Écologie : « La transition est nettement moins coûteuse que l’inaction », avertit Pierre Moscovici
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Écologie : « La transition est nettement moins coûteuse que l’inaction », avertit Pierre Moscovici

Dans un premier rapport annuel sur le financement et la mise en œuvre des politiques de lutte contre le réchauffement climatique, la Cour des comptes s’inquiète du retard pris par la France dans ses engagements et souligne qu’il est « urgent d’agir ».
Guillaume Jacquot

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La Cour des comptes lance un pavé dans la mare, à quelques semaines du débat budgétaire au Parlement. Dans leur premier rapport annuel sur la transition écologique, les magistrats financiers soulignent les « retards » dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre de la France ou encore dans ses objectifs d’adaptation au changement climatique, qualifiés de « préoccupants ». Ils insistent sur « l’urgence d’agir ».

Comme le Haut Conseil pour le Climat avant elle, la Cour des comptes épingle le ralentissement dans la baisse des émissions ainsi que le niveau encore « élevé » de l’empreinte carbone des Français, c’est-à-dire les émissions « importées ». Rendu public ce 16 septembre 2025, le rapport met en garde contre les conséquences d’un « statu quo » au niveau de ces politiques publiques.

Urgence environnementale et bonne tenu des comptes ne sont « pas incompatibles »

« Même si le montant des investissements impressionne, il reste bien inférieur à ce que coûterait la poursuite des politiques actuelles. La transition est nettement moins coûteuse que l’inaction. On a un peu l’impression que ce message est mis sous le tapis », a déclaré le premier président de la Cour des comptes ce matin, Pierre Moscovici. Selon la Banque de France, une poursuite des politiques climatiques et environnementales en France à leur niveau actuel ferait perdre 11,4 points de PIB à l’économie française. Tandis que les investissements nécessaires à l’atteinte de la neutralité carbone d’ici 2050 limiterait ce recul à 6,5 points de PIB, en incluant le coût de la transition.

Consciente de la situation dégradée des finances publiques, la vigie budgétaire a toutefois souligné que ces deux enjeux n’étaient « pas incompatibles ». « Faisons en sorte que la transition écologique en pâtisse le moins possible. Elle est indispensable pour protéger nos sociétés, la transition écologique ne peut pas en être la victime, ou la variable d’ajustement », a averti Pierre Moscovici. Dans la dernière loi de finances, adopté au cours de l’hiver dernier, les crédits de la transition écologique ont été les premières victimes d’un coup de rabot budgétaire.

Dans ces conditions budgétaires difficiles, la Cour appelle à faire preuve de davantage d’efficacité dans la mise en œuvre des politiques de transition écologique. Ses conclusions mettent en lumière notamment des « leviers d’action publique multiples » mais « encore trop dispersés ».

La Cour des comptes demande à redonner du poids au Secrétariat général à la planification écologique, aujourd’hui « fragilisé »

La clé d’une meilleure articulation dans les politiques climatiques et environnementales viendra d’une bonne gouvernance. Inquiète du fait que la préoccupation écologique soit passée « au second plan de l’actualité » ces derniers mois, la Cour des comptes appelle en particulier à redonner au Secrétariat général à la planification écologique (SGPE) toute sa place. « C’est dans ce contexte que la position du SGPE a été fragilisée et son influence sur la prise de décisions réduite. La Cour préconise qu’il retrouve sa double capacité de mise en cohérence et d’impulsion », a recommandé Pierre Moscovici. Créé en 2022, et placé sous l’autorité du Premier ministre, le SGPE a pour tâche de coordonner l’action des différents ministères en la matière. Son premier titulaire, Antoine Pellion, avait annoncé en février sa démission, sur fond de plusieurs reculs en matière de politique écologique.

Toujours au chapitre des recommandations en faveur d’une meilleure cohérence et réussite des actions publiques, la Cour des comptes souligne que la transition écologique doit s’inscrire dans une « planification pluriannuelle, cohérente et partagée, ancrée dans les territoires, avec une trajectoire financière globale ». Alors que les besoins de financement (publics et privés) s’annoncent massifs dans les décennies à venir, la Cour des comptes appelle à « mieux cibler » les investissements publics. Pour rappel, si la France veut atteindre la neutralité carbone en 2050, cela supposera de doubler les investissements actuels d’ici 2030 (assurés pour les trois quarts par les ménages et entreprises aujourd’hui), soit 100 milliards d’euros supplémentaires chaque année.

« Être attentif à la qualité de la dépense publique mobilisée »

Face au mur d’investissements, la Cour juge « indispensable de mieux articuler les programmations climatiques et des finances publiques », notamment en renforçant la Stratégie pluriannuelle des financements de la transition écologique (Spafte), présentée pour la première fois à l’automne 2024. Les magistrats recommandent que cette Stratégie soit transmise au Parlement « au printemps » de chaque année, pour faciliter la prise de décision des parlementaires à l’automne.

Pierre Moscovici ajoute qu’il faut également « être attentif à la qualité de la dépense publique mobilisée ». « Par exemple, il est crucial de réduire les dépenses publiques dommageables, telles que les niches fiscales favorables aux énergies fossiles. Pourtant, cette réduction semble aujourd’hui au point mort », a-t-il fait savoir, à l’heure où le gouvernement démissionnaire entamait une revue des dépenses fiscales.

L’un des autres points d’attention de ce rapport de la Cour des comptes concerne les moyens des ménages, dans cette transition écologique. La juridiction financière recommande, s’agissant des politiques écologiques, d’évaluer la capacité de financement des ménages, en fonction de leur revenu et de leur épargne disponible. « Il faut absolument tenir compte des capacités de financement de chacun, en particulier des ménages modestes : ces derniers sont souvent confrontés à un reste à charge trop élevé malgré les aides existantes », a plaidé Pierre Moscovici.

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