Brazil Climate COP30
AP Photo/Eraldo Peres

Climat : l’UE s’accorde à la dernière minute sur une feuille de route avant la COP30, au prix de plusieurs compromis

Les Vingt-Sept sont parvenus à s’entendre sur leur objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2040, et sur un nouveau plan climatique pour 2035, aux termes d’intenses négociations. Des accords moins ambitieux que prévu, adoptés juste à temps pour la COP30 qui s’ouvre lundi au Brésil, et doit donner une nouvelle impulsion face aux reculs de nombreux pays.
Aglaée Marchand

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Un marathon de négociations, dans une réunion de la dernière chance. Il a fallu près de vingt heures aux pays européens pour aboutir à une entente. Mercredi 5 novembre au petit matin, les ministres de l’Environnement se sont prononcés sur leurs contributions déterminées au niveau national (NDC), réclamées tous les ans en amont de la COP, depuis l’accord de Paris signé en 2015. Afin de se rapprocher le plus possible de l’objectif de rester sous la barre des 1,5°C, l’UE a acté un projet de réduction des émissions de gaz à effet de serre situé entre 66,5 % et 72,5 % à l’horizon 2035, par rapport à 1990. La position des Vingt-sept était attendue, alors que l’Europe a toujours plutôt été « à l’avant-garde » dans la lutte contre le réchauffement climatique, expliquait à Public Sénat la climatologue et directrice de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) Françoise Vimeux, en début de semaine. « Il ne faudrait pas que la France, ou l’Europe, perdent de leur superbe », s’inquiétait-elle. Si l’UE n’arrivera finalement pas les mains vides à Belém, elle a misé sur une fourchette large, moins ambitieuse que prévu. Seule voie pour la voir adopter, non sans douleur.

Opposition de la Hongrie, de la Slovaquie, de la République tchèque et de la Pologne

Si les NDC ne sont pas juridiquement contraignantes, l’objectif visant à réduire les émissions dans l’UE de 85 % d’ici à 2040, lui l’est. S’il était initialement envisagé à 90 %, une diminution supplémentaire de 5 % obtenue par l’externalisation des réductions d’émissions à l’étranger par l’achat de crédits carbone internationaux, a finalement été décidée, un dispositif pourtant très critiqué par les organisations environnementales. Une évaluation du texte tous les deux ans a aussi été prévue, moyennant une clause de révision possible à certaines conditions, si la politique climatique se révèle néfaste pour l’économie européenne. L’objectif pourrait bien être réduit davantage si les puits de carbone absorbaient moins de CO2, afin de prendre en compte notamment le mauvais état des forêts et des sols.

Pour embarquer les États membres les plus réticents, d’autres concessions ont aussi été cédées par l’UE, comme le décalage d’un an de la mise en œuvre du nouveau marché européen du carbone (ETS2) au chauffage des bâtiments et au transport routier, de 2027 à 2028. De quoi satisfaire Varsovie et Rome, en dépit de l’opposition des Pays-Bas, de l’Espagne et de la Suède.

Finalement, la Hongrie, la Slovaquie, la République tchèque et la Pologne n’ont pas soutenu la cible 2040, là où la Bulgarie et la Belgique se sont abstenues, permettant son adoption à la majorité qualifiée, moins de quarante-huit heures avant l’envol d’Ursula von der Leyen pour le Brésil, pour une pré-réunion avec une trentaine de dirigeants mondiaux. La présidente de la Commission européenne s’est montrée optimiste jeudi 6 novembre : « L’Europe est sur la bonne voie ». Ce compromis devra encore passer l’épreuve du Parlement européen, avant de pouvoir être décliné en actions concrètes, non sans obstacles, les eurodéputés peinant déjà à mettre en route la réduction de 55 % des émissions d’ici à 2030.

« La fenêtre d’opportunité se ferme rapidement »

A quelques jours du lancement de la COP30, les chefs d’États rassemblés à Belém jeudi 6 novembre, ont admis l’échec de la communauté internationale à respecter le seuil des 1,5°C, alors que l’année 2025 serait la deuxième ou troisième année la plus chaude jamais enregistrée, d’après l’ONU. Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a prévenu que « la fenêtre d’opportunité se ferme rapidement », mais le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a voulu se montrer rassurant : « Nous n’avons jamais été mieux équipés pour contre-attaquer ».

Ces difficultés à impulser une lutte contre le réchauffement climatique ambitieuse s’inscrivent plus largement « dans un contexte géopolitique d’obstruction et de destruction de la politique climatique », et de « montée en puissance de mouvements populistes d’extrême droite qui propagent la désinformation et le déni », expliquait à Public Sénat Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue, membre du Haut Conseil pour le Climat et ancienne coprésidente du groupe n°1 du GIEC.

Force est d’ailleurs de constater que les dirigeants seront moins nombreux qu’aux COP passées. Les États-Unis, qui quitteront l’accord de Paris en janvier 2026, n’enverront pas de délégation au Brésil. Certains alliés de Donald Trump ne feront pas non plus le déplacement, comme l’argentin Javier Milei et la nouvelle Première ministre japonaise Sanae Takaichi. L’occasion pour Emmanuel Macron d’appeler à « protéger la science et fonder nos politiques sur ces constats », dans une allusion à peine voilée à l’hôte de la Maison Blanche. Dix ans après la COP21 de 2015, le programme s’annonce chargé entre la transition vers la sortie des énergies fossiles et les financements à destination des pays les plus vulnérables, en passant par un programme de travail sur la transition juste et ou encore la protection des forêts tropicales.

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