système européen de surveillance satellitaire Copernicus, comment l’Europe se prépare-t-elle à faire face aux incendies? Alors que la situation est déjà préoccupante dans plusieurs pays européens, l’Union européenne tente de mieux coordonner son action et ses moyens pour faire face aux feux de forêt qui se multiplient.
Marie Bremeau

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L’Espagne est en alerte rouge depuis plusieurs mois déjà. Le pays détient le triste record de surfaces brûlées depuis le début de l’année, avec plus de 54 000 hectares contre 17 126 hectares sur la même période en 2022. Et la péninsule ibérique n’est pas un cas isolé, comme le relate Irène Tolleret, eurodéputée française (Renew) et vigneronne dans l’Hérault.  « Dans ma région [l’Occitanie], nous sommes en risque incendie toute l’année, 24h sur 24, 365 jours par an, ce qui n’était pas le cas il y a une dizaine d’années. »

Le centre et le nord de l’Europe aussi touchés

Et la situation préoccupante n’est plus circonscrite qu’au sud du vieux continent. « Là, en ce moment on voit que le centre et le nord de l’Europe sont aussi atteints d’un risque réel de feux de forêt », affirme Borja Migueles, chef d’unité adjoint au sein du centre de coordination de la réaction d’urgence. Il dirige notamment une cellule d’analyse constituée par des experts des Etats membres et des experts scientifiques « pour avoir un œil très précis et ciblé sur les feux de forêt de juin à septembre ».

« Les effets du changement climatique »

Dès 2018, même la Suède a connu des incendies hors de contrôle qui ont ravagé plus de 25 000 hectares. « Avant dans les pays nordiques, on ne connaissait pas [ces situations de risques d’incendie], et je pense que maintenant les gens se rendent vraiment compte des effets du changement climatique », soutient Malin Björk, eurodéputée suédoise (La Gauche).  « Parce que là, c’est la combinaison des températures beaucoup plus élevées, de manière plus soutenue, et du manque de pluie, donc la sécheresse. Tout ça ensemble fait qu’en Suède désormais il y a des périodes ou l’on doit arrêter les travaux avec des machines dans les forêts parce qu’il peut y avoir une petite étincelle et hop ça part en feu. »

Des bons outils grâce à l’UE

Ainsi pour affronter la période estivale, l’Union européenne a doublé la capacité de sa flotte de lutte contre les incendies avec 28 avions et hélicoptères au total. « C’est une flotte aérienne qui complète celles des Etats membres, et on la mobilise quand les capacités de chaque pays sont insuffisantes pour faire face à un feu de forêt ou à une accumulation de feux de forêt. On est aussi en train de développer des activités plus innovantes, comme le prépositionnement de pompiers dans différents pays, notamment cette année au Portugal en France et en Grèce », précise Borja Migueles. Une politique coordonnée saluée par Irène Tolleret. « Un incendie, on a un quart d’heure pour essayer de le circonscrire, sinon ça devient un incendie qui peut s’étendre. Donc le fait d’avoir des bons outils c’est essentiel et c’est grâce à l’UE. »

« C’est comme avoir des petits sparadraps pour une grande blessure »

Mais peut-on mieux prévenir pour ne pas guérir ? A cette question, l’élue de la gauche suédoise, Malin Björk répond clairement oui, et enjoint Bruxelles et les Etats membres à accentuer un peu plus leur politique de lutte contre le réchauffement climatique. « Si on n’ose pas s’attaquer aux problèmes de base, notamment le changement climatique, la biodiversité et la protection de la nature, alors là je pense que c’est comme avoir des petits sparadraps pour une grande blessure. Notre travail c’est de dire aux citoyens : on fait telle loi, telle loi et telle loi, qui vont protéger la nature et le climat et qui donc seront moins vulnérables aux feux. Ça brûle au Canada, ça brûle en Suède, on va tous brûler sauf si on fait des lois pour nous protéger sur le long terme. »

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Nouveau Plan Ecophyto : au Sénat, la droite applaudit et les écologistes dénoncent un « grand recul »

C’était une des victimes de la grogne des agriculteurs, en janvier et février dernier. Le plan Ecophyto, troisième du nom, qui avait pour objectif de réduire de moitié le recours aux pesticides d’ici à 2030 par rapport à la période 2011-2013, avait été « mis sur pause » le 1er février. Il était décrié par les agriculteurs, qui manifestaient leur colère contre l’excès de normes et le manque de rentabilité de leurs activités. Une nouvelle version du plan devait voir le jour pour le Salon de l’agriculture, fin février. C’est finalement le 6 mai qu’il sera présenté. Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture, en a présenté les grandes lignes dans un entretien au Parisien, ce vendredi 3 mai. Plan Ecophyto quatrième version : un nouvel indicateur Sur le papier, le nouveau plan Ecophyto ne change pas son objectif : réduire de moitié le recours aux pesticides d’ici à 2030, par rapport à la période 2011-2013. Ce qui change, c’est l’indicateur utilisé. Alors que depuis 2008 et le premier plan Ecophyto, c’était un indicateur français, le NoDU (Nombre de doses unités), qui était utilisé pour comptabiliser la quantité de pesticides utilisés chaque année, ce sera dorénavant le HRI-1 (Harmonized Risk Indicator, indicateur de risque harmonisé), un indicateur européen, qui sera utilisé. Gabriel Attal avait annoncé ce changement le 21 février dernier. Du NoDU au HRI-1 : qu’est-ce que cela change ? Ce changement d’indicateur est l’un des principaux enjeux de ce plan. En effet, le mode de calcul est différent d’un indicateur à l’autre. Le NoDU se base, pour chaque substance, sur les doses maximales autorisées par hectare pour chaque produit phytosanitaire. C’est une addition des surfaces (en hectares) qui seraient traitées avec les doses de référence. C’est une statistique au calcul complexe, décrié par certains syndicats agricoles. Pour Laurent Duplomb, sénateur LR de la Haute-Loire, il est « catastrophique ». Il ne mâche pas ses mots : « Il a été imposé par des écolos dogmatiques avec un objectif de sortie totale des phytosanitaires ». Le HRI-1, lui, prend la masse des produits phytosanitaires vendus en France et les pondère par un coefficient prenant en compte la dangerosité de chaque produit. Il en existe quatre : 1, 8, 16 et 64, ce dernier correspondant au plus haut niveau de dangerosité. Marc Fesneau se félicite de ce changement : « Si l’on n’utilisait pas le même indicateur que nos voisins, à quoi cela servirait-il ? C’est comme si, pour notre objectif climatique de réduction d’émissions de CO2, nous avions notre propre calculateur et le reste de l’Europe un autre », expliquait-il au Parisien ce matin. Si le HRI-1 permet de donner un poids plus important aux produits les plus nocifs, il présente des défauts. Ses coefficients, qui ne reposent pas sur un calcul scientifique, peuvent être jugés comme artificiels. C’est l’avis d’un ensemble de scientifiques, membres du Comité Scientifique et Technique du plan Ecophyto qui, dans un article au média The Conversation du 21 février dernier, alertait sur « la nécessité de conserver un indicateur prenant en compte les doses d’usage, tel que le NoDU ». C’est aussi l’avis de Daniel Salmon, sénateur écologiste de l’Ille-et-Vilaine. « Aucun indicateur n’est parfait, mais il fallait combiner le NoDU et le HRI-1. C’est possible dans les directives européennes. Si on change d’indicateur en cours de route, on fausse toutes les références, on  va constater une baisse significative qui ne correspond pas à la réalité » explique-t-il à publicsenat.fr. Le nouveau plan Ecophyto : réduire les pesticides nocifs Même si, sur le papier, l’objectif du plan Ecophyto dernière version ne change pas, avec ce nouvel indicateur, son interprétation se déplace. Il passe d’une réduction des pesticides en général, à une réduction des pesticides dangereux. Avec cette nouvelle version, le gouvernement cible les produits qui peuvent se voir interdits par l’Union européenne d’ici trois à cinq ans. Une stratégie que revendique Marc Fesneau dans Le Parisien : « Affirmer que les pesticides sont dangereux, c’est une généralité approximative. Et c’est justement pour ça qu’on en réglemente les usages. Si on les a classés par niveau de dangerosité, c’est bien que certains sont dangereux et d’autres ne le sont pas ou plus faiblement. L’objectif de la stratégie est de mieux connaître le risque de leur usage pour la santé et de le réduire ». Une affirmation avec laquelle Daniel Salmon est en profond désaccord. « On entend la petite musique selon laquelle il y a des bons et des mauvais pesticides. Il y a certes des pesticides plus dangereux que les autres, mais ils sont tous toxiques car ils tuent tous du vivant. Il n’y a pas de pesticide qui soit anodin » confie-t-il. Les autres mesures Autre nouveauté du plan Ecophyto, quatrième version, c’est la concrétisation de la doctrine « pas d’interdiction sans alternative », revendiquée entre autres par la FNSEA. Le ministre de l’Agriculture a en effet annoncé la provision de 250 millions d’euros par an, dont 150 pour financer la recherche de solutions alternatives aux produits phytosanitaires les plus dangereux, qui auront vocation à être interdits. Si Daniel Salmon n’est pas complètement opposé à cette mesure, pour lui, les alternatives doivent être « bien étudiées ». Pas question que cela ne permette de développer de nouvelles molécules. « La recherche doit aussi se faire sur les causes. Les nouveaux ravageurs se développent parce que leur environnement change, et on doit comprendre pourquoi ils pullulent : il y a le réchauffement climatique mais aussi la chute de la biodiversité », ajoute-t-il. Du côté des LR, la somme convient : « 250 millions, c’est ce que je proposais », explique Laurent Duplomb, « mais il faut se poser les bonnes questions ». Pour le sénateur qui est aussi agriculteur, cet argent doit aller aussi à des initiatives incluant les agriculteurs, comme les fermes Dephy, qui cherchent à réduire l’usage de pesticides en développant des alternatives. Enfin, le nouveau plan Ecophyto contient une partie indemnisation, pour les riverains et les victimes de pesticides. « [Ce plan] prend les gens pour des imbéciles » La nouvelle mouture du plan est loin de satisfaire les écologistes et l’association de défense de l’environnement Générations Futures. Pour elle, l’abandon du NoDU, c’est « casser le thermomètre pour faire baisser la fièvre ». « Le HRI1 est un indicateur trompeur puisqu’il affiche une baisse de 32 % entre 2011 et 2021 alors que le NoDU a, lui, augmenté de 3 % de l’usage des pesticides pendant la même période », explique-t-elle dans un communiqué du 3 mai. « [Ce plan] prend les gens pour des imbéciles en prétendant ne rien avoir changé à la politique de réduction des pesticides en France ! », peut-on y lire. Son porte-parole François Veillerette, regrette : « La France a longtemps été considérée à l’avant-garde des pays portant une ambition de réduction des pesticides. Avec cette nouvelle stratégie elle rejoint les pays qui mettent tout en œuvre pour que rien ne change, faisant régresser notre pays de 15 ans ! ». Daniel Salmon partage la même colère. « C’est un très mauvais plan », juge-t-il, « c’est un grand recul malgré l’enfumage du ministre. Les producteurs de phytosanitaires ont gagné la bataille contre l’opinion publique et les agriculteurs ». « Quand j’entends le ministre, j’ai l’impression que ce sont mes mots » Du côté droit de l’hémicycle, le plan est bien accueilli. « Enfin ! », se réjouit le sénateur Les Indépendants de la Haute-Garonne Pierre Médevielle, « il était temps d’harmoniser les politiques et de parler d’une seule voix en Europe, pour que nous soyons crédibles ». Sur les pesticides, l’élu se veut mesuré dans sa position : « On ne peut pas vider la trousse à pharmacie, mais il faut arriver à restaurer la confiance ». Il plaide pour une approche « prudente mais réaliste », à l’encontre d’une « écologie punitive ou d’une écologie idéaliste ». « Quand j’entends le ministre, j’ai l’impression que ce sont mes mots », se réjouit Laurent Duplomb. Pour autant, l’élu dit ne pas se faire d’illusions : « Je n’ai rien à enlever à ce qu’il a dit. 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