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Climat : la COP30 face à « un contexte géopolitique d’obstruction de la politique climatique »

Dix ans après la signature de l’accord de Paris, la COP30 des Nations Unies sur le climat se tiendra à Belém, en Amazonie brésilienne, du 10 au 22 novembre. L’occasion de faire un point d’étape sur l’objectif fixé en 2015 de maintenir le réchauffement sous la barre des 1,5°C.
Aglaée Marchand

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C’est une COP « emblématique », qui se réunira au Brésil à compter de la semaine prochaine, veut croire la climatologue et directrice de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) Françoise Vimeux. En amont de cette grand-messe climatique, les pays conviés doivent remettre leurs engagements jusqu’à 2035, soit les contributions déterminées au niveau national (NDC), et revoir à la hausse leurs ambitions pour les dix prochaines années. Une obligation à laquelle ils sont assignés tous les cinq ans, explique la spécialiste, afin de se rapprocher le plus possible de l’objectif fixé par l’accord de Paris, avec 195 signataires : maintenir le réchauffement climatique sous la barre des 1,5 °C, « auquel il est presque utopiste aujourd’hui de continuer à croire », prévient la climatologue. Pour l’heure, « on est vraiment dans le dur, car les émissions globales continuent à augmenter, de l’ordre de 1 % par an, même si c’est moins rapide qu’il y a dix ou vingt ans. L’espoir de la COP30, c’est que les engagements pris nous mettent sur une trajectoire de stabilisation, puis de diminution de nos émissions, d’ici 2035 », explique Françoise Vimeux.

Ceux déjà soumis, une petite centaine sur les 200 attendus, laissent entendre qu’ « il y aurait une inflexion de la courbe estimée à environ 10 % à l’horizon 2035, par rapport à leur niveau de 2019. C’est une bonne nouvelle, mais ces chiffres restent insuffisants pour respecter l’accord de Paris ». En réalité, pour rester sous le seuil des 1,5 °C, « il faudrait une réduction de 60 % d’ici 2035, par rapport à 2019 ». Et pour les 2 °C : « C’est plutôt 40 % », complète la climatologue. Si « la fenêtre d’opportunité se referme », Françoise Vimeux ne veut pas baisser les bras : « Chaque engagement qui atténue le réchauffement climatique est bon à prendre. Évidemment, au-delà des 2 °C, l’adaptation devient dure voire impossible pour certains secteurs et territoires, mais si on ne parvient pas à rester sous le seuil des 2 °C, alors il faut viser les 2,1 °C. Avec les politiques de mitigation [ndlr : d’atténuation des effets du changement climatique], on a déjà gagné un degré, ça montre que ça fonctionne, juste pas assez vite ».

« Nous sommes à des moments charnières de la coordination internationale »

Mais ce n’est pas tout. Le menu de la COP30 se veut bien rempli cette année, avec aussi sur la table : la protection des forêts tropicales alors que la réunion se tient aux portes de l’Amazonie, la transition vers la sortie organisée des énergies fossiles dont la feuille de route a été établie à Dubaï (en 2023), le renforcement de cent indicateurs de suivi des efforts d’adaptation, la mise en œuvre d’un programme de travail sur la transition juste et la réactualisation des financements à destination des pays les plus vulnérables, dans la continuité de Bakou (en 2024), énumère la paléoclimatologue, membre du Haut Conseil pour le Climat et ancienne coprésidente du groupe n°1 du GIEC Valérie Masson-Delmotte. En somme, « nous sommes à des moments charnières de la coordination internationale. Il n’y a plus de points à finaliser de l’accord de Paris, nous sommes maintenant sur des enjeux de mise en œuvre concrète ».

Certains restent toutefois en suspens, à l’instar de l’avis consultatif de la Cour internationale de justice rendu en juillet dernier, qui a estimé que la violation des obligations climatiques constitue « un fait internationalement illicite », engageant la responsabilité des États. Valérie Masson-Delmotte s’étonne aussi de l’absence de considération pour « le droit des enfants, impactés fortement par le changement climatique », étant plus vulnérables « par leur fragilité », et « la discontinuité dans l’accès à l’éducation » qui touche certains, lors d’événements météorologiques extrêmes. « C’est une perte de chance pour les enfants », déplore la membre du Haut Conseil pour le Climat.

« Les engagements de l’Europe [ne] pourraient compenser complètement le départ des États-Unis »

Les délégations vont avoir du pain sur la planche. Qui plus est, « dans un contexte géopolitique d’obstruction et de destruction de la politique climatique », avertit Valérie Masson-Delmotte, et avec « la montée en puissance de mouvements populistes d’extrême droite qui propagent la désinformation et le déni ». Second émetteur mondial, derrière la Chine, les États-Unis quitteront l’accord de Paris en janvier 2026, et ont annoncé ne pas envoyer de représentants de « haut niveau » à cette COP. Un climatoscepticisme revendiqué, qui pourrait avoir « un effet boule de neige », estime Françoise Vimeux, chez certains pays pétroliers, mais aussi du côté d’États au discours jusqu’à présent « plus édulcoré », qui pourraient s’engager dans la même voie que Donald Trump.

Les yeux se tournent aussi vers l’Europe, où les ministres de l’Environnement des États membres sont réunis ce mardi 4 novembre à Bruxelles pour tenter d’aboutir à une entente, à l’unanimité, sur la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre en 2035 et 2040. Ils avaient soumis en septembre l’idée d’une fourchette de diminution comprise entre -66,25 % et -72,5 % en 2035, par rapport à 1990. Alors que les pays européens se sont davantage attachés aux enjeux de défense ces derniers mois, le bras de fer semble difficile entre les Vingt-sept. « C’est préoccupant », regrette Françoise Vimeux, « on peut s’attendre probablement à une position de l’Europe à l’avant-garde, comme elle l’a toujours été, mais c’est un peu moins le cas ces dernières semaines, puisque les États n’arrivent pas à se mettre d’accord sur l’horizon 2040 ». Jusqu’à présent, l’UE avait pourtant « annoncé de fortes ambitions avec des jalons fermes pour atteindre la neutralité en 2050, et baisser de 90 % les émissions en 2040, par rapport à 1990 ». « Il ne faudrait pas que la France, ou l’Europe, perdent de leur superbe ». La directrice de recherche à l’IRD anticipe néanmoins : « Il serait illusoire de penser, dans tous les cas, que les engagements de l’Europe et de la Chine pourraient compenser complètement le départ des États-Unis ».

Pour Valérie Masson-Delmotte, cette réunion à Belém demeure « l’occasion de montrer qu’une très large partie de la population mondiale souhaite une action résolue et collective de protection du système climatique ». « On a tendance à mettre en avant ce qui est clivant et à passer sous silence cet aspect-là : la COP montre la mobilisation importante de la société civile ». Sans oublier, « la place accordée aux faits scientifiques », « le Brésil, avec l’Unesco et l’ONU, a mis en place une réflexion autour de l’intégrité de l’information climatique ».

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